Des pertes financières importantes pour nos producteurs laitiers
Les impacts de l’accord du libre-échange


Par Annie Bourque, mercredi 03 octobre 2018

Quel est l’impact du nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) signé in extremis la veille du 1er octobre, jour des élections au Québec?

Chose certaine, l’entente déçoit les producteurs laitiers comme Yves Champagne qui possède un troupeau de 90 vaches sur le rang Ste-Thérèse à Sorel.
 
« Monétairement, c’est inquiétant, cela représente environ un mois de production de moins », dit-il en évaluant ses pertes financières à plus de 30 000 $ par année.

M. Champagne précise que déjà l’Accord de libre-échange avec l’Europe ainsi que le Partenariat transpacifique ont entraîné une diminution du prix du lait de 10 cents, le litre.
« Ces deux accords nous ont fait perdre l’équivalent de 40 000 $ par année. Nous avons trouvé une façon d’éponger ces pertes en produisant du lait sans OGM, mais là, il va falloir être créatif. »

Il s’interroge sur les compensations qui seront offertes aux producteurs comme lui. « Que fera-t-on avec nos surplus de lait? », demande-t-il.
 
Innovation

Le commissaire agricole Alain Beaudin abonne dans le même sens. « Il va falloir penser au changement. Comment être plus innovant et trouver des solutions pour conserver nos marchés de façon plus intelligente. »

Fidèle à son franc parler, M. Beaudin n’a pas mâché ses mots. « On s’est fait vendre et c’est inquiétant pour nos fermes familiales qui perdent dans cette entente. »
Le commissaire souhaite qu’à l’avenir, des ponts s’établissent entre le producteur et les consommateurs dont la tranche des 18-35 ans qui veulent des produits santé, proches de l’environnement.

Laiterie Chalifoux

Le président de Riviera- Laiterie Chalifoux Alain Chalifoux tenait à prendre connaissance des modalités de l’entente avant de commenter. « C’est sûr que ce matin, c’est négatif pour nous et cela va avoir un impact », dit-il, visiblement déçu.
 
Du côté du Conseil des industriels laitiers du Québec dont fait partie 90 entreprises dont la laiterie Chalifoux, le président-directeur général Charles Langlois a expliqué les retombées de cet accord au SorelTracy Magazine« Cela a un impact sur l’accès au marché. Cela représente un autre 3,6 % du marché canadien qui est laissé aux importations américaines. Cela signifie que nos fabrications écopent : ce sont des produits que nos entreprises ne fabriqueront pas. »

502 fermes

« Si on ne fabrique pas de produits laitiers, on n’achètera pas de lait aux producteurs, ajoute-t-il. Autrement dit, le chiffre de 3,6 %, cela représente 250 millions de litres de lait qu’on ne transforme pas. Ce qu’on donne aux États-Unis, c’est l’équivalent de la production de lait de 502 fermes au Canada », illustre-t-il.

Exportation


Alain Chalifoux

Dans l’entente, le Canada ne peut exporter davantage de concentrés protéinés, de lait en poudre ou de produits pour nourrissons. « On ne pourra pas progresser dans ces exportations car on nous met un plafond. Cela veut dire qu’on recule là-dessus aussi. »

Produits USA

Dorénavant, les Canadiens pourront acheter le lait, la crème, le yogourt et les fromages provenant des États-Unis. Quel est l’impact pour une moyenne entreprise comme Riviera ? « Cela met de la pression sur les entreprises comme Chalifoux qui fabrique du lait, des fromages de spécialité, suisse, des yogourts. Cela représente une perte au niveau des ventes. »

Notre entreprise soreloise a déjà commencé à développer des produits qui se distinguent sur le marché. « La laiterie Chalifoux peut ainsi se trouver une niche pour compenser ses pertes. Les consommateurs doivent se dire : je préfère ce produit à celui des États-Unis ou d’Europe. Il faut se différencier et cela demande des efforts. »

Les entreprises laitières se trouvent en compétition avec de gros joueurs qui ont accès à du lait qui coûte moins cher. Le consommateur paiera-t-il moins cher ses produits laitiers? « Pas nécessairement, répond M. Langlois. Le transformateur ne contrôle pas le prix de vente au détail. C’est le détaillant (les épiceries) qui contrôle le prix de vente. Il n’y a aucune garantie que le consommateur va voir une différence sur les prix. »

Trois fois en trois ans

L’ouverture des frontières a des conséquences. « C’est la 3e fois en 3 ans qu’on perd du marché. Il y a un risque que des entreprises vont disparaître ou elles devront se consolider. »

Les fermes familiales risquent d’écoper. De plus en plus, verra-t-on sur notre territoire, de grosses fermes avec des coûts de production, très bas.

De son côté, le président du syndicat de l’UPA Richelieu-Yamaska, Sylvain Joyal craint pour la relève. « Les producteurs reviennent ainsi avec un revenu de 20 ans en arrière. C’est clair qu’il y aura des conséquences pour la relève », a-t-il dit sur les ondes de CJSO.

 
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