Une chronique de
 Jocelyn Daneau

jeudi 23 avril 2020

Legault-Arruda et le Choix de Sophie

Dans une chronique précédente — Isolé aux quatre vents du CODIV-19 (23 mars 2020) — je vous avais brièvement mentionné que dans plusieurs pays — Espagne, Italie — où la pandémie était difficile à maîtriser, que les autorités se retrouvaient devant un dilemme du type : Choix de Sophie. Une expression populaire qui tire son origine du roman du même titre de l’américain William Styron, que j’ai lu dans une autre vie, il y bien longtemps. Une époque aussi éloignée qu’une galaxie, presque autant que celle où l’on nous disait que la pandémie était maîtrisée.

 

Le Choix de Sophie, c’est : « … le jour où elle est arrivée à Auschwitz (ndlr : camp de concentration), un médecin sadique lui a fait choisir entre ses deux enfants celui qui serait tué immédiatement par gazage et celui qui pourrait continuer à vivre… » Vous me trouvez dramatique? C’est pourtant de cela dont on parle à chaque fois que le mot déconfinement est prononcé : c’est le choix du nombre de morts que l’on peut socialement tolérer pour recommencer à vivre comme avant? C’est le Choix de Legault-Arruda, un choix d’insomnie.

Celui-ci, qui procède d’une démarche complexe de type politico-scientifique, se résume simplement à déterminer la date du début du déconfinement, sa portée et son lieu. Mais c’est surtout de déterminer par arbitrage, le meilleur équilibre pour minimiser le risque — le niveau de taux de propagation du COVID-19 — en vue de maximiser l’impact positif sur la vie socio-économique des Québécois(e)s. Autrement dit, chaque scénario de déconfinement est accompagné de son risque et de ses impacts en termes de pression sur le système de santé, mais aussi de nombre de morts, de résurgence d’une seconde vague, etc.

Il y a deux choses qui n’existent pas dans ces scénarios. D’une part, le risque zéro, sauf si on parle de notre mort individuel. Parce que le risque zéro implique de mettre la société à l’arrêt complet, dans le sens le plus strict du terme. Il faut donc consentir à vivre avec une certaine dose de risque, lié au COVID-19 comme nous le faisons avec les autres maladies qui nous entourent. Comme le rapportait Québec Sciences : « Il va falloir «désapprendre» la peur de la COVID-19 » que nous a inspiré subitement le trio Arruda-Legault-McCann, pour nous mettre sur pause.

D’autre part, quand François Legault déclare (21 avril 2020) en matière de déconfinement : « Donc, l'idée, là, ce n'est pas de rien précipiter, c'est d'y aller graduellement, puis le critère qui est utilisé, c'est la santé. » Il est sûrement de bonne foi. Mais c’est intenable comme position, c’est comme si le risque zéro existait. Le fait de pratiquer la distanciation sociale ou de porter un masque sachant qu’il n’est pas toujours possible de se laver les mains, c’est une acceptation implicite qu’il y a un risque d’être contaminé. Ouvrir les écoles, les entreprises et certains commerces, c’est accepter plus de risque de contamination. Ce qui est induit ici, c’est qu’avec l’aplatissement de la fameuse courbe des cas contaminés, qui donne de l’oxygène dans le réseau de la santé, le gouvernement et donc son peuple, est disposé à accepter un certain niveau de contamination pour rouvrir la vie socio-économique. Ça aussi, c’est un Choix de Sophie; comme les Suédois l’ont fait en vivant la pandémie en semi-déconfinement et donc, en acceptant immédiatement un taux de mortalité supérieur.

Considérant que le COVID-19 est un nouveau virus, que son comportement n’est pas connu, qu’il sera avec nous un certain temps (avant l’avènement du vaccin) et surtout qu’il serait « plus contagieux que l’on pensait », la décision du déconfinement qui sera prise renferme on le comprendra, une certaine marge d’erreur. Autrement dit, malgré tous les experts et même si nous ne sommes pas dans une situation où il faut « tirer du gun » pour décider, le Choix de Legault-Arruda quant au déconfinement renferme un risque avec beaucoup d’inconnus. Surtout que le directeur du Centers for Desease Control des États-Unis a déclaré que la seconde vague de COVID-19 prévue cet automne, serait potentiellement plus virulente. Mais en bout de piste, comme le dit le bon docteur Arruda : « … on ne peut pas maintenir une société enfermée comme ça… ».

En termes de ce que l’on appelle l’aversion au risque c.-à-d. de la capacité à prendre des risques ou de les éviter, je dirais que Justin Trudeau m’apparaît très prudent en parlant de semaines et de mois de confinement. Il faut dire qu’il ne gère aucun système de santé, qu’il est dans sa bulle sécuritaire assez loin de la population et qu’il est assis sur une montagne d’argent. Je dirais que François Legault est dans une position mitoyenne. Mais on remarque que son passé d’homme d’affaires le rend impatient et prend souvent le dessus dans sa volonté de vouloir rouvrir l’économie; le tout étant tempéré par le bon docteur Arruda, qui nous révèle chaque jour son caractère opiniâtre. À l’autre opposé, il y a Donald Trump. Personnage sans foi ni loi qui ne pense qu’à sa réélection et à l’enrichissement de son clan, il flatte sa base électorale en l’appelant quasiment aux armes pour rouvrir l’économie. « Live Free or Die » comme ils disent au New Hampshire.

1 000 soldats

Mon avis, c’est le vieux fond séparatiste de François Legault qui l’empêchait de prendre cette décision de recourir massivement à l’Armée canadienne, laquelle aurait dû être prise voilà plusieurs jours. Le recours aux médecins spécialistes était une très mauvaise idée et le résultat mitigé obtenu en termes de réels « Oui, je le veux » le démontre sans appel.

CHSLD

Un peu tanné d’entendre les médias et les bien-pensants de continuellement faire le procès de la classe politique québécoise présente et passée et des fonctionnaires ou à s’horrifier de la situation catastrophique dans les CHSLD. Je rappelle à tout ce beau monde que ce résultat honteux est essentiellement le fruit d’un choix de société, que nous avons fait depuis de nombreuses années. Ce Choix de Sophie, c’est nous qui l’avons fait, collectivement, en fonction du niveau de vie que nous voulons.

À Saurel

Selon la Direction de la Santé publique de Montérégie, il y aurait 14 cas confirmés de COVID-19 dans Pierre-De Saurel, dont 10 à Saurel (22 mars 2020).

Alors, quel est le taux réel de contamination? Selon La Presse (22 avril 2020) : « Le ministère de la Santé et des Services sociaux… a indiqué la semaine dernière qu’il s’inspirait d’études anglaise et française le situant entre 1 et 6 %. »

Réponse : Entre 350 et 2 100 pour Saurel. Entre 500 et 3 000 pour Pierre-De Saurel. C’est assez spectaculaire comme résultat et ce n’est pas l’impression que nous avons heureusement, à regarder autour de nous.

Jocelyn Daneau, isolé, jocelyndaneau@gmail.com

 PUBLICITÉ STM

 
Bookmark and Share

PUBLICITÉ

------------------------

 




 
Le SorelTracy Magazine
une filiale des Productions Kapricom
Tous droits réservés
© 2000-2019