Une chronique de
 Jocelyn Daneau

lundi 23 mars 2020

Isolé aux quatre vents du CODIV-19

Non, ce n’est pas une suggestion de lecture. Je ne voudrais pas passer pour un hurluberlu auprès de vous cher(e)s lecteurs, que je retrouve après quelques années. Ceci étant, en prenant notre marche-pandémie de santé avec ma Madame, au soleil, je me suis rappelé l’une de mes lectures de jeunesse : L’exil intérieur de Roland Jaccard (1975). Pourquoi je lisais ce genre de truc à l’époque? Peut-être pour des raisons scolaires ou peut-être parce que je voulais me donner un certain genre, en cherchant des réponses à des questions que probablement, je ne comprenais même pas.

Toujours est-il que c’est un livre qui a eu un certain succès dans certains cercles. Renaud-Bray en fait le résumé suivant, pour un livre qui est toujours en vente chez plusieurs libraires : « Surcontrôlé de l'extérieur, décorporalisé, désexualisé et hypernormalisé, l'homme de la modernité, de plus en plus, coule une existence paisible dans une société d'abondance totalitaire, sans jamais prendre conscience que ses besoins sont satisfaits au détriment de sa vie même. ». Bref, on y retrouve des phrases comme : « Nous côtoyons l'autre, mais ne le rencontrons jamais. Nous vivons socialement dans une sorte de coït interrompu généralisé. » Vous voyez le genre?

Je reviendrai de nouveau dans une autre chronique sur Jaccard, mais toujours est-il qu’en ce beau dimanche après-midi ensoleillé, les rues de mon quartier tracyen étaient pleines de citoyens, pratiquant une distanciation sociale et sanitaire à géométrie variable. Des couples, des enfants dont certains jouaient au hockey et d’autres qui apprenaient à pédaler ou qui couraient après le chien, des personnes seules ou en groupe (???), marchant ou joggant et des aînées; dans ce dernier cas, une classe de gens qui probablement se demande, comme moi, jeune sexagénaire, où est et sera notre place dans cette société que nous avons construite, mais où les 70 ans et plus pourraient bientôt être ségrégés pour cause de pandémie, de la SAQ jusque jusqu’à l’occupation d’un lit d’hôpital. C’est le dilemme présentement en Espagne et surtout en Italie, submergés par l’épidémie, où les médecins pratiquent une médecine de guerre en décidant dans l’instant, sans rendre compte, qui mourra et donc, qui vivra. C’est ce que certains appellent dans le langage populaire, un Choix de Sophie*. Cela pourrait bientôt être un critère de décision en médecine québécoise pandémique.

Revenons à notre promenade où tout ce beau monde déambulait seul ou par cellule familiale. Mais en ces temps de pandémie, pour une fois que nous sortions tous collectivement dehors en même temps, sans but précis, personne ne se parlait ou le faisait de loin. Fascinant, tout le monde s’ignorait. Le bon docteur Horacio Aruda aurait été fier de nous : isolé et exilé dans notre propre rue, notre quartier. Le confinement extérieur par excellence. C’est comme si chacun s’exilait à l’intérieur de soi, de sa cellule familiale, là où est la seule sécurité. Je ne critique pas cette absence de socialisation à l’ère de la distanciation, mais pour un animal social comme l’Homme, c’est comme aller dans un « party » sans pouvoir « cruiser ».

Quand la pandémie sera chose du passé, pour ne devenir qu’un objet d’analyse, d’étude et d’histoire, j’aimerais que nous mondialisions la Journée internationale du placotage ou de l’oisiveté, un peu à l’image de la fête du Yom Kippour chez les juifs. Une journée par année pour tous, internationalement, où tout s’arrêterait comme maintenant, où nous pourrions par exemple, fêter la fin de la pandémie, laquelle arrivera inéluctablement un jour. Une journée sans but précis, comme ce dimanche, pour sortir dans la rue et (re)faire connaissance avec tout un chacun. Nous qui étions jusqu’à tout récemment pris, imbriqué, 7/7, 24/24, dans notre vie des horaires, des contraintes, de la consommation et de la fuite par en avant à chevaucher et payer nos gros VUS polluants et nos cartes de crédit.

Plusieurs analystes se penchent présentement et déjà, sur l’après-épidémie et la signification sociologique et philosophique qu’il faudra lui donner. Nous y reviendrons.

En attendant, je voudrais rendre hommage à tous et toutes les BoB de ce monde. BoB, c’est mon ami Robert Paul-hus, propriétaire de Solution Services D'Entretien, une entreprise spécialisée en entretien ménager. Présentement, il n’y en a que pour le personnel en santé, surtout celui de première ligne, dont je salue ici le dévouement. Ceci étant, il y a aussi le personnel d’entretien qui combat au quotidien, les microbes et autres bibittes qui collent aux pognées de porte et à n’importe quoi, pour nous empoisonner la vie. Merci à ces gens qui pratiquent un métier de l’ombre, souvent regardé de haut, mais combien honorable et essentiel. À ce titre suggestion de lecture : Entretien ménager – Des dizaines de milliers de travailleurs au front, La Presse Plus, 22 mars 2020.

Aussi, suggestion d’écoute, une entrevue réalisée en 2018 dans le cadre de l’émission Pierre-de-Saurel en santé pour ses usagers sur MAtv Sorel-Tracy avec Michel Junior Duperron, chef de service hygiène et salubrité, le grand responsable de l’entretien dans notre hôpital et nos CHSLD.

Citation du jour, du réputé journaliste français Jean-François Kahn : « Dans la mesure où le virus se répand par la bouche, pourquoi les gens se précipitent pour aller acheter du papier toilette ? » (Source : Le Point, 21 mars 2020)

En Montérégie, au 23 mars 2020 à 13 h, il y avait 66 cas confirmés c.-à-d. 1,4 cas pour les 35 000 habitants de Saurel. On se rappellera que les cas réels sont supérieurs aux cas confirmés à cause de toute la dynamique dans la gestion de tests : délais et nombre de personnes testées. Donc, le facteur de multiplication varie de 10 à 100 selon la région du monde (rappel : hypothèses de Pueyo, voir chronique précédente). Pour Saurel, pour l’instant, à cause des vigoureuses et responsables mesures prises par le Gouvernement du Québec, j’ai retenu un facteur de 10. Donc, il y aurait 14 cas réels à Saurel actuellement. Si on était en Floride où il y a actuellement (22 mars 2020, 19 h) 1 171 cas confirmés, je prendrais un facteur de 100 à cause de la densité de population de la Floride (22 millions d’habitants et 120 millions de visiteurs annuellement, dont des images terrifiantes du récent Spring Break) et surtout, à cause du laxisme américain dans la gestion de cette pandémie. Donc, en Floride, il pourrait y avoir actuellement, plus de 117 100 cas réels de personnes atteintes par le CODIV-19. Cela fait d’autant plus peur pour les États-Unis, que plusieurs analystes parlent d’une gestion de la crise à l’italienne de la part de l’incapable en chef, Donald Trump.

Jocelyn Daneau, jocelyndaneau@gmail.com

Dont la quarantaine se termine, mais qui entre de ce pas, le plus possible, en confinement.

* Le choix de Sophie, roman de William Styron (1979). En anglais, l'expression souvent utilisée de « Sophie's choice » fait référence à un passage du roman concernant un choix tragique et insoutenable, entre deux possibilités (Source : Wikipédia).

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