CODIV-19 : Un changement
révolutionnaire venu d’ailleurs
Dans ma chronique précédente,
j’avais mentionné vouloir
revenir sur l’Exil
intérieur
de Roland Jaccard afin d’y
prendre appui, pour citer le
psychanalyste et anthropologue
Georges Devereux (1908-1985),
lequel a écrit : « Des
adultes intelligents et mûrs,
voilà bien ce qu’aucun pays dit
civilisé ne se soucie d’obtenir,
car rien n’est plus difficile à
gouverner que des adultes
intelligents.
»
On retrouve dans cette phrase,
toute la différence entre le
Québec et le « Rest
of Canada »
et encore plus, avec les
États-Unis; cette différence
étant moins grande avec certains
pays européens à tendance
sociale-démocrate comme la
France.
Ainsi, au Québec, pas besoin
d’être
collectivement
intelligent, l’État nous prend
en charge dès notre naissance :
assurance maladie, chômage, aide
sociale et sécurité du revenu,
pension de vieillesse,
éducation, garderie, assurance
médicaments et automobile (no
fault),
fourniture d’énergie, d’alcool
et de drogue, des villes qui
sont inféodées à l’État, etc.
Nous avons à l’autre extrême,
les États-Unis : rien ou presque
n’est pris en charge par l’État.
On se fie systématiquement (en
apparence) à l’intelligence et à
la débrouillardise des citoyens
pour assurer leur bien-être et
tant pis, pour ceux et celles
que la nature à moins bien
nantis.
Dans l’ordre naturel des choses,
Québécois et Américains, nous
naissons tous également
intelligents et nous avons tous
la possibilité de devenir des
adultes mûrs.
La différence se situe au niveau
de notre rapport à l’État : au
Québec et dans une moindre
mesure dans le « Rest
of Canada »,
la société est plus grande que
la somme des individus. Chez nos
voisins du Sud, c’est le
contraire : la somme des
individus est supérieure au
groupe. Ce qui fait qu’au
Québec, c’est du Pepsi pour tout
le monde (ex. : SAAQ) que tu
aimes ça ou non, tandis qu’aux
États-Unis, tu achètes le
breuvage que tu veux, si
naturellement, tu en as les
moyens.
En bout de piste, en se
permettant de prendre des
raccourcis avec les nuances,
dans les 2 cas, force est
d’admettre que le Québec et les
États-Unis ne cherchent pas à
avoir
collectivement
des adultes intelligents comme
citoyens, surtout à l’ère de
l’émergence de l’intelligence
artificielle :
-
Au Québec, on s’occupe de
presque tout, nous rendant
depuis 2 générations accro
par gavage à l’État
providence.
-
Aux États-Unis, on favorise
une minorité d’ultra-riches
en diluant l’intelligence et
les énergies de la majorité
c.-à-d. en laissant ramer de
plus en plus fort, une
classe moyenne qui
s’amenuise d’année en année,
pour aller rejoindre le
groupe grandissant des
pauvres. Dans ce dernier
cas, le tout se traduit par
une prolifération d’emplois
précaires à bas salaires où
le petit peuple est souvent
en mode survie d’une semaine
à l’autre; occupé qu’il est
à assurer sa sécurité
alimentaire et physique (et
à s’armer comme c’est le cas
actuellement) en espérant ne
pas être malade, parce que
cela signifie souvent la
faillite.
Là, arrive (de Chine), le
confinement pour cause de
pandémie. C’est le cas de facto
au Québec et bientôt aux
États-Unis, malgré les réserves
de l’incapable en chef, le
Donald. Mais le confinement
(chacun chez vous), c’est une
mesure individualiste même s’il
est généralisé.
La pandémie implique donc pour
les Québécois et les
Québécoises, subitement, un
changement révolutionnaire de
paradigme.
Contrairement aux Américains,
nous ne sommes pas habitués à
l’individualité.

Crédit photo : Jeswin
Thomas de Pexels
(Libre de droits)
Ce qui fait par exemple que nous
sommes seuls devant l’ennemi
public numéro 1 : le CODIV-19,
comme les Américains.
Dorénavant, comme pour ces
derniers, nous ne sommes pas
certains d’être soignés, malgré
les efforts actuels colossaux du
gouvernement Legault.
C’est une première pour tous les
Québécois, mais c’est un mode de
vie depuis longtemps pour
l’américain moyen.
Certes, notre système de santé
universel nous a habitués depuis
des années, aux longs délais.
Mais, différence majeure, dans
la présente situation, comme aux
États-Unis, le service pourrait
ne pas être au rendez-vous. Nous
laissant démunis,
potentiellement sans prise en
charge et à la merci d’un réseau
de la santé qui lui aussi,
fonctionne dorénavant dans un
autre univers, sur la base de
nouveaux paramètres. Bref, un
privilège collectif que l’on
croyait acquit depuis 1969,
pourrait nous échapper et nous
amener dans la même position
qu’une majorité de citoyens
américains.
Nous ne sommes pas rendus là. Il
s’en faut. Mais pour la première
fois de notre vie, nous nous
trouvons dans une position
d’individualité; confinés chez
nous, dans un État toujours très
solide mais entré subitement en
gestion de crise extrême.
Il ne s’agit pas ici d’être
pessimiste ou apocalyptique et
le comportement des autres pays
comme l’Italie en pleine
catastrophe sanitaire en fait
foi, nous nous en sortirons.
Mais il nous faudra faire preuve
d’esprit communautaire, de sens
du partage, de patience, de
courage, de confiance en
nous-mêmes et autres et donc, de
résilience pour passer à
travers. Surtout, nous ne
devrons pas tomber dans
l’individualisme même si la
tentation sera grande.
Un chose semble maintenant
acquise, nous sortirons
profondément marqués par les
présents événements, jusqu’à la
fin de nos jours et pour les
générations qui nous suivront.
La crise du Verglas 1998 dont on
pouvait facilement prévoir
l’aboutissement, était de la
petite bière à comparer à la
présente pandémie.
Situation (statistique) à Saurel
RAPPEL : Ce qui suit relève de
la spéculation statistique et
non pas de l’information réelle
ou issue de la rumeur publique
véhiculée par les médias
sociaux.
Il y a actuellement 148 cas
confirmés de CODIV-19 en
Montérégie selon le Gouvernement
du Québec (25 mars 2020 à
13 h.). À Saurel uniquement,
nous sommes 35 000 habitants et
1,6 million en Montérégie. On
peut donc calculer par simple
règle de 3, à l’aide d’une
hypothèse raisonnable de
répartition équitable sur le
territoire,
qu’il y aurait 3,2 cas confirmés
dans notre ville.
On sait aussi à cause de la
dynamique des tests que le
nombre de cas confirmés est
inférieur au nombre de cas
réels, par un facteur
multiplicatif. J’ai retenu, non
scientifiquement, le nombre de
10 (Rappel, hypothèses de Pueyo).
Donc, nous pouvons estimer qu’il
y aurait à Saurel, présentement,
32 cas réels de CODIV-19.
Malheureusement, il nous faut
maintenant introduire le taux de
létalité du CODIV-19. Un sujet
qui ne fait pas consensus tant
les méthodes de calcul sont
variables d’un pays à l’autre.
Cependant, une constante
s’impose, il y a plus de morts
chez les 60 ans et plus. À
Saurel (uniquement), nous avons
37 % de notre population dans
cette classe d’âge, un des plus
hauts taux au Québec (26 %) et
au Canada (24 %). Sans être
pessimiste, soyons réalistes.
Au Québec, il y a actuellement
6 décès pour 1 339 cas confirmés
(25 mars à 13 h.) c.-à-d. un
taux de létalité de 0,44 %
(Canada : 0,92 %). Sans vouloir
être désinvolte et pour
l’instant, nous établirons ce
taux arbitrairement à 1 %,
sachant que notre population est
nettement plus vieille que pour
la moyenne québécoise et sachant
aussi que celui-ci est nettement
en retrait de ce que nous
pouvons observer dans les médias
et par le biais des données
disponibles sur internet. Pueyo
précédemment cité dans cette
chronique a calculé un taux de
létalité de 4 % des cas
confirmés, tandis que l’Italie
où l’épidémie frappe très fort
en est à 9,8 %.
Donc, pour Saurel pour
l’instant, sans aucune autre
source d’information que
l’inférence statistique, nous
pouvons estimer le nombre de
décès issu du CODIV-19 à 0,3. Si
l’hypothèse de Pueyo se
confirmait, ce qui fait du sens,
il pourrait y avoir (à ce jour)
à Saurel, 1,3 décès.
Jocelyn Daneau,
jocelyndaneau@gmail.com
Isolé parmi nous |