Verglas 1998
et COVID-19 : quelques
similitudes
J’écoutais François Legault en
conférence de presse
hebdomadaire et je ne pouvais
m’empêcher de tracer un certain
parallèle entre la crise du
COVID-19 aux dimensions
abyssales et celle du Verglas de
1998, à laquelle j’ai participé
de très près comme employé
d’Hydro-Québec. J’étais alors
localisé à Saint-Hyacinthe comme
administrateur de contrats,
responsable de l’acquisition des
poteaux de bois : un produit de
« commodité », normalisé
et stratégique dans le contexte
d’un réseau électrique. Pour
plus de détails, vous pouvez
lire mes « aventures »
relativement à cette période
charnière de ma vie
professionnelle dans :
Au coeur de la tempête de
verglas de 1998 comme
Hydro-Québécois.

Masque et poteau
Pour relever un réseau de
distribution électrique comme le
nôtre, détruit par l’ampleur du
verglas de 1998, il faut des
tonnes de matériels électriques.
Mais le tout doit être installé
dans un certain ordre en
commençant obligatoirement par
des poteaux. C’était l’urgence
urgente dans les premiers
moments du rétablissement du
réseau; au Québec dans le fameux
Triangle de glace, mais aussi
aux frontières du Maine, de
l’Ontario et du
Nouveau-Brunswick touchés par le
verglas.
En au moins une occasion,
nous nous sommes fait détourner
des voyages de poteaux. C’était
un fournisseur ontarien que l’on
connaissait peu, surtout
préoccupé par l’argent au lieu
du respect de sa parole.
Je ne suis pas surpris que
des livraisons de masque soient
détournées. Dans le présent
contexte, avec la dimension
planétaire de la crise, c’est
devenu la loi de la jungle où le
« cash - dollar américain
» est effectivement roi et
maître.
Processus et procédures en
urgence
Je lisais dans les médias
qu’au sein du Gouvernement du
Québec, que les gens
responsables des achats de
matériels de santé coupaient
maintenant les coins ronds en
matière de processus et de
procédures. Si tu es un
fonctionnaire professionnel,
compétent et consciencieux avec
des patrons matures et qui ont
confiance en eux et en leurs
équipes, c’est la chose à
faire : on ne peut pas
naviguer dans un monde de loups
sans se comporter en tant que
tel. C’est une question de
survie. D’un autre côté, il ne
faut jamais perdre de vue les
systèmes de valeurs qui nous ont
forgé comme individu, notamment
au niveau de l’éthique.
Mon conseil pour les
fonctionnaires responsables
ci-mentionnés, documentez
chacune de vos actions et de vos
décisions et soyez en constante
communication avec vos
supérieurs; surtout que, selon
la bouche même du premier
ministre Legault, il y a
maintenant de l’argent comptant
qui change de main.
Quand la crise du
Verglas 1998 a été terminée,
comme mes collègues, considérant
tout l’argent qui avait circulé,
des millions, j’ai été vérifié
et enquêté selon les procédures
et les processus normalement en
vigueur, avant la crise du
Verglas. Cela a été des heures
de plaisirs; une chance que
j’avais pris des notes.
Prévoir l’imprévisible
Il y a toujours eu du verglas
au Québec, mais l’ampleur de la
tempête de 1995 avait un degré
d’occurrence d’environ 500 ans.
On ne bâtit pas un réseau
électrique pour ce genre de
risque pas plus que l’on ne
s’assure personnellement contre
une chute de météorite,
directement sur notre jolie
tête.
Alors quand j’entends les
journalistes questionner F. Legault
d’un ton accusateur à savoir que
nous n’étions pas prêts, le poil
me dresse. Le Québec était prêt.
C’est l’ampleur qui nous a joué
un tour comme à presque tous les
pays. On ne peut pas pour chaque
risque extrême, avoir nos
pantalons attachés avec une
ceinture, des bretelles et une
corde. Cela coûterait une
fortune. Il faut gérer le
risque. Ceci étant, comme
certains analystes le disaient,
la santé publique, c’est le
parent pauvre dans plusieurs
États. Si tel est le cas, nous
n’avons qu’à nous regarder
nous-mêmes quant aux choix que
nous propose la classe politique
et pour laquelle nous votons.
L’important, c’est que dans
la crise extrême actuelle, qu’il
y ait du leadership et que le
système de santé s’adapte dans
l’instant et dans la durée, sous
la gestion d’une classe de gens
professionnels et dédiés. C’est
ce qui se passe actuellement
avec le personnel de la santé
sous la férule du trio Aruda-Legault-McCann,
comme cela a été le cas à
l’époque avec le duo
Caillé-Bouchard.
La sous-traitance et la
fabrication maison
Un peu avant 1998, il y a eu
une mode de gestion qui a émergé
où il fallait sous-traiter
plusieurs des fonctions des
entreprises, surtout pour les
grandes. Pour employer le
langage de l’époque (qui a
probablement encoure cours
aujourd’hui), il fallait « outsourcer »
(sous-traiter) tout ce qui
n’était pas dans notre « core
business » (mission de
base), dont les fonctions
approvisionnements et achats.
Nous avons eu énormément de
pression pour le faire à
Hydro-Québec. Les entreprises
spécialisées en sous-traitance,
surtout américaines – Accenture,
Capgemini, etc. – faisaient
miroiter des millions de dollars
en économies auprès de la
direction de l’entreprise.
Puis est arrivé la crise du
Verglas de 1998 où Hydro-Québec
à jeté dans la bataille, toutes
ses forces vives.
La question qui s’est ensuite
posée lors des innombrables
bilans que nous avons effectués
était : « Est-ce que les
Québécois auraient eu le même
niveau de service si un
sous-traitant américain avait
été aux commandes des fonctions
supports d’Hydro-Québec en
janvier 1998? » Posez la
question, c’est y répondre.
Notons que
British Columbia Hydro
s’est engagé avec Accenture en
2003 dans un contrat de
sous-traitance d’une durée de
15 ans, dont elle a sorti en
2017 en disant que cela avait
été un mauvais « deal ».
Considérant qu’une économie
de la taille de celle du Québec
(8,5 millions d’habitants) ne
peut se permettre de détenir de
façon efficace et efficiente,
tous les types d’industries sur
son territoire national, il
faudra dans les années à venir,
poser des gestes pour réduire
notre dépendance à la
mondialisation. Comme le disait
le gouverneur Cuomo de l’état de
New York : « Il n’est pas
normal qu’un pays aussi puissant
que les États-Unis soit aussi
dépendant de la Chine ».
C’est le danger qui nous guette
au Québec où l’on voit
présentement les limites et les
dangers de la mondialisation.
Surtout que l’on apprend en
dernière heure que le
Gouvernement américain vient
d’interdire à 3M d’exporter
des masques N95 au Canada.
Bref, l’un des grands
tournants de cette pandémie sera
le retour de l’État-nation au
sens nationaliste du terme. Non,
je n’imiterai pas le Donald,
l’incapable et menteur actuel
président des États-Unis en
disant : « Quebec First ».
Mais, il faudra y songer et sans
doute, revisiter et revenir à
certains fondamentaux qui
remettront à l’avant-plan, ce
que les philosophes de
l’Antiquité appelaient : « La
vie bonne ».
Jocelyn
Daneau, isolé,
jocelyndaneau@gmail.com
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