Train pandémique
pour fédéralisme confortable
Ce 20 mai, cela faisait déjà
40 ans que le premier référendum
sur la souveraineté du Québec
avait eu lieu. J’avais alors
voté non. Toute ma famille
logeait à cette enseigne et
avait une peur bleue du oui; le
mythe des camions de la Brinks
d’avril 1970 était tenace. Le
résultat, autour de 40 % de oui
et 60 % de non m’avait à la fois
soulagé et déçu; ambivalent sur
le sujet, hier comme
aujourd’hui. Je me souviens
surtout du
discours de René Lévesque
et de cette phrase restée dans
la mémoire collective : « Si
j'ai bien compris, vous êtes en
train de me dire : à la
prochaine fois ».
Il y a eu cette prochaine fois,
le 30 octobre 1995 : oui à
49,42 %, non à 50,58 %. J’avais
encore voté non. Je n’étais pas
convaincu de la nécessité de ce
grand bouleversement, voyant
chaque jour les francophones
prendre de plus en plus leur
place dans le développement du
Québec. Parce qu’une révolution,
c’est essentiellement 2 choses :
une rupture et une promesse de
lendemains meilleurs. Briser le
Canada était effectivement du
niveau de la rupture, quoiqu’en
disent toujours les amateurs de
sémantiques séparatistes.
Surtout, je ne voyais pas en
quoi mes lendemains seraient
meilleurs, moi qui étais le père
aux poches toujours vides de
2 adolescents. Pour ce qui est
des paroles de ce grand homme
qu’était Jacques Parizeau,
attribuant la défaite
référendaire à l’argent et au
vote ethnique, il avait raison
et cela le serait encore plus
aujourd’hui.
S’il y avait une troisième « prochaine
fois »? Malgré le passage du
temps, je n’ai pas changé d’idée
sur le sujet. Mais depuis
quelques années, je suis devenu
passablement plus nationaliste;
le Canada pour moi, c’est devenu
un mariage de raison. Je suis
donc à l’aise avec le
nationalise professé par le
gouvernement de François Legault,
que certains qualifient
d’autonomiste ou de
provincialiste. J’ai souvent
l’impression que d’année en
année, nous voguons au Québec
vers une espèce de
souveraineté-association
« soft » avec l’accord
tacite du « Rest of Canada »;
comme un couple qui décide de se
laisser des libertés tout en
convenant de demeurer ensemble
pour diverses raisons, comme
l’argent.
Finalement, où irait mon vote
dans un 3e référendum?
Depuis quelques années, j’ai
convenu avec moi-même de voter
comme me l’indiqueront mes
petits-enfants et mes enfants.
Je suis rendu dans le dernier
tiers de ma vie et l’avenir
c’est eux. Je n’ai pas à décider
du Québec dans lequel ils
voudront vivre.
Est-ce qu’un 3e référendum
au Québec verrait le oui
l’emporter? Il y a loin de la
coupe aux lèvres. Intuitivement,
avant la pandémie, il n’y avait
pas d’appétit pour la lutte
référendaire ou la bataille
constitutionnelle. Au plan
formel, le sondage le plus
récent sur le sujet, trouvé, est
celui de
Léger-L’Actualité
de novembre 2019 et l’option
d’un Québec pays souverain ne
récolte que 25 % d’appui.
Pré pandémie, où en étaient les
forces indépendantistes au
Québec? Intuitivement, je dirais
qu’elles se cherchaient en ordre
dispersé, sans général pour les
guider. Tout un chacun semble y
aller de son initiative seule
avec sa solitude et sa
nostalgie : de Catherine
Fournier à Martine Ouellet, en
passant par le moribond Parti
Québécois retourné à la case
départ de la recherche d’un chef
et Québec Solidaire avec trop de
chefs, dont on ne sait plus dans
quelle direction se dirige son
socialo-environnementalo-indépendantisme
à la sauce gratos pour tous,
nappée de multiculturalisme. Il
y a bien eu en octobre 2019, un
sursaut indépendantiste avec
l’élection de 32 députés du Bloc
québécois de Yves-François
Blanchet; un beau succès
d’estime qui se doit en grande
partie à l’ineptie des
Conservateurs d’Andrew Scheer.
Toujours est-il qu’on a souvent
l’impression que Blanchet est
sur le mauvais champ de
bataille, incapable de se
dégager de l’ombre de François
Legault.
Naturellement, les médias ont
couvert ce 40e anniversaire
et j’ai retenu 2 textes pour
tenter de savoir si le Grand
soir est sur le point de se
matérialiser. Décevant.
Le premier est de Paul St-Pierre
Plamondon paru dans La Presse
sous le titre de « Reprendre
une conversation honnête sur
l’Indépendance ».
Jeune loup de la souveraineté,
Plamondon fait dans ce que l’on
appelle, l’uchronie
(pandémique), un genre
littéraire de fiction à partir
d'un point de départ historique
(Source : Wikipédia). Ainsi, à
l’aide d’une série d’exemples,
il postule que si nous étions
souverains, nous aurions été en
meilleure position pour gérer la
pandémie. Bravo, mais pour
ceux-ci, il existe une multitude
de contre-exemples. Sa
conclusion, c’est : « Reprenons
dès maintenant une conversation
honnête sur les mérites de
l’indépendance et sur la
légitimité d’un exercice comme
une consultation populaire. »
Jusqu’à maintenant, la
conversation n’était-elle pas
honnête?
Le second, « D’égal
à égal, le Québec, 40 ans plus
tard? »
(Le Devoir) est de Daniel Turp,
professeur titulaire à la
Faculté de droit de l’Université
de Montréal. En résumé, il
écrit : « … comment peut-on
prétendre que le principe
d’égalité… lorsque l’on constate
que le Québec vit sous l’empire
d’une Loi constitutionnelle de
1982 et de sa Charte canadienne
des droits et libertés,
auxquelles… (le) peuple
québécois lui-même, n’ont (n’a)
donné leur (son) assentiment? ».
Cette approche strictement
juridique semble rigoureusement
exacte et pourrait sûrement
servir de base argumentaire
devant un tribunal. Le problème,
c’est que depuis 1982, par le
biais de ce que l’on appelle la
coutume,
le Québec se gouverne très bien
et prospère. Mon cher Daniel
Turp, le Québec est rendu en
2020 et le citoyen ordinaire ne
déchire plus sa chemise sur la
place publique pour ce genre de
sujet.
Post-pandémie, est-ce qu’un oui
dans un éventuel référendum sur
l’indépendance du Québec aurait
des chances? Aucunement.
Le Québec compte à ce jour pour
60,5 % des décès au Canada pour
22,4 % de la population. Nous
sommes sur le point de maîtriser
cette première vague de la
pandémie, en grande partie avec
l’aide d’Ottawa, que l’on aime
ou non. Depuis le début, Justin
Trudeau joue la nulle avec
humilité, se positionnant
au-dessus de la mêlée. Il
distille les milliards de nos
impôts et taxes,
même imprimés, en jouant les
grands frères humanistes. Au
besoin, il nous fournit une main
d’œuvre militaire et déguisement
oblige, en y allant d’une
bienveillance étudiée d’un air
juvénile, cheveux longs de
circonstance au vent; surtout en
regard d’un François Legault
plus mature, quasiment à genou à
implorer de l’aide pour les
CHSLD.
Avons-nous reçu à ce jour, plus
que notre part d’Ottawa ? Je ne
sais pas. Mais dites-vous que si
Justin Trudeau joue présentement
au généreux bon père de famille,
la machine
Libéral-gouvernementale prend
des notes… pour le jour où il
faudra de nouveau remettre le
Québec à sa place.
Et ce jour pourrait venir plus
vite que l’on pense. Pensez au
pétrole albertain coincé dans le
centre du Canada et au défunt
projet d’oléoduc Énergie Est.
Une patate chaude pour Justin
Trudeau et un danger pour
l’unité nationale du Canada.
Sachant qu’il n’y a pas de
volonté québécoise de référender,
considérant toute la question de
la péréquation et maintenant,
l’aide milliardaire d’Ottawa
pour la pandémie, certains se
sentiront en droit de demander
au Québec de cesser ses
soi-disant comportements
d’enfant gâté de la fédération
et de revoir sa définition de « pétrole
sale » avec à la limite, de
lui en imposer une nouvelle.
Nous sommes bel et bien dans le
train confortable du fédéralisme
canadien et il est en marche.
Nous jeter en bas ferait trop
mal. Comme le disait mon
ex-beau-frère : « Ventre
plein ne se révolte pas ».
Jocelyn Daneau,
de moins en moins isolé,
jocelyndaneau@videotron.ca
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