LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : dimanche 01 juin 2014 11:47

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NÉCROLOGIE

NOUS JOINDRE

L'ENVERS DE LA MÉDAILLE!
avec Daniel Lequin

dimanche 01 juin 2014

Créer l’amitié à l’état pur

Attablé dans un restaurant d’Ottawa, Brian Brochet affichait présent de corps mais absent d’esprit. Il pataugeait dans ses pensées, l’évidence même. Ses yeux démontraient le vide caractéristique de celui qui s’apprête à se lancer dans le vide.

Je le regardais et je me revoyais dans de tels moments. Je me souvenais de l’inquiétude qui bourdonnait dans ma tête à la veille de mon premier marathon à vie. Je constatais et j’approuvais. Non loin, sa fille Marie-Hélène savait très bien ce qui se déroulait dans la tête de son père.

« Je l’ai rarement vu dans un tel état mais je ne suis pas inquiète pour lui. Il réussira ». Brian devait retrouver l’appétit pour son traditionnel repas aux pâtes. Sa grande nervosité venait l’indisposer mais n’ayez crainte, il allait prendre sa revanche le lendemain sur cet envahisseur.

Nous avions conclu un pacte en février dernier. J’allais l’accompagner pour cette expérience. Je me suis donc retrouvé à ses côtés dimanche matin à la ligne de départ de la 40e édition du marathon de la capitale nationale. Je voulais qu’il apprécie au maximum ce baptême de feu, lui fournir des conseils au besoin, respecter les silences, les moments de concentration et surtout, apprécier ce privilège unique de côtoyer un ami qui franchira une étape importante dans sa vie.

On venait à peine d’amorcer la course qu’il échappait cette phrase: « Je n’ai jamais entendu le bruit d’autant de pas à la fois sur l’asphalte ». Voilà qui venait démontrer son inexpérience. Par conséquent, je me devais d’être attentif et à l’écoute tout au long du parcours.

Un objectif de temps roulait dans sa tête. Normal pour tous les défis que nous relevons en autant que nous soyons en mesure de s’ajuster au fur et à mesure. Au début, il vérifiait sa cadence, son rythme pour constater que tout fonctionnait rondement. Les lapins nous dépassaient. Il gardait son calme. Voilà un bon instinct.

Je lui répétais qu’il se devait de regarder autour de lui, d’observer, de vivre ce 42km, qu’il allait s’en souvenir longtemps. Par ces mots, je voulais lui changer les idées. Puis, la fatigue a fait sournoisement son arrivée, cette hypocrite qui vient tout gâcher. La souffrance a débuté chez Brian. Installé confortablement dans les premières loges pour voir le résultat de l’ensemble de son entraînement lors des derniers mois où par des températures difficiles, il n’avait pas bronché afin de braver les rigueurs du climat, je devenais de plus en plus confiant pour lui.



Alors qu’il ne restait que quelques kilomètres à franchir, je lui ai dit de lever la tête, qu’il devenait le meilleur, qu’on allait l’applaudir, le féliciter, l’acclamer. Il s’est senti comme une vedette foulant le tapis rouge. Pendant ce temps, trop heureux de constater le bonheur qu’il ressentait, je me suis mis à célébrer avec les gens massés le long du parcours.

Sourire fendu jusqu’aux oreilles, j’y allais de « high five » et les spectateurs festoyaient. Je me suis royalement retrouvé sur l’adrénaline, comme rarement je me suis senti. Je fêtais la victoire personnelle de mon ami.

« Je te regardais et je me demandais où tu pouvais prendre toute cette énergie alors que moi, je titubais, j’avançais à pas de tortue, cerné par une immense fatigue et des jambes que j’avais peine à ressentir », m’a confié Brian après son marathon.

Je lui ai simplement répondu que sa persévérance, sa ténacité et son acharnement me remplissaient de joie. J’étais tellement heureux de franchir le fil d’arrivée à ses côtés et de pouvoir l’accompagner pendant 42km, que je n’ai exceptionnellement éprouvé aucune fatigue, aucune douleur physique et mentale, comme si un être supérieur avait voulu me démontrer que j’avais pris une excellente décision.

Un geste semblable nous fait découvrir des visages authentiques de personnes qui souvent, cachent involontairement les plus belles facettes de leur existence.

Brian et moi sommes maintenant devenus davantage que de simples connaissances, car le temps d’un marathon, nous avons appris à nous connaître en profondeur, créant l’amitié à l’état pur.

Peace my friend Brian !

Résultats
Temps : 4h30 :43

Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com

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