Concernant la demande de pardon
de François Legault
Connaissez-vous Leroy
Jethro Gibbs
(interprété par Mark Harmon), le
célèbre détective sans filtre de
la série télévisée
NCIS
aux 17 saisons et une 18e
à l’arrêt pour cause de COVID-19?
Ancien
Marine
qui voterait probablement
Républicain, il fonctionne sur
la base d’un système de valeurs
assez rigide appelé
Les règles de Gibbs
dont la 6e :
Ne jamais vous
excuser. C'est un signe de
faiblesse.
Alors que dirait Gibbs de
François Legault, lui qui s’est
récemment confondu en excuses et
mea-culpa pour la déplorable
situation dans nos CHSLD :
stratégie
du fin politicien ou geste
sincère de l’humaniste? Comme le
dit le dicton : « Faute
avouée à moitié pardonnée ».
Alors, notre premier ministre ne
demandait-il pas pardon en vue
de poursuivre son chemin et sa
tâche, l’esprit libre?
Ce qu’il faut comprendre, c’est
que la présente pandémie est une
première pour tous les
dirigeants du Monde de par son
ampleur, sa vitesse de
propagation et selon ce que je
comprends des experts entendus,
uniques par sa complexité.
D’ailleurs, le docteur Karl
Weiss, microbiologiste et
infectiologue, disait récemment
sur Radio-Canada que lui et ses
collègues sont hebdomadairement
en apprentissage, concernant les
traitements reliés au COVID-19.
Alors, soyons conscients sans
pour autant être insensibles et
se désoler de la fatalité dans
certains cas, que le « Droit
à l’erreur »
fait malheureusement partie de
l’équation dans la gestion
actuelle du système de santé et
de la pandémie.
Soyons aussi conscients que les
ressources consenties au CHSLD
depuis plusieurs années par
NOS
gouvernements successifs ne sont
que la conséquence des choix de
société que
NOUS
avons faits, exprimée
collectivement et à majorité
simple, par le résultat de
différentes élections. Autrement
dit, quand nous disons
collectivement et
systématiquement à la classe
politique : « Baissez
nos impôts »
tout en demandant plus de
services (ex. : CPE), c’est la
quadrature du cercle.
D’autant plus que François
Legault et son gouvernement
ÉLU
ont répété
ad nauseam,
dans l’univers pré pandémie qui
était le notre, qu’il voulait « remettre
de l’argent dans les poches des
Québécois ».
Souvenons-nous des paroles de
notre premier ministre, le
13 septembre 2019 à la veille du
début des négociations dans le
secteur public : « Les
surplus appartiennent aux
Québécois; ils n'appartiennent
pas aux groupes de pression; ils
n'appartiennent pas aux
syndicats ».
Ce n’était manifestement pas de
l’argent destiné aux poches des
préposés aux bénéficiaires ou si
peu… même si l’intention y
était.
Même si nous sommes conscients
qu’une bonification de la
rémunération des professeurs et
des préposés aux bénéficiaires
est requise, ne soyons pas
hypocrites, pour une majorité de
Québécois, ces paroles étaient
de la musique à nos oreilles. La
preuve? François Legault « scorait »
à ce moment et encore
maintenant, assez haut en termes
de taux de satisfaction.
Ne soyons donc pas surpris que
les CHSLD comme l’un des
derniers maillons de la chaîne
des services de santé soient le
parent pauvre du réseau.
D’autant plus que sa clientèle
se compose essentiellement des
individus les plus démunis de
notre société, incapables de se
défendre. Au Tim Horton le
matin, on aime mieux parler du
temps de glace de Jonathan
Drouin que celui où
monsieur/madame notre aînée
conserve sa couche saturée
d’urine. Au salon de coiffure,
on préfère se gargariser des
dernières blouses hétéroclites
de Céline Dion, sans se
préoccuper de celles des
préposés aux bénéficiaires.
Revenons à la question du
début : Pourquoi François
Legault demande-t-il pardon?
Selon le Larousse, le pardon se
définit comme le « Fait
de ne pas tenir rigueur d'une
faute ».
Bref, on passe au suivant, eut
égard au fait que
95 % des Québécois sont
satisfaits de la gestion de la
pandémie par le Gouvernement
Legault. Si tel est le cas, où
est notre responsabilité
collective dans le fiasco de la
gestion des CHSLD?
On pourrait débattre de la
question sans fin concernant ce
concept qui remonte aux origines
du catholicisme. Les analystes,
autres chroniqueurs et
philosophes n’y manqueront pas.
C’est donc à l’un de ces
derniers — André Comte-Sponville
— que j’ai posé la question.
Dans son célèbre Dictionnaire
philosophique (2002, p. 731), il
écrit à propos du pardon : « Pardonner,
ce n’est ni oublier ni effacer;
c’est renoncer, selon le cas, à
punir ou à haïr ».
Sur cette base, ce n’est pas un
pardon personnel que Francois
Legault a demandé publiquement
le 17 avril 2020 à la face de
tous les Québécois et
Québécoises.
C’est une demande de pardon
collectif qu’il a énoncé.
Si les citoyens se pardonnent,
ce que nous serons enclins à
faire assez rapidement pour
soulager notre conscience,
prisonnier nous-mêmes de notre
propre confinement et de ses
conséquences, alors il pourra
continuer à gouverner l’esprit
en paix. Dans une guerre, le bon
général en vient souvent à
déterminer là où il doit
sacrifier une partie de ses
troupes pour sauver l’essentiel
de son armée et ainsi, lui
donner la victoire. Je sais, il
y a la question de l’utilisation
des médecins spécialistes…
c’était une erreur tactique…
mais c’est une autre question.
En bout de piste, s’agit-il
comme Gibbs l’énonce, d’un signe
de faiblesse de François Legault?
Chacun jugera à une époque de
surmédiatisation des leaders
politiques où un Justin Trudeau
s’excuse continuellement pour un
tout et un rien, la larme à
l’œil avec à l’opposé, un Donald
Trump aux comportements de
psychopathe, allergique à l’idée
d’humilité.
Il est fort probable qu’il
s’agisse pour notre premier
ministre d’un mélange d’une
foule de sentiments et
d’intentions, visant à nous
permettre collectivement de
relâcher de la pression et la
sienne. Le tout à un moment où
se conjugue la pression d’un
confinement qui devient de plus
en plus pesant dans toutes les
dimensions de nos vies et
l’arrivée du printemps, lequel
signifie la liberté de sortir
dehors sans entrave, après un
hiver confiné.
En bout de piste, la question
qui s’impose est de savoir dans
quelle mesure nous pouvons nous
pardonner nos choix collectifs
comme société lorsqu’ils
tournent mal.
Jocelyn Daneau, isolé,
jocelyndaneau@gmail.com |