L’électrification de la ville et
le début du métier d’électricien
Madeleine Blanche Lussier et
Roland Plante
L’électrification de Sorel a
suivi le développement de
l’éclairage dans la métropole,
Montréal. En effet, dès 1847, la
Montreal Gaz company est créée.
Dès les années 1850-60, on
utilise des turbines et des
roues hydrauliques pour
propulser les moulins à scie et
à grain.
En 1879, Thomas Edison invente
une ampoule électrique, il
débute aussi dans la même
période la production de
génératrices électriques à
courant continu (CC), ce qui
aide à introduire
l’hydroélectricité en Amérique
du Nord.
D’autres découvertes suivent
rapidement. Ainsi, le 4
septembre 1882, la compagnie
d’Edison, l' « Edison Electric
Light Company » fonde la
première centrale électrique à
charbon du monde, la Pearl
Street Station, à base de 6
dynamos Jumbo, pour produire du
courant continu dans le quartier
de Wall Street à Manhattan,
pouvant éclairer 85 maisons,
bureaux ou boutiques. Un an plus
tard, d'autres centrales
toujours plus puissantes
éclairent plus de 430 immeubles
new-yorkais avec plus de 10 000
ampoules.
Plus près de nous, en 1878 à
Montréal, on utilise pour la
première fois l’éclairage
électrique au Canada.
C’est J.-A.-I. Craig, commerçant
prospère de Montréal, qui fait
l’essai d’une lampe arc
électrique à l’automne 1878,
coin Bleury et Dorchester, au
Collège Sainte-Marie (Jésuites).
La même année, le journal La
Minerve commente une autre
expérience réalisée au
Champ-de-Mars, à Montréal : «
Plusieurs milliers de
spectateurs se sont déclarés
satisfaits ». On parle même de «
soleil de minuit ». Chose
certaine, il s’agit d’une
invention qui révolutionnera nos
façons de vivre. Gaz et
électricité se disputent la
faveur du public. Les compagnies
aussi se font concurrence pour
l’obtention des contrats
d’éclairage des rues.
Rapidement, la « Montreal Light,
Heat and Powwer Company »
élimine toute la concurrence
alors qu’ailleurs dans la
province, c’est la « Shawinigan
Water and Power Company » qui
commence avec un aménagement sur
le Saint-Maurice, près de
Trois-Rivières.
[…] Une société
est créée dans le
but de doter Sorel
de l’éclairage au
gaz, le 29 octobre
1855. Trois ans plus
tard, selon l’auteur
Philippe
Sainte-Marie, les
importants hommes
d’affaires Thomas
McCarthy et
Jacques-Félix
Sincennes sont
envoyés à Palmira,
dans l’État de New
York, pour y étudier
le système à gaz
Aubin, du nom de son
inventeur, Napoléon
Aubin, et pour
amorcer des
négociations dans le
but d’implanter ce
procédé à Sorel. La
Gazette de Sorel
informe toutefois
ses lecteurs, en
juin 1858, que
monsieur Baumann,
l’agent au Canada de
la maison Aubin,
s’affaire déjà à
l’implantation de
l’éclairage au gaz à
Sorel et à Saint-
Hyacinthe. Dès le
mois suivant, le
conseil de ville
autorise la
formation de La
Compagnie de Gaz de
Sorel et lui permet
d’installer des
conduites à travers
les rues soreloises.
Malgré tout, l’usine
est toujours
inopérante, deux ans
plus tard : « Depuis
près de deux ans
Sorel possède une
usine au gaz et
cependant nos rues
ne sont pas encore
éclairées». Le
conseil de ville
décide d’autoriser «
les dépenses
nécessaires pour
l’éclairage des Rues
qui sont pourvus
[sic] de fanaux et
étaient autrefois
éclairées par le gas
[sic], au moyen de
lampe à l’huile de
charbon», le 3
novembre 1862. |
À Sorel, des citoyens portent
plainte en 1884 parce que les
réverbères au gaz des rues
demeurent allumés toute la
journée. Le gaz n’étant pas
illimité, on dénonce le
gaspillage.
Dès ses débuts, la compagnie
devient une filiale de «
Shawinigan Water and Power
Company ». En 1889, un barrage
avait été construit à Shawinigan
et en 1903, l’électricité, qui y
est produite, est aussi utilisée
pour alimenter la ville de
Montréal.
Le 8 août 1903, la Shawinigan
Water and Power Company signe un
contrat avec la: “Sorel Light
Heat and Power Company”. La
“ligne” passe de Shawinigan par
Joliette, Lanoraie et traverse à
Sorel par câble sous-marin.
Un dénommé Joseph Simard vient
habiter en 1908 chez sa sœur
Marie, épouse d’Armand
Petitclerc. Il se trouve du
travail l’année suivante comme
commis à la ville de Sorel. Il
quitte ensuite cet emploi pour
travailler pour la « Sorel
Light, Heat and Power Co » et en
1914, il en devient
surintendant. La même année, il
épouse dame Rose-Blanche
Pontbriand, fille d’Arthur T.
Pontbriand, président de cette
compagnie.
Un jeune frère de Joseph Simard,
J. Édouard, arrive à Sorel en
1914. Après un bref séjour au
collège Mont-St-Bernard, il
devient apprenti-électricien. Il
fera aussi études en électricité
à Shawinigan. Après avoir appris
le métier à l’atelier de M.
Stanley Lunan, il devint
entrepreneur dans ce domaine.
Dans ses temps libres, il vend
des grille-pains et des fers à
repasser électriques de porte en
porte. Stanley H Lunan
(1889-1969) fut le premier à
implanter l’électricité à Sorel.
Il avait un atelier et comptât
parmi ses employés Messieurs.
Édouard Simard et Léo Péloquin.
Il vendait des récepteurs radio
de marque Rogers Majestic.
Le 10 juillet 1903, la compagnie
électrique de Sorel devint une
filiale de la « Shawinigan Water
and Power Company ».
En 1928, Joseph Simard vend ses
parts dans la “Sorel Light and
Power à la Shawinigan Water and
Power Co”.
Une des plus importantes
industries locales, elle a
permis à un bon nombre de
sorelois d’acquérir les
connaissances nécessaires pour
devenir électriciens. Parmi
ceux-ci, J.P. Paul Cardin, qui
se perfectionna grâce à des
cours par correspondance, et
dont les fils poursuivirent des
carrières dans ce domaine et
dans celui de la radio. Il y
avait aussi Tancrède De
Grosbois, M. Champagne et Raoul
Morin.
Les premiers compteurs avaient
une capacité de 30 ampères et
110 volts, ce qui limitait le
nombre de lumières et de prises
électriques. L’installation de
ces compteurs à l’intérieur des
maisons déjà construites n’était
pas très esthétique. Les fils
courraient au plafond. Loin de
s’en cacher, les gens en
tiraient une fierté. Ils avaient
l’électricité!!!
Le métier d’électricien devient
de plus en plus populaire et
ouvre de nouveaux horizons!
Voici quelques noms bien connus
dans la région :
• Ulric Cardin &
frère vend des récepteurs radio
Atwater Ken et plus tard le RCA
Victor et le Philco. Gérard
Cardin décédé 1992. Ulric Cardin
a fondé en 1927 un magasin et un
atelier spécialisé en radio.
Leur père, Joseph, Pierre Paul
était chef électricien au
chantier du gouvernement, il est
décédé en 1939.
• Octavien Péloquin,
Maître-Électricien. Il créait
des radios à trois lampes de sa
fabrication, montés dans un
cabinet et qui se vendaient
125$.
• Michel Rousseau
est Chef-électricien à la Quebec,
Montreal, Southern, Railways (QMS).vers
1928.
• Olitor Ménard,
Maître-Électricien. Après des
études au séminaire de
Saint-Hyacinthe, il est au
service de Valois et Frères
comme vendeur de vêtements, au
salaire de 1.25$ par semaine. Ce
magasin était situé au coin des
rues Augusta et du Roi. .Les
commis expérimentés de chez C.O.
Paradis gagnaient de 17 à 20$
par semaine.
M. Ménard fut initié à
l’électricité lorsqu’il obtint
un emploi au chantier maritime
du gouvernement fédéral, situé
du côté de Saint-Joseph de
Sorel, à l’embouchure du
Richelieu. L’emplacement fut par
la suite occupé par l’usine
Sorel Industries Limited, par
Crucible Steel, et par Les
Forges de Sorel. Il obtint son
emploi en 1927, grâce à ses
cousins Valois, qui étaient du
parti libéral et par le député
provincial. J.C.A. Turcotte.
C’est ainsi que ça fonctionnait
à cette époque!!! Il suivit des
cours par correspondance en
électricité et en dessin.
Il devient par la suite
électricien au service de
l’usine d’entretien des chemins
de fer Québec, Montréal &
Southern. Cette usine, située
sur la rue Victoria près de la
rue Elizabeth, utilisait 200
hommes.
Les premières émissions
radiophoniques produites à Sorel
furent l’œuvre de M. Olitor
Ménard. Il avait aménagé un
poste émetteur dans sa maison,
située au 95 de la rue Limoges.
Le poste identifié par les
lettres OMX de Sorel diffusait
le dimanche soir pendant les
années 1930. Des musiciens
locaux soit des accordéonistes,
des chanteurs, des chanteuses,
des violonistes, des joueurs de
clarinette, un instrument qu’il
jouait lui-même, se produisaient
à l’antenne qui diffusait
jusqu’à Berthier.
Il fut alors sollicité par des
marchands pour faire de la
publicité. De leurs compétiteurs
portèrent plainte. N’ayant pas
obtenu un permis du
gouvernement, la Gendarmerie
Royale l’obligea à cesser ses
opérations.
Pour installer l’électricité en
ville, son employé utilisait un
tri-porteur avec une boîte qui
contenait ses outils, son fil,
ses isolateurs, dont Roméo
Pallardy, Émile Côté, Aimé
Bibeau, Marcel Houle. Seul
Marcel Houle ne fut pas enrôlé
pendant la guerre car il ne
réussit pas les examens de
l’armée. Les autres furent
exemptés en travaillant dans les
usines participant à l’effort de
guerre.
Quand il eut à électrifier les
rangs de Saint-Robert, Olitor
Ménard acheta une auto. N’ayant
pas de permis de conduire, son
cousin, Jean-Jacques Valois, au
service du ministre P.J.A.
Cardin, allait reconduire les
ouvriers le matin et les
ramenait le soir. Dans un rang,
ses premiers clients
commandaient le strict minimum.
Plus loin, un autre pouvait
commander un système plus
puissant. Il devait recommencer
les premières installations
quand les premiers clients en
voyaient l’utilité.
Olitor Ménard fonda
l’association des
Maîtres-Électriciens Richelieu-Yamaska
vers 1950. Elle dura environ 4
ans. Cette association et celle
de Montréal ont été fusionnées
pour former la Corporation des
Maîtres électriciens de la
province de Québec. Olitor
Ménard transmis sa passion à ses
fils, Fulgence, Serge, Blaise et
André. Un de ses petit-fils
travaille toujours dans le
domaine en élargissant
l’entreprise à la réparation d’électro-ménagers.
• Lucien Degrandpré.
(1920-1971). Après ses études au
Mont-Saint-Bernard, Il travaille
comme comptable pour la Cie
électrique de Sorel pendant
quelques temps avant de fonder
en 1921 ce que nous connaissons
comme « la fabrique de balais »,
rue Hôtel-Dieu.
• Léo Péloquin
(1929 -1972), entrepreneur
électricien. Il est le fils de
Calixte Péloquin et d’Albina
Cournoyer, A sa sortie du
collège, il apprend le métier
d’électricien avec J. Édouard
Simard à l’atelier de Stanley
Lunan. Il entre au service de
son oncle, Octavien Péloquin,
entrepreneur électricien. En
1929, il achète l’entreprise de
M. Stanley H. Lunan, située au
coin nord-ouest des rue Roi
Charlotte, l’édifice est nommé
Sorel Light & Power. Il occupa
le poste d’échevin pour la ville
de Sorel de 1956 à 1967. Parmi
ses employés, notons son frère,
ses neveux Bernard et Fernand
Cournoyer, Guy Mandeville et
Armand Plante.
• J.P. Gérard Cardin
(1933-1992.),
maître-électricien licencié. Né
le 21 juin 1913, il est le fils
de J.P. Paul Cardin, électricien
et de Marie-Ola Ethier. Il fait
ses études à l’Académie du
Sacré-Cœur et à l’École des
Études Techniques de Montréal.
Il est membre de la Corporation
des Maîtres-Électriciens du
Québec. En 1933, il fonde son
commerce spécialisé en
électricité, mécanique et
soudure industrielle et
commerciale. Son frère Roch
travaille dans cette entreprise.
• Jean-Louis Charbonneau
(1944-2007).
Entrepreneur électricien. Il est
né le 17 octobre 1920 et il est
le fils d’Arthur Charbonneau,
entrepreneur et de Marie
Ellenberg. Il fait ses études à
l’Académie du Sacré-Cœur et par
correspondance à l’institut
Coyne Electric de Chicago. En
1944, il fonde une entreprise
spécialisée dans l’installation
et l’entretien de machines à
contrôle automatique dans
l’industrie et sur les navires.
• Fernand Lefebvre
(1922-1992). Entrepreneur
électricien, il a un magasin sur
la rue du Roi et outre le métier
d’entrepreneur, il vend des
luminaires. Il sera impliqué
président de la commission
scolaire de Sorel et deviendra
le premier président de la
commission scolaire régionale
Carignan. Il dirigea les
destinées scolaires de notre
région pendant près de quinze
ans. .La polyvalente de Sorel
porte son nom
• Jean-Marie Cardin.
Né le 13 août 1916, fils de J.
P. Paul Cardin, électricien et
de Marie-Ola Ethier. Il fait ses
études à l’Académie du
Sacré-Cœur et à l’École des
Études Techniques de Montréal.
En 1951, il fonde sa propre
entreprise en électricité,
chauffage à l’huile et à
l’électricité, système de
réfrigération, d’air climatisé
et dans les systèmes d’alarme.
Il est membre de la Corporation
des maîtres-électriciens du
Québec.
L’électricité supplanta
rapidement le gaz et se propagea
rapidement dans les foyers de la
région. Des débuts modestes de
l’électrification à
l’omniprésence de cette
invention, qui aurait imaginé
que notre vie serait «
électrique et électronique » et
que nous ne saurions nous en
passer!
Voici, ci-dessous, quelques
photos illustrant notre propos.
Madeleine
Blanche Lussier et Roland Plante
Sources : M. Joseph Cardin, M.
S.Hale et Dawn Lunan, M.
Fulgence Ménard.
Source :
Roland Plante, Courriel
Saurelois
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