Projet de
pont : aller au fond des choses
Par
Jocelyn Daneau
Selon l'investisseur Luc
Poirier : « Il est dommage
que la région et les élus ne se
mobilisent pas davantage pour
effectuer des pressions auprès
du gouvernement. Personne ne
porte le flambeau » (2
Rives, 5 janvier 2018).
« Bien que le promoteur du
pont ait décidé de se croiser
les bras jusqu’aux prochaines
élections provinciales en
novembre 2018, à Sorel-Tracy on
est dans l’action et on continue
de faire la promotion pour la
construction d’un pont, qu’il
soit privé ou public. »
(Communiqué, ville de
Sorel-Tracy, 8 janvier 2018)
Manifestement, le torchon brûle
entre Luc Poirier et nos
politiciens locaux et en
particulier avec M. Serge
Péloquin. D'une part, M. Poirier
dit que nous sommes
collectivement au neutre
concernant son projet. D'autre
part, M. Péloquin laisse
entendre que Luc Poirier ne fait
pas ce qu'il doit faire, du
moins à court terme. Par
ailleurs, nous comprenons que
Luc Poirier est dorénavant
considéré comme un joueur parmi
d'autres dans ce projet de pont,
du moins par la ville de
Sorel-Tracy.
Comment en sommes-nous arrivés à
une telle situation avec l'un
des rares investisseurs
extérieurs à vouloir investir de
l'argent à Sorel-Tracy, surtout
que nous parlons de sommes
substantielles, entre 350 et
500 M$ pour un projet qui
pourrait être structurant en
terme économique? De plus,
comment s'en sortir?
À la première question, d'un
point de vue citoyen, nous
pouvons identifier 3 causes
qu'il convient d'adresser pour y
trouver des solutions.
Premièrement, c'est l'absence
d'une vision d'ensemble
maîtrisée par la ville de
Sorel-Tracy quant à son
développement urbain. On aura
beau faire des documents
urbanistiques et consulter les
citoyens, mais en bout de piste,
quelle est l'idée maîtresse du
développement urbain de
Sorel-Tracy et de son
centre-ville historique ?
Mystère. Ce qui fait que l'on
accueille pratiquement comme des
quêteux, n'importe lequel
investissement du gouvernement
du Québec, comme celui dans les
installations du traversier de
14 M$, en se montrant bien
content. Content de quoi? On ne
le sait pas. Toutes les
alternatives comme celle d'un
pont n'ont pas été étudiées et
d'ailleurs, même le ministre des
Transports lors de son passage à
Sorel-Tracy ne semblait pas
savoir de quoi on parlait. À ce
titre, le député de Richelieu,
M. Sylvain Rochon donne
amplement raison à Luc Poirier.
Ce faisant, autre exemple relié
d'absence de vision d'ensemble
en matière d'urbanisation, ce
que l'on appelle Statera comme
produit d'appel touristique,
localisé au pourtour du
traversier, n'est en fait qu'un
moyen parmi d'autre. Dans quoi
Statera s'inscrit-il? On ne le
sait pas. Dans une vision
globale de développement urbain,
Statera ne devrait être qu'un
des attraits au service du
développement de notre
centre-ville historique; là, il
en est le moteur. Bref, c'est la
queue qui branle le chien et
celui-ci court partout comme un
fou. Tant et si bien, que c'est
par les médias, contre toute
attente, que Luc Poirier a
appris que la ville de
Sorel-Tracy privilégiait
dorénavant la traverse et… le
pont; le « beurre et l'argent
du beurre ». Sachant fort
bien qu’à la base du modèle
d'affaires de Luc Poirier, il y
a l'abandon pur et simple du
système de traversier.
Deuxièmement, c'est l'absence
non pas d'une stratégie de
développement économique pour
Sorel-Tracy, mais simplement une
incapacité de nos politiciens
locaux à maîtriser les
fondements de l'économie, et
donc à développer les réflexes
correspondants pour saisir les
opportunités, notamment celles
hors de leur zone de confort. Ne
nous leurrons pas, le
développement des terrains de
l'ex centrale d'Hydro-Québec est
une commande gouvernementale
dans le cadre de sa Stratégie
maritime et il ne doit rien à
une quelconque initiative de la
ville de Sorel-Tracy.
Quand un investisseur comme Luc
Poirier se présente avec un
projet d'envergure comme la
construction d'un pont, il faut
l'analyser avec des gens qui ont
les compétences
technico-économiques
appropriées. Ce qui
manifestement n'a pas été fait à
Sorel-Tracy. Par exemple,
Sorel-Tracy dit avoir déposé des
offres d'achat pour des terrains
pour le pont, sans au préalable
n'avoir obtenu aucune
autorisation des autorités
concernées; ici aussi, c'est la
queue qui branle le chien.
L'investisseur Poirier de par
ses propos et le sort qui lui
ait réservé nous indique
simplement qu'il a été laissé à
lui-même, tant par la ville de
Sorel-Tracy que par nos
représentants à Québec et à
Ottawa, que par la presque
totalité du milieu des affaires.
Globalement, Sorel-Tracy n'a pas
compris l'impact potentiel sur
notre structure économique, même
à l'ère de l'économie numérique,
de l'implantation d'un pont; n'y
voyant qu'un mode de transport
supplémentaire qui pourrait
perturber le va-et-vient des
ski-doos l'hiver et des vélos
l'été.
Troisièmement, c'est la
faiblesse de notre structure
d'accueil en termes de
développement économique,
notamment au niveau des
investisseurs, qu'ils soient
résidents ou à la recherche
d'une opportunité. À ce titre,
il est significatif de constater
que très peu de nouveaux
investissements privés se soient
concrétisés au cours des
dernières années à Sorel-Tracy
(ex. : distillerie de gin).
De plus, aucune nouvelle
d'entreprise non majoritairement
subventionnée ne semble sur la
planche à dessin des personnes
responsables de notre
développement économique.
Lesquelles sont incidemment
inconnues du public, par absence
de résultat concret depuis
plusieurs années. Ce qui est un
autre signe évident que notre
développement économique ne
donne pas de résultats, dans un
Québec qui est presque au niveau
du plein emploi; dans une ville
de Sorel-Tracy dont les annonces
de fermeture de magasin
s'égrènent à la chaîne.
Soyons conscients que notre
réputation comme ville à
vocation économique est
relativement faible. Ainsi,
traiter publiquement de façon
aussi cavalière comme vient de
le faire la ville de
Sorel-Tracy, un investisseur
crédible comme Luc Poirier,
laissera immanquablement des
traces sur notre image de
marque, surtout à l'extérieur.
Ce qui précède nécessite donc 2
grandes catégories d'action de
la part de nos décideurs locaux,
pour restaurer la confiance
quant à un Sorel-Tracy comme
localisation pour faire des
affaires.
D'une part, il faut rapidement
transformer en chantier c.-à-d.
en projets d'amélioration de nos
façons de faire, les trois
causes énumérées ci-haut. Il
faut y introduire l'excellence,
la rigueur et la compétence.
Nous ne pouvons plus agir à la
petite semaine comme dans le
présent cas. Présentement et
l'exemple du pont est frappant à
ce titre, l'attitude et les
comportements de la ville de
Sorel-Tracy nous place en mode
panique-réactif; les présents
excès de langage envers Luc
Poirier n'en sont qu'une
illustration. N'ayons pas peur
des mots, Sorel-Tracy dans ce
projet a échappé le ballon et il
faut maintenant le ramasser.
D'autre part à très court terme,
considérant que l'auteur de
cette lettre ouverte, c'est
connu, a émis plusieurs réserves
concernant la rentabilité
financière et économique de ce
projet de pont, il est
primordial que Sorel-Tracy mette
en place un « task force »,
uniquement composé de gens ayant
les compétences appropriées.
Nous devons comme collectivité,
aller au bout de l'histoire.
Si Luc Poirier affirme que
son projet de pont est rentable
financièrement, personne ne peut
pour l'instant, faire une
affirmation similaire en terme
technico-économique. C'est ici
qu'est le nerf de la guerre pour
intéresser le gouvernement du
Québec et nous devons poursuivre
les études en ce sens pour
connaître la fin de l'histoire.
Luc Poirier a raison, c'est à la
ville et la région de
Sorel-Tracy de maintenant porter
le flambeau.
Jocelyn
Daneau,
jocelyndaneau@gmail.com
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