Courriel Saurelois
Une chronique sur l'histoire de Sorel
de Roland Plante

23 juillet, 2019

En collaboration avec :

La fin des chevaux dans nos rues
Par Roland Plante

C’est sous Louis XIV que les premiers chevaux arrivent en Nouvelle-France en juillet 1665 :14 chevaux, 12 juments et 2 étalons, font la traversée sur le navire « La Marie-Thérèse » et arrivent à Québec. Quelque quatre-vingts chevaux arriveront entre 1665 et 1671. Les chevaux auraient fait partie du haras du Roi, selon la légende. Ils sont d’origine normande, bretonne et poitevine et possiblement andalouse, les meilleures régions réputées pour la qualité de leurs chevaux.

Ce sont les communautés religieuses, les Ursulines et les filles de Marguerite Bourgeois, qui se verront offrir les premiers chevaux. Quelques seigneurs aussi, dont monsieur de Saint-Ours et Pierre de Saurel.

Un contrat est alors établi entre le bénéficiaire et les fonctionnaires de l'intendant Jean Talon. Ce contrat exige que la personne prenne soin de l'animal (sous peine d’une sévère amende de 200 livres si le cheval meurt), le fasse se reproduire, et remette un poulain à l'administration sous les 3 ans. Les poulains sont à leur tour redistribués selon les mêmes modalités et exigences.

Grâce aux conditions géographiques de la Nouvelle-France (ou malgré elles), les chevaux se développent en vase clos, sans apport de sang extérieur, et deviennent en moins de 100 ans, ce petit cheval de fer si prisé par nos voisins du sud, et par les Anglais après la Conquête de 1760.

Au fil des siècles, le cheval canadien aide à défricher un vaste territoire, contribue au développement économique du pays, participe à plusieurs guerres (Guerre de Sécession, Guerre des Boers, Première Guerre mondiale), et inspire de grands artistes comme Cornelius Krieghoff.

Le cheval canadien est la race chevaline du «Patrimoine agricole» du Québec depuis 1999, et la race chevaline «nationale» du Canada depuis 2002. Surnommé le Petit cheval de fer, en l’honneur de son étonnante robustesse, il aurait, selon les dernières études génétiques, amélioré plusieurs races nord-américaines au cours des 18e et 19e siècles, dont le cheval Morgan, le Standardbred et le Tennessee Walker.

Selon les évaluations de 1763, la population de chevaux au Canada s’élève à 13 ou 14 mille bêtes. Des chevaux sans apport génétique extérieur. Cette race qu’est le cheval canadien est officialisée 1887 et en 1895, le Dr J.A. Couture, vétérinaire, fonde la Société des éleveurs de chevaux canadiens, qui existe toujours.

Les chevaux étaient arrivés à Sorel dès le début de la colonie. Qui aurait pu dire qu’ils disparaîtraient de notre paysage régional et seraient remplacés par des machines. Que de souvenirs!

La fin des chevaux dans nos rues :
Les matins d’été, le bruit des sabots des chevaux annonçait le passage des laitiers. Madame Hector Dumas, Messieurs Cournoyer, Antonio Péloquin de Sainte-Anne et par la suite la laiterie Chalifoux s’arrêtaient chez leurs clients qui laissaient soit des pintes soit des chopines en verre devant leur porte et qui étaient payées avec de la monnaie ou des bons d’achat.

Les marchands de glace Wilfrid Chapdelaine et Lanciault laissaient sur les trottoirs des blocs de glace qu’on transportait à l’aide de pinces spéciales. Une fois nettoyés, on plaçait les blocs de glace dans des glacières par une porte sur le dessus. Ces glacières se trouvaient dans une petite annexe ordinairement adossée à la maison et l’eau de la fonte s’écoulait en dessous. Durant l’hiver, on n’avait pas besoin de glace, car on utilisait cette annexe non chauffée comme un congélateur, mais à la merci de la température extérieure.

On utilisait des voitures dotées de lisses ou patins en hiver. Le bruit de leurs clochettes avertissait les autres équipages de leur approche. Les nuits d’hiver étaient longues, noires, l’éclairage très limité.

Les marchands de bois et de charbon, Hector Blanchard et Joyal et fils, livraient leurs marchandises à l’aide d’un tombereau, une voiture à deux roues. Certains marchands épiciers comme P.C. Lemoine et Desnoyers, les marchands de bois James Sheppard et fils livraient leurs marchandises avec leur voiture. Les bouchers Bussière et Jos Quintal utilisaient leur cheval comme «Pit» Larochelle qui livrait sa viande et détenait le contrat pour transporter la malle entre le train et le bureau de poste. Un train au diesel que nous appelions «La Punaise» arrivait en gare vers sept heures du soir. Le postillon de Sainte-Victoire, monsieur St-Martin, semblait dormir et allait au bureau de poste toujours à la même heure, son cheval n’ayant pas besoin d’être guidé.

Un pâtissier, M. Corbeil, vendait des beignes, des choux à la crème, des éclairs au chocolat, etc. Le samedi, il avait son étal au Marché. Comment oublier l’odeur qui parfumait son établissement qui se spécialisait dans les beignes. Il utilisait aussi un cheval pour faire du porte-à-porte, tout comme M. Ledoux, marchand de fruits et légumes et quelques cultivateurs.

M. Gérard Labonté se spécialisait aussi dans les beignes et utilisait aussi un cheval pour faire du porte-à-porte.

M. Chevalier, de la rue Sophie (Hôtel-Dieu) offrait des services de transport, soit pour les déménagements, la livraison, pour disposer de la neige, etc. Il possédait une magnifique calèche, un taxi d’autrefois. Que de fois elle servit pour les mariages! L’hiver, il transportait les gens sur la glace vers l’île Saintt-Ignace ou vers Berthier.

Il ne faut pas oublier les magnifiques chevaux des pompiers. Je n’ai vu que leurs stalles. Quand la cloche d’incendie sonnait, ils allaient se placer sous leur attelage qui était suspendu, ce qui sauvait du temps.

Plusieurs citoyens possédaient de magnifiques voitures à cheval. Je me souviens d’un M. Jos. Bourque de la rue Sophie (Hôtel-Dieu) qui, le dimanche, parcourait les rues, tout bien habillé, portant le chapeau melon. M. Alphonse Guévremont, avec ses magnifiques attelages se livrait au transport de marchandises et de promenades en voiture.

Pour se rendre au marché et y vendre leurs produits, les cultivateurs partaient tôt le matin. Une fois leur voiture en place autour du marché, on dételait les chevaux et en les tenant par la bride, on les conduisait vers des écuries sur la rue Prince, une située du côté du fleuve, en arrière du magasin de radio Cardin était la propriété de M. Joseph Roy, amateur de chevaux de course, l’autre appartenant à M. Hector Dumas était située derrière l’épicerie Desnoyers.
Parfois, un cheval prenait le mors aux dents. Quelques braves tentaient de l’arrêter dans sa course folle. On lui couvrait les yeux avec un veston, on tentait de les saisir par la bride. Ceci se terminait souvent quand la voiture se renversait, la pauvre bête étendue par terre, entre les brancards, haletante, les yeux fous. Une scène bouleversante!

Nos ancêtres se faisaient un honneur de posséder le cheval le plus rapide. On dut même promulguer des lois pour empêcher les abus dans la ville. À Sorel, à cette époque, messieurs Roy, restaurateur, Roch, hôtelier et Milton Courchesnes, charretier, se livraient au sport des courses de chevaux.

En hiver, j’ai assisté par grand vent aux courses sur la rivière Richelieu. En été, il y avait des pistes de course en avant du Mont-Saint-Bernard et plus tard, au coin des rues Victoria et Royal (actuel Boulevard Fiset), à la place du stade de baseball.

Les tombereaux de la corporation municipale avaient notamment comme tâche de ramasser ce que nous appelions «les pommes de route». Bien gelées, elles avaient une autre utilité, on en retrouvait sur les patinoires comme substitut pour les rondelles. Sans compter qu’elles pouvaient servir pour le chauffage.

Les autos et les camions remplacèrent progressivement les chevaux. L’arrivée de ces véhicules bruyants soulevait l’admiration de tous! Il fallait faire moderne et remplacer les voitures à cheval par la machine à moteur.



Roland Plante
Avec la collaboration de Madeleine Blanche Lussier

 

Source : Roland Plante, Courriel Saurelois

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