Noël : de
l’illusion vers la réunion
Par
Jocelyn Daneau
Drôle de phénomène que la fête
de Noël, qui sur le fond des
choses est essentiellement une
fiction fabriquée par le
catholicisme. Pour ce qui est de
la forme, Noël, c’est surtout
devenu un gros happening
d’achats, qui répond aux
impératifs du marketing de
l’industrie du commerce de
détail; laquelle nous a aussi
inventé au XXe siècle, le père
Noël pour nous faire dépenser
encore plus. En fait, ce 25
décembre est rempli à ras le
bord de contradictions, peu
importe la grille d’analyse
utilisée.
Si on regarde le tout dans le
contexte du Québec et de la
région de Sorel-Tracy, surtout
du point de vue des « boomers »
et de leur descendance, nous
sommes pratiquement tous issus
de la mouvance catholique. Mais
depuis longtemps, nous ne
pratiquons plus aucune religion
– catholique ou autres - dans
une région où les églises se
vident, sont carrément démolies
ou transformées en salle de
gymnastique, voir en alambique.
Contradiction majeure! Plus
personne ou presque ne
s’intéresse au Dieu catholique,
mais les radios nous abreuvent à
satiété d’une musique de Noël où
les Il est né le divin messie et
autres Minuit chrétiens, n’en
finissent plus, pour finir par
nous taper sur les nerfs, même
si d’année en année, nous en
redemandons. On s’est débarrassé
des curés et des églises pour
les remplacer par les « Vendeurs
du temple ».
Ainsi, avec ce vieux fond
catholique dans le Québec de
2019, de la loi 21 sur la
laïcité et du décrochage des
crucifix, il faudrait assumer
notre « noellitude » : religion
ou consommation. Remarquez que
pour un peuple qui ne se
reconnaît pas dans le « plusse »
beau pays du monde, mais qui
continue d’y adhérer, nous ne
sommes pas à une contradiction
près.
Bref, on se dit laïc, agnostique
et autres « iques », mais
surtout pas catholiques, du
moins, catholiques pratiquants.
Alors, qu’est-ce qui nous pousse
comme les Rois mages à nous
lancer dans une frénésie de
cadeaux? Pourquoi nous
excitons-nous dans un rodéo de
cartes de crédit à nous endetter
plus que de raison, souvent
jusqu’à 17 h. chaque 24
décembre, à commander des
bébelles de partout dans le
monde?
Il y a quoi à fêter, si on ne
célèbre pas la naissance de
Jésus? Le solstice d’hiver,
comme le faisaient les fêtes
païennes du IVe siècle, à partir
duquel le Noël actuel a été
construit par le catholicisme?
En réalité, la période des Fêtes
est devenue un long congé
statutaire, aux déplacements
épuisants où se multiplie les
repas gargantuesques, qui donne
par tradition, un argument pour
s’endetter dans une orgie de
cadeaux souvent inutiles. Vous
ne me croyez pas! Sachez qu’en
France, près de 30 % des cadeaux
de Noël sont immédiatement
revendus et qu’eBay propose déjà
un site internet de revente, sur
la base de l’idée que le père
Noël s’est trompé.
Enfoncé que nous sommes dans le
tourbillon de cette tradition
millénaire, même les
environnementalistes sont
victimes de ce paradigme en nous
laissent en paix avec
l’empreinte de carbone de Noël;
laquelle doit être phénoménale.
Parce que c’est ici, une autre
de nos contradictions. Nous
déplorons l’absence de froid et
de neige pour nos sports d’hiver
pour cause de réchauffement
climatique, mais avec notre
consumérisme effréné de Noël,
nous contribuons à émettre des
tonnes de gaz à effet de serre;
nous-mêmes en nous déplaçant en
VUS (50 % du parc automobile au
Québec) ou en avion pour le Sud
ou en installant à l’extérieur
des millions d’ampoules
multicolores ou en achetant
mondialement des millions de «
kossins » livrables à notre
porte.
Mais Noël n’a pas que des
défauts. C’est un moment
privilégié de l’année qui permet
de se rassembler en famille.
Laquelle on le sait, devient de
plus en plus éclatée avec la
disparition de la famille
traditionnelle de type
nucléaire. C’est aussi un moment
d’arrêt, même si la gestion des
rencontres les uns avec les
autres requiert souvent des
habiletés diplomatiques de haut
vol.
Abolir Noël? Sur le plan des
sacro-saintes retombées
économiques, je vois mal la
classe politique se lancer dans
un tel projet; même abolir les
polluants publisacs fait
présentement l’objet d’une
bataille rangée, genre débat de
société. Au plan émotionnel de
la tradition de Noël, qui voudra
mener cette bataille qui
heurtera notre imaginaire de
plein front, sachant que le
catholicisme imprègne encore
énormément une société
québécoise qui se dit laïque et
ouverte au multiculturalisme,
tout en le pratiquant à
géométrie variable.
Abolir Noël? Cela arrivera
plutôt que tard par la force des
choses c.-à-d. par le biais des
changements climatiques.
Lesquels suivent sans état
d’âme, leur propre logique
autodestructrice de l’Homme, son
plus grand et principal
prédateur. Parce que cette
course immodérée à la
consommation dont nous sommes
tous les acteurs aura une fin,
c’est dans l’ordre naturel des
choses. Sans vouloir faire une
Greta de moi-même, il serait
temps d’y penser et d’agir parce
que la nature a déjà commencé à
y voir et elle ne nous fera pas
de cadeau, surtout pas à Noël.
Cessons de vivre dans l’illusion
d’un Noël de religion et de
consommation pour n’y retenir
que son côté union et réunion.
Là, nous ferons un pas en avant
comme société.
Bonne année 2020! La santé pour
vous et les vôtres, c’est le
bien le plus précieux.
Jocelyn Daneau
jocelyndaneau@gmail.com
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