LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : mardi 03 mai 2016 14:17

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NÉCROLOGIE

NOUS JOINDRE

L'ENVERS DE LA MÉDAILLE!
avec Daniel Lequin

mardi 03 mai 2016

Une rencontre providentielle

Mardi 3 mai 2016

Les oiseaux chantaient aux petites heures du matin. Que la vie est belle…..

Pourtant, la noirceur sévissait encore dehors. Au cadran, 4h15, c’est tôt, très tôt. Un 2e marathon en deux semaines, c’est toujours un peu inquiétant. Malgré tout, je me sens étonnamment bien. Je ne ressens aucune fatigue, pas de séquelle du dernier champ de bataille.

À quelques minutes du départ de l’épreuve, le temps frais nous réveille et nous fait prendre conscience du défi qui nous attend. Les conditions idéales m’enrobent d’une confiance souvent absente dans des moments semblables.

Vous savez, on ne sait jamais ce que nous réserve un marathon.

Après quelques kilomètres, je réalise qu’un coureur me talonne. Je ne le vois pas mais je sais qu’il est derrière moi. À un point de ravitaillement, une voix me dit que je suis devenu son lapin, que je lui fournis le bon rythme.

Sans même le regarder, je le salue. Il n’en fallait pas plus pour engendrer une conversation qui allait marquer à jamais ce marathon.

Il s’appelle Patrice Albert. Il vient de Saint-Colomban dans les Laurentides. Ouf ! Ce n’est pas à la porte. Un 5e marathon pour lui, la course a littéralement changé sa vie. Une autre patate de salon comme il s’est décrit lui-même. Il s’est pris en main pour changer radicalement son mode de vie quand il a appris la mauvaise nouvelle. En l’espace de six mois, son poids a chuté, lui qui n’a jamais été considéré comme un grand sportif mais plutôt du style motocycliste.

Je m’interrogeais à savoir si je devais y aller plus en profondeur. « Je cours pour me défouler. Être ici me permet de refaire le plein, de me changer les idées. J’en ai besoin. Je dois canaliser le stress, la rage, la maladie. Courir me donne le sentiment d’être plus vivant, plus calme, plus souriant, plus heureux.» Je me suis demandé pourquoi il disait ça. Je sentais alors qu’il voulait prolonger la discussion.

Sa femme Jocelyne a été diagnostiquée d’un cancer du sein à l’âge de 29 ans. Il est revenu, vingt ans plus tard et là, c’est beaucoup plus sérieux. Solidement ébranlé, je me suis aperçu qu’en discuter lui permettait d’évaporer son chagrin, sa peine. On imagine que l’atmosphère doit être assez lourde à la maison. Au contraire, nous explique-t-il. « Nous allons vivre cette étape sereinement, sans larme, ni malheur. »

Les kilomètres suivants furent silencieux. J’ai dû prendre le temps de digérer ces propos. Je ne m’attendais vraiment pas à un tel témoignage. Vers le 21e kilomètre, je le sentais plus fort que moi et je ne voulais surtout pas gâcher sa course. Je savais très bien que deux semaines après Boston, j’allais forcément ralentir le tempo dans la 2e portion. Il m’avait confié auparavant qu’il n’avait jamais traversé une première demie aussi rapide et que ce début explosif de sa part laissait présager une belle performance dans l’ensemble.

Avant qu’il s’envole, je lui ai crié de m’attendre à la ligne d’arrivée, que je voulais lui parler davantage. Tel que prévu, je l’ai aperçu, les deux bras levés vers le ciel, comme si nous étions deux grands amis de longue date. Son large sourire trahissait sa fierté. « J’ai réalisé mon meilleur temps à vie sur marathon avec un 3h42 et c’est grâce à toi. Je suis tellement fier ». Je l’ai serré très fort contre moi. Combiné à la fatigue de mon marathon, ce moment fut très intense. J’étais tellement content pour lui.

Avant de se quitter, je lui ai dit que nous allions garder contact, que nous étions devenus des amis pour toujours. Il en va ainsi lors d’un marathon où souvent, les coureurs y vont de témoignages surprenants dans les circonstances.

Au terme de son marathon à Québec l’an dernier, Patrice a écrit : « La force de terminer, je l’ai puisée en pensant à toi. Tu as occupé mon esprit la majeure partie de ma course mais surtout lors des dix derniers kilomètres. À chacun de mes pénibles pas, je me disais que tu te battais pas mal plus fort et depuis plus longtemps que moi. Que traverser un marathon, c’est juste un jeu pour lequel j’ai dû payer par surcroît. Que je n’avais rien à me plaindre à faire une course vers l’inutilité. Je n’avais pas le droit d’abandonner car toi, tu n’abandonneras jamais. En l’honneur de ton courage, de ta détermination, pour essayer d’obtenir l’énergie et le sentiment de forcer pour toi, il n’a jamais été question que j’arrête de courir. »

Le marathon des Érables m’aura fait vivre des moments uniques, une rencontre providentielle d’une grande valeur humaine, une expérience de vie inestimable, une facette qui m’incite à attendre le prochain avec impatience.

Bon courage Jocelyne et Patrice, je vous aime.



Statistique de mon 65e marathon

Temps : 4h01 :28
Classement : 77 sur 156
Classement catégorie d’âge : 2 sur 4


Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com

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