Quand
l’émotion s’insurge !

À vrai dire, j’anticipais
celui-là ne sachant pas top ce
qui m’attendait.
Dans la pénombre de la nuit, je
me préparais dans ma chambre
d’hôtel.
Lui, je le courais pour maman,
L’appréhension rôdait dans ma
tête.
Sa photo greffée sur mon
chandail, une façon de lui
rendre hommage, une façon pour
qu’elle m’accompagne, du début à
la fin et ce, pour la première
fois. Le marathon d’Albany dans
l’état de New-York, réputé pour
sa facilité, convenait
admirablement bien à mes
attentes dans ces circonstances
émotives.
Une fine pluie au départ, rien
d’intimidant. Toutefois, c’est
le taux élevé d’humidité qui
m’effrayait particulièrement.
Sous la chaleur, j’en arrache
habituellement et je peux vous
dire que la tradition fut
respectée. Un parcours qui
descend, en apparence facile,
devait s’avérer sournois à cause
des conditions atmosphériques.
Je vous ai parlé du vent que
nous devions affronter jusqu’au
bout ?
Pourtant, je ne ressentais
aucune nervosité. La portion
initiale s’est déroulée dans les
normes, rien à signaler de
spécial.
Je décide d’ingurgiter un gel,
quelque part autour du 30e km.
Quelques minutes plus tard, une
crampe à l’abdomen m’indispose.
Je dois ralentir. Dans ma tête,
j’envisage le pire. Finalement,
elle disparaîtra mais en
laissant des traces. Mes jambes
lourdes, je commence à ressentir
de la fatigue. Mon
ralentissement inquiète Mario
(St-Amand) qui me demande des
explications.
À ce moment, j’ai droit à une
réprimande. Le plus sérieusement
du monde, il me lance : « C’est
parce que tu as pris un verre de
bière au souper hier soir ». Je
lui jette un regard interrogatif
car il ne s’agit pas d’une
première dans mon cas. Je lui
explique que la température se
rabat sur mes faiblesses et me
fait payer le prix. Mon taux
d’énergie chute drastiquement.
Je dois marcher.
Je me connais et mon expérience
me servira. Je ne veux pas finir
indisposé. Je dois prendre des
précautions. Après plusieurs
tentatives, rien ne va plus.
Soudainement, je vois la ville
d’Albany apparaître au loin.
Dans ma tête, je me dis que nous
terminerons sûrement au
centre-ville et que par
conséquent, il me reste encore
un bon bout de chemin à
franchir.
Mario ne cesse de m’encourager.
Lui, il file le parfait bonheur.
Il me répète que le fil
d’arrivée approche. Je n’écoute
pas. J’arrête à nouveau pour
marcher. Je dénote son
étonnement. Après quelques
secondes, je repars. Au loin,
j’aperçois un regroupement. À ma
grande surprise, la ligne
d’arrivée se présente à quelques
mètres.
Ouf ! J’y vais d’un soupir de
soulagement. Josée (Prévost) et
son mari Lionel nous attendent.
Sans perdre une seule seconde,
elle confirme ce que je croyais.
Partie pour faire un temps de
3h45, elle a dû se contenter de
4h08. « Il n’était pas évident,
hein ? » Un commentaire qui me
rassure.
Sur le chemin du retour vers
l’hôtel, je m’informe de la
température extérieure. Le
tableau de bord du mini-van
indique 24 Celsius…. sans
considérer le taux d’humidité
dans le tapis !
Vous savez, je cours pour le
plaisir et il faut comprendre
que dans certains marathons, la
douleur et l’inconfort
représentent des ennemis que
l’on doit affronter et
combattre.
Ne pas baisser les bras tout en
respectant les signaux envoyés
par notre corps fait partie
intégrante de ma politique. À un
certain moment, j’ai revu ma
mère sur son lit d’hôpital et je
me suis dit combien je suis
chanceux. Elle devait être fière
de mon comportement, elle qui ne
cessait de me répéter
l’importance de jouer la carte
de la prudence.
Il faut accepter et surtout
comprendre que ça ne peut pas
toujours fonctionner comme on le
voudrait. Reconnaître une baisse
de ses capacités nous fait
grandir.
Au départ d’un marathon, on
lance les dés et parfois, ils
sont pipés. Je me considère
privilégié de pouvoir courir
encore des 42km après toutes ces
années. Je remercie la vie de me
donner l’opportunité de répondre
à mes attentes et je me dois de
bien saisir le message qu’elle
m’envoi. Tout au long de ce
marathon, j’ai pensé à ma mère.
Par conséquent, je n’ai jamais
pu entrer dans ma bulle.
Elle m’a accompagné, elle m’a
conseillé, elle m’a raisonné. À
vrai dire, je me demande si elle
n’a pas toujours été là par le
passé, moi qui croyais qu’elle
se contentait de m’accompagner
dans un départ symbolique.
Tel que promis, je me suis rendu
à son appartement le lendemain
pour lui montrer ma médaille et
lui raconter tout ce qui s’était
déroulé, comme je l’avais
toujours fait, jadis. Elle
devait sûrement m’offrir un
sourire en coin en m’écoutant,
sachant très bien que cette
fois-ci, elle savait ce que
j’allais lui raconter
puisqu’elle fut présente dans
mon cœur.
Pour chacun de mes prochains
marathons, je collerai sa photo
sur mon chandail vis-à-vis mon
cœur. Une fois de plus, j’ai
réalisé l’importance qu’elle a
eue dans ma vie.
N’oublie pas le prochain le 22
octobre. Tu devras dorénavant en
prendre une habitude puisque je
t’attendrai.
Statistique de mon 79e marathon
Temps : 4h25
Classement général : 484 sur 890
Catégorie d’âge : 11 sur 33

Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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