Isolé aux quatre
vents du CODIV-19
Non, ce
n’est pas une suggestion de
lecture. Je ne voudrais pas
passer pour un hurluberlu auprès
de vous cher(e)s lecteurs, que
je retrouve après quelques
années. Ceci étant, en prenant
notre marche-pandémie de santé
avec ma Madame, au soleil, je me
suis rappelé l’une de mes
lectures de jeunesse :
L’exil intérieur de
Roland Jaccard (1975). Pourquoi
je lisais ce genre de truc à
l’époque? Peut-être pour des
raisons scolaires ou peut-être
parce que je voulais me donner
un certain genre, en cherchant
des réponses à des questions que
probablement, je ne comprenais
même pas.
Toujours est-il que c’est un
livre qui a eu un certain succès
dans certains cercles.
Renaud-Bray en fait le résumé
suivant, pour un livre qui est
toujours en vente chez plusieurs
libraires : « Surcontrôlé
de l'extérieur, décorporalisé,
désexualisé et hypernormalisé,
l'homme de la modernité, de plus
en plus, coule une existence
paisible dans une société
d'abondance totalitaire, sans
jamais prendre conscience que
ses besoins sont satisfaits au
détriment de sa vie même. ».
Bref, on y retrouve des
phrases comme : «
Nous côtoyons l'autre, mais ne
le rencontrons jamais. Nous
vivons socialement dans une
sorte de coït interrompu
généralisé. »
Vous voyez le genre?
Je reviendrai de nouveau dans
une autre chronique sur Jaccard,
mais toujours est-il qu’en ce
beau dimanche après-midi
ensoleillé, les rues de mon
quartier tracyen étaient pleines
de citoyens, pratiquant une
distanciation sociale et
sanitaire à géométrie variable.
Des couples, des enfants dont
certains jouaient au hockey et
d’autres qui apprenaient à
pédaler ou qui couraient après
le chien, des personnes seules
ou en groupe (???), marchant ou
joggant et des aînées; dans ce
dernier cas, une classe de gens
qui probablement se demande,
comme moi, jeune sexagénaire, où
est et sera notre place dans
cette société que nous avons
construite, mais où les 70 ans
et plus pourraient bientôt être
ségrégés pour cause de pandémie,
de la SAQ jusque jusqu’à
l’occupation d’un lit d’hôpital.
C’est le dilemme présentement en
Espagne et surtout en Italie,
submergés par l’épidémie, où les
médecins pratiquent une médecine
de guerre en décidant dans
l’instant, sans rendre compte,
qui mourra et donc, qui vivra.
C’est ce que certains appellent
dans le langage populaire, un
Choix de Sophie*.
Cela pourrait bientôt être un
critère de décision en médecine
québécoise pandémique.
Revenons à notre promenade où
tout ce beau monde déambulait
seul ou par cellule familiale.
Mais en ces temps de
pandémie, pour une fois que nous
sortions tous collectivement
dehors en même temps, sans but
précis, personne ne se parlait
ou le faisait de loin.
Fascinant, tout le monde
s’ignorait. Le bon docteur
Horacio Aruda aurait été fier de
nous : isolé et exilé dans notre
propre rue, notre quartier. Le
confinement extérieur par
excellence. C’est comme si
chacun s’exilait à l’intérieur
de soi, de sa cellule familiale,
là où est la seule sécurité. Je
ne critique pas cette absence de
socialisation à l’ère de la
distanciation, mais pour un
animal social comme l’Homme,
c’est comme aller dans un « party »
sans pouvoir « cruiser ».
Quand la pandémie sera chose du
passé, pour ne devenir qu’un
objet d’analyse, d’étude et
d’histoire, j’aimerais que nous
mondialisions la
Journée internationale du
placotage ou de l’oisiveté,
un peu à l’image de la fête du
Yom Kippour chez les juifs. Une
journée par année pour tous,
internationalement, où tout
s’arrêterait comme maintenant,
où nous pourrions par exemple,
fêter la fin de la pandémie,
laquelle arrivera
inéluctablement un jour. Une
journée sans but précis, comme
ce dimanche, pour sortir dans la
rue et (re)faire connaissance
avec tout un chacun. Nous qui
étions jusqu’à tout récemment
pris, imbriqué, 7/7, 24/24, dans
notre vie des horaires, des
contraintes, de la consommation
et de la fuite par en avant à
chevaucher et payer nos gros VUS
polluants et nos cartes de
crédit.
Plusieurs analystes se penchent
présentement et déjà, sur
l’après-épidémie et la
signification sociologique et
philosophique qu’il faudra lui
donner. Nous y reviendrons.
En attendant, je voudrais rendre
hommage à tous et toutes les BoB
de ce monde. BoB, c’est mon ami
Robert Paul-hus, propriétaire de
Solution Services D'Entretien,
une entreprise spécialisée en
entretien ménager. Présentement,
il n’y en a que pour le
personnel en santé, surtout
celui de première ligne, dont je
salue ici le dévouement. Ceci
étant, il y a aussi le personnel
d’entretien qui combat au
quotidien, les microbes et
autres bibittes qui collent aux
pognées de porte et à n’importe
quoi, pour nous empoisonner la
vie. Merci à ces gens qui
pratiquent un métier de l’ombre,
souvent regardé de haut, mais
combien honorable et essentiel.
À ce titre suggestion de
lecture :
Entretien ménager – Des dizaines
de milliers de travailleurs au
front,
La Presse Plus, 22 mars 2020.
Aussi, suggestion d’écoute, une
entrevue réalisée en 2018 dans
le cadre de l’émission
Pierre-de-Saurel en santé pour
ses usagers
sur MAtv Sorel-Tracy avec
Michel Junior Duperron, chef de
service hygiène et salubrité,
le grand responsable de
l’entretien dans notre hôpital
et nos CHSLD.

Citation du jour, du réputé
journaliste français
Jean-François Kahn : « Dans
la mesure où le virus se répand
par la bouche, pourquoi les gens
se précipitent pour aller
acheter du papier toilette ? »
(Source : Le Point, 21 mars
2020)
En Montérégie, au 23 mars 2020 à
13 h, il y avait 66 cas
confirmés c.-à-d. 1,4 cas pour
les 35 000 habitants de Saurel.
On se rappellera que les cas
réels sont supérieurs aux cas
confirmés à cause de toute la
dynamique dans la gestion de
tests : délais et nombre de
personnes testées. Donc, le
facteur de multiplication varie
de 10 à 100 selon la région du
monde (rappel : hypothèses de
Pueyo, voir chronique
précédente). Pour Saurel, pour
l’instant, à cause des
vigoureuses et responsables
mesures prises par le
Gouvernement du Québec, j’ai
retenu un facteur de 10.
Donc, il y aurait 14 cas
réels à Saurel actuellement.
Si on était en Floride où il y a
actuellement (22 mars 2020,
19 h) 1 171 cas confirmés, je
prendrais un facteur de 100 à
cause de la densité de
population de la Floride
(22 millions d’habitants et
120 millions de visiteurs
annuellement, dont des images
terrifiantes du récent Spring
Break) et surtout, à cause du
laxisme américain dans la
gestion de cette pandémie. Donc,
en Floride, il pourrait y avoir
actuellement, plus de 117
100 cas réels de personnes
atteintes par le CODIV-19. Cela
fait d’autant plus peur pour les
États-Unis, que plusieurs
analystes parlent d’une gestion
de la crise à l’italienne de la
part de l’incapable en chef,
Donald Trump.
Jocelyn Daneau,
jocelyndaneau@gmail.com
Dont la quarantaine se termine,
mais qui entre de ce pas, le
plus possible, en confinement.
*
Le choix de Sophie,
roman
de
William Styron (1979).
En anglais, l'expression souvent
utilisée de « Sophie's
choice »
fait référence à un passage du
roman concernant un choix
tragique et insoutenable, entre
deux possibilités (Source :
Wikipédia). |