J’ai perdu
ma plus grande admiratrice !
À chaque fois que je
franchissais le seuil de la
porte de l’immeuble, je
frémissais. Je craignais le
pire. Les images de ma mère
déshydratée, que j’avais
retrouvée gisant au sol depuis
deux jours, il y a deux ans, ne
cessaient de me hanter.
Sourde
partiellement, le son élevé de
la télévision me rassurait avant
d’ouvrir la porte de son
logement.
Mais ce midi-là, je ne percevais
aucun bruit. J’ai paniqué.
Qu’est-ce qui m’attend de
l’autre côté ? J’entendais mon
cœur se débattre.
Terrifié, j’ai déverrouillé la
porte, avec la peur de revivre
des moments de panique.
Je ne l’apercevais pas. Je
l’appelais. Aucune réponse. Ma
respiration s’accentuait. Il me
reste sa chambre à coucher à
vérifier. J’y arrive et il n’y a
personne. Ouf ! J’en conclue
qu’elle est partie en pleine
nuit … en ambulance !
À mon arrivée à l’hôpital, je
l’ai retrouvée dans une chambre,
terriblement amochée. Elle a
perdu son enthousiasme, son
sourire. Je la sens inquiète.
Quelques jours plus tard, elle
apprendra qu’elle souffre d’un
cancer et que ses jours sont
comptés. Bien que préparé à
cette nouvelle, les paroles du
médecin m’assomment
intérieurement. Je tente de
contenir mes émotions.
J’ai perdu ma plus grande
admiratrice, celle qui m’a
toujours encouragé, supporté.
Bien que réservée, je sentais
malgré tout sa grande fierté.
Elle s’informait de mes
marathons, elle surveillait mes
entraînements. J’avais besoin de
son appui. Sans le savoir, elle
me motivait. Je lui ai déjà dit
mais elle ne le faisait pas pour
la reconnaissance. Elle agissait
par amour.
À la veille d’un marathon, elle
désirait connaître l’heure du
départ. À la blague, elle me
disait qu’elle partirait avec
moi mais qu’après quelques
mètres, elle abandonnerait. Je
trouvais cela tellement
agréable.
Lorsque je revenais, je lui
racontais. Elle m’écoutait
religieusement. Je lui montrais
ma médaille et elle les
analysait à chaque fois. Sa
critique venait confirmer toute
l’admiration qu’elle vénérait à
mon égard.
Mais ma mère, c’était davantage.
Les souvenirs sont immenses,
gratifiants et nombreux. Je les
garde précieusement dans mon
coeur. Elle ma enseigné le côté
humain de notre existence,
d’éviter le mal, de respecter
les gens, le partage et l’amour.
J’ai eu de la peine, j’en ai
encore et je vais m’ennuyer. Or,
je sais qu’elle ne souffre plus
car depuis plusieurs années,
elle combattait quotidiennement
l’arthrite. Elle m’a souvent
confirmé qu’elle voulait partir,
que la solitude la grugeait à
petit feu. Sa qualité de vie
avait considérablement diminué.
Je lui ai souvent rappelé
qu’elle ne devait pas partir à
cause de ses enfants, de ses
petits enfants. Elle me
regardait, interrogative et
laissait échapper un beau
sourire.
Je sais qu’elle a rejoint mon
père car quand il est décédé il
y a 23 ans, elle ne l’a jamais
accepté. On lui a arraché une
partie de son existence et
visiblement, elle fut solidement
ébranlée.
Sur son lit d’hôpital, elle m’a
dit cette phrase : « Daniel, il
faut partir un jour. Je remercie
Dieu et la vie car j’ai vécu. Il
y a des gens qui vivent la même
chose que moi présentement et
qui sont terriblement plus
jeunes. »
Même dans des moments aussi
pénibles, sa sérénité et sa
grande charité humaine
transpiraient dans ses propos.
Dorénavant, je sais qu’ils
veilleront sur moi. Privilégié,
je le considère car j’ai pu
bénéficier de parents
merveilleux qui auront tout fait
en leur possible pour permettre
à leur entourage un passage sur
terre des plus agréables. Avec
ces quelques phrases, j’ai voulu
lui rendre un hommage modeste, à
son image.
Pour mon prochain marathon à
Montréal, elle ne sera pas là.
Encore mieux, cette fois-ci,
elle va le courir du début
jusqu’à la fin, car je la
porterai dans mon cœur. Après le
marathon, symboliquement, je me
rendrai dans son appartement, je
m’installerai devant sa chaise
et lui montrerai ma médaille. Je
lui décrirai ce que j’ai vécu.
Je ne la verrai pas mais je
sentirai sûrement sa présence.
Que Dieu te bénisse chère maman
d’amour.
Veille sur moi. Je t’aime.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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