L’improvisation
au Horacio Arruda Show
Vous connaissez l’expression :
Qui vit par l’épée périra par
l’épée? Alors ce qui devait
arriver arriva. Depuis quelque
temps, le bon docteur Arruda est
victime de sa trop grande « exposure »
médiatique, de sa propension à
être un bon gars et à vivre ses
émotions en direct et en
télé-réalité. Pour
d’autres, il a fait une
erreur majeure : quitter le
terrain scientifique pour mettre
le bout des pieds dans l’arène
politique, un terrain autrement
plus miné. Si vous ajoutez la
lassitude et l’impatience
associées au passage du temps
d’une épidémie dont on ne voit
pas la fin. Il n’est pas
étonnant que les gérants
d’estrade commencent à s’en
donner à cœur joie.
C’est ainsi que les journalistes
et autres chroniqueurs ont
commencé à analyser ce qu’ils
qualifient de Horacio Arruda
Show et ce faisant, à le
critiquer; ce qui a eu pour
effet notamment, d’obliger le
gouvernement Legault à lui
imposer un stratège politique,
genre « communicant ».
C’est le prix de la franchise et
de l’authenticité dans nos
sociétés médiatiques où le
lissage des personnalités et du
message est trop souvent la
norme à respecter; même en mode
pandémie.
Ainsi, même en temps normal, la
gestion de la chose publique,
c’est un sport extrême comme le
disait feu Jean Lapierre, tant
les situations sont à la fois
compliquées et complexes. Il
faut donc le (re)dire, le
constater et même, le répéter,
en temps de pandémie, nous
sommes dans une dimension
inconnue de notre vivre ensemble
national et international. C’est
historiquement pas banal.
Ainsi, de tout temps, l’Homme
(et la Femme) a cherché des
réponses pour essentiellement,
vivre dans un monde de
certitude. L’exemple classique
et concret au Québec, ce sont
les prévisions météorologiques
où les miss Météo sont
littéralement devenues pour
plusieurs, des stars de la
télévision. On veut savoir ce
qui va se passer demain et avec
certitude, même si rien de
particulier n’est inscrit à
notre agenda. Il y a qu’à voir
la psychose médiatique par
enflure verbale et enchère de
centimètres de neige avec
l’arrivée de la moindre bordée,
pour s’en rendre compte; sans
oublier la déception du
lendemain, souvent à la hauteur
inverse du résultat finalement
reçu. Nous sommes des accros de
la recherche de certitude dans
un monde plus en plus incertain.
Et là, arrive subitement dans
nos vies, la pandémie et le bon
docteur Arruda : deux sources
majeures d’incertitude.
Concernant la pandémie et son
véhicule, le COVID-19, on le
sait, on le voit tous les jours
dans les médias, l’ensemble du
corps médical et scientifique
apprend en continu à connaître
ce virus. Comme le disait le
grand Albert Einstein : « Plus
j’apprends, plus je réalise que
je ne sais pas. ».
Le bon docteur Horacio se situe
également dans cette dynamique
malgré toute son intelligence,
son savoir-faire, son bagage
scientifique et son titre de
médecin en chef de notre santé
publique. Nous le savons tous,
il a son style personnel un peu
excentrique et probablement,
d’artiste ou de comédien frustré
que la vie a obligé à un rôle de
médecin. Mais d’un autre côté,
peut-être profite-t-il
présentement de la plus grande
scène que son talent artistique
n’aurait jamais autorisée? Bref,
en connaissez-vous beaucoup
vous, des gens qui sont obligés
chaque jour, d’improviser
sur la place publique sur un
sujet scientifique aussi grave
qu’une pandémie?
Au sens classique du terme,
improviser, c’est faire sans
préparation, organiser sans
planifier, ordonner sans vision.
Mais au sens de la mission et de
la tâche de notre directeur de
la Santé publique,
l’improvisation prend une
dimension tout à fait
différente. Je dirais que
l’improvisation d’Horacio Arruda
relève du phare dans la nuit,
qui doit avancer seul en avant
des autres, devançant son
général, pour montrer le chemin
malgré les écueils et les
dangers.
Imaginez-vous que vous devez
faire une conférence de presse
publique, en direct, regardée
par plus d’un million de
personnes concernant un sujet
technique, en anglais et en
français. Vous devez pour ce
faire, avoir une excellente
maîtrise de votre sujet c.-à-d.
de l’état de la science. En
plus, vous devez être au fait de
ce qui se dit et se publie
quotidiennement sur internet
concernant la pandémie, « Fake
News » incluses.
Vous devez aussi avoir une
maîtrise raisonnable de la
situation sur le terrain quant à
l’évolution de la pandémie, au
moins assez pour ne pas avoir
l’air fou à la télévision.
Finalement, vous devez donner la
direction à prendre et la
cadence de marche, par
comparaison de ce qui se fait de
pire et de mieux, ailleurs
(ex. : le modèle suédois à
l’approche de déconfinement
relax). Le tout dans le contexte
où presque personne de vivant
sur la planète Terre n’a vécu de
pandémie et n’en a encore moins
géré. Ensuite, vous devez
répondre aux questions des
journalistes, lesquels
fonctionnent toujours selon la
devise d’Albert
Londres (1884-1932)
du prestigieux Prix
journalistique du même nom : «
Notre métier n'est pas de
faire plaisir, non plus que de
faire du tort, il est de porter
la plume dans la plaie ».
L’un des grands débats
présentement, c’est de faire
l’arbitrage et donc, de gérer le
risque entre l’économie et la
vie. C’est simplement résumé,
sachant qu’il y a une multitude
de limites ne serait-ce que
physique à rester confiné.
Autrement dit, on peut avoir
peur et rester chez soi,
enfermé. Mais à un moment donné,
il faut sortir ne serait-ce que
pour s’approvisionner et donc,
espérer que la chaîne
d’approvisionnement
agroalimentaire fonctionne; et
que le numéraire pour la faire
fonctionner, fonctionne. Le tout
ne se réalisera que par
nous-mêmes, pas par une
opération du Saint-Esprit ou par
les Autres.
Alors, les Horacio de ce monde,
y incluant l’incapable Donald,
doivent prendre des décisions
concernant le déconfinement,
dans un contexte d’information
incomplète; laquelle varie en
continu. Pour prendre des
décisions en période de grande
incertitude, que l’on ne peut
reporter et qui peuvent avoir un
impact colossal, il faut être
conscient que cela exige comme
corollaire, le droit à l’erreur.
Sans ce droit fondamental, il
n’y a pas de prise de risque; y
incluant le droit au pardon.
Je sais, nous sommes tous des
gérants d’estrade. Pour chaque
opinion, il en existe une autre
et son contraire. C’est la vie.
Mais nous sommes dans une
période exceptionnelle de
l’Histoire de l’humanité et au
surplus, notre monde d’avant
pandémie était déjà très
complexe. Il faut en tenir
compte dans notre recherche de
réponse.
Comme le dirait le philosophe :
« Ce n’est pas parce que l’on
se trompe que l’erreur devient
la vérité. Elle peut elle-même
se révéler fausse. » C’est
le contexte pandémique où nos
dirigeants évoluent. Nous ne
devons jamais le perdre de vue.
Alors, faisons confiance au bon
docteur Arruda. Même s’il
improvise quelques fois par
nécessité, nous avons tous pour
le reste, notre part de
responsabilité.
Jocelyn Daneau,
isolé,
jocelyndaneu@gmail.com |