Isolé à Saurelgrad au Québecski
Au tout
début de ma carrière chez
Hydro-Québec, je me suis
retrouvé dans une rencontre avec
de vrais Soviétiques (c.-à-d.
avant le 26 décembre 1991, date
officielle de l’effondrement de
l’URSS). Nos visiteurs voulaient
nous vendre de l’acier de
pylônes. La rencontre, surtout
de courtoisie, n’a pas été
longue, nous connaissions déjà
la très grande faiblesse des
niveaux de qualité des produits
soviétiques.
Je me
souviens très bien de ce moment,
surtout de la mine patibulaire
de l’un des membres de la
délégation soviétique : Vladimir
Trofimenko qu’il s’appelait.
Taciturne et massif, allure
d’ours et ce n’est même pas un
cliché, il n’a pas dit un mot de
la rencontre (comme moi,
d’ailleurs). En
connaissez-vous beaucoup, des
Saurelois qui ont rencontré un
jour, un vrai agent du KGB?
Bref, Vladimir était à l’image
de ce que l’on percevait à
l’époque de la société
soviétique : oppressante et
ténébreuse avec son absence de
liberté civile et de parole,
économie cherchant son souffle
et peu dynamique, état perpétuel
de (pseudo) guerre, entrave à la
circulation des individus,
agriculture en lambeaux,
rationnement et tablettes vides
dans les épiceries, etc.
C’est
l’image perdue de vue depuis des
années, qui m’est subitement
revenue à l’esprit, quand je me
suis retrouvé devant des
tablettes vides, dans un
supermarché local. Pour beaucoup
d’items, il n’y avait plus rien.
Je ne dis pas qu’il y a pénurie
sachant que les spécialistes du
domaine nous disent que ce n’est
pas le cas. Mais je vous avoue
que j’ai trouvé le tout assez
oppressant et que le sentiment
de vouloir me transformer en
écureuil et de me faire des
caches de nourriture, m’habite
depuis ce temps.
D’ailleurs, le commis sur place
m’a gentiment précisé que les
tablettes vides ne traduisaient
pas des inventaires de bas
niveau, mais l’absence de bras
pour les combler. Comme
l’écrivait récemment un analyste
en commerce de détail dont je ne
me souviens plus du nom, le
modèle de gestion des
supermarchés est construit dans
un contexte d’abondance
continue. Quand il y a une
hausse (très) subite et
extraordinaire de la demande
comme celle des derniers jours,
il est normal malgré des
entrepôts pleins, qu’il y ait
des ruptures de stock et donc,
de la chaîne approvisionnement.
Bref, pour Métro, IGA et les
autres, c’est un modèle de
gestion de temps de paix. Comme
nous ne sommes pas en temps de
guerre, le tout devrait se
rétablir, considérant les
contraintes qui sont maintenant
les nôtres, en ces temps de
pandémie. L’important, c’est de
retrouver notre
calme et de faire preuve de
solidarité. Nous ne sommes pas à
Kaliningrad ou à Volvograd de
l’ancienne URSS, ni dans un
nouveau Saurelgrad au Québecski.
Ceci
étant, confinement et
quarantaine obligent, je ne peux
m’empêcher de penser à ce « bon »
Vladimir, quand je constate
comment nos libertés
individuelles ont été subitement
soviétisées. Je ne critique pas.
Dans le Québec social-démocrate
où nous vivons depuis la
Révolution tranquille, le bien
collectif a toujours été
supérieur à celui de la somme
des individus. Mais il n’en
demeure pas moins, qu’il faut le
constater, l’accepter et le
vivre : on nous demande et c’est
notre responsabilité
individuelle et sociale, de
changer subitement et même
radicalement, nos modes de vie.
Grosse commande à court terme,
mais le défi sera sur le moyen
et long terme. Ce qui fait que
la photo du jour, c’est celle
ci-contre, que j’ai piquée sur
internet.
Le
message est clair :
Aidez-nous à vous aider.
Sauf lorsque nécessaire, restez
chez vous à la maison. Bref,
respectez l’ensemble des
consignes gouvernementales et
celles du bon docteur Horacio
Aruda. Nous nous en porterons
tous, collectivement, bien
mieux.
Suggestion
de lecture, pour réellement vous
faire peur, un classique de la
littérature américaine, roman
post-apocalyptique – Prix
Pulitzer 2007 : La route
de Cormac McCarthy. Je viens de
le ressortir de ma bibliothèque.
Citation du jour, il y a
plusieurs variantes à celle-ci,
retrouvées sur internet, du
grand historien Arnold
Toynbee (1889-1975) qui a écrit
dans Civilization on Trial
(1948)
: « À la fin de l’Histoire, après
une catastrophe [...], deux
peuples survivront: les Chinois
par leur nombre, les Canadiens
français par leur obstination. »
Donc,
combattons l’ennemi, la
pandémie, avec obstination … en
la fuyant dans le confinement.
Au 20 mars 2020 à 13h., il y
aurait 21 cas en Montérégie.
Donc, à Saurel, on peut estimer
qu’il y aurait 0,46 cas.
Considérant qu’il s’agit de « cas
confirmés »
et que selon certains analystes,
selon la région du monde et la
disponibilité des tests, il faut
multiplier au moins par 10,
sinon par 100, pour obtenir le
nombre de cas réellement en
circulation. Nous
pouvons donc raisonnablement
dire qu’il y a au moins 5 cas
réels de CODIV-19 à Saurel.
Avec l’accélération de la
disponibilité des tests, ici et
ailleurs, surtout aux
États-Unis, la situation devrait
se dégrader.
Jocelyn
Daneau, dont le plus grand défi
présentement, outre le contrôle
de sa peur, est de ne pas
prendre de poids, avec la
sédentarité qu’amène le
confinement.
Pour me
rejoindre :
jocelyndaneau@gmail.com |