Perte de
contrôle : Jadis, je le
contrôlais
Je me disais que pour une 4e
présence là-bas, l’affaire était
ketchup !
Déjà qualifié par les experts
comme étant un marathon de fou,
cette fois-ci, j’ai dû payer la
note. Catastrophique !
J’entendais ma mère me souffler
dans mon esprit de ne pas
abuser, qu’aujourd’hui, il
fallait passer outre.
Comme d’habitude depuis son
décès, ma camisole arborait sa
photo. J’ai posé ma main dessus
et je lui ai dit : «OK maman, tu
as raison, je vais prendre les
moyens pour contrôler la
situation ».
Dans les derniers milles, les
jambes ne poussaient plus. Les
énormes pentes des Montagnes
Vertes, je les regardais avec
frayeur. J’ai dû les marcher,
pas le choix. Pour descendre,
tout allait pour le mieux.
Un marathon de misère et
misérable. Mon ami Patrice
Albert m’accompagnait. Une
première pour lui au Vermont. À
mi-parcours, je constatais son
surplus d’énergie. Je lui ai dit
de partir. Je me sentais mal à
l’aise de le ralentir. Hésitant,
il a fini par comprendre mon
inconfort. Son chrono fut de 20
minutes inférieur au mien !
Combien fier pour Patou !
Ce marathon se veut exceptionnel
par sa beauté, ses décors à
couper le souffle et bien sûr,
son extrême difficulté. Par
conséquent, sur 300 inscrits, on
constate que les participants
arrivent de différents états
américains et certains, très
lointains.
J’en ai croisé un qui arrivait
de l’Oklahoma. Il souffrait le
martyre mais savait avant le
départ qu’il allait traverser ce
genre de passage. Il m’a demandé
ce que je pensais de la folie de
Trump ? Rapidement, je lui ai
répondu que je ne disposais
d’aucun commentaire à ce sujet,
tout en lui faisant un beau
sourire. Il n’a pas insisté.
Honnêtement, je ne me souviens
pas d’avoir traversé un 42km
aussi ardu. J’ai de nouveau
refait connaissance avec l’état
de souffrance. Vous savez, quand
arrive le temps d’utiliser vos
dernières ressources physiques
lors d’une telle expérience,
votre cerveau s’enligne parfois
vers des aspects souvent
inexplorés.
Un tel voyage provoque des
réflexions et des sensations qui
viendront modifier votre vision
de la vie et l’être humain. Je
vivais ce sentiment une autre
fois et je me suis dit que
finalement, courir un marathon
pouvait me servir à améliorer
mon attitude en général après
avoir dispensé un effort aussi
suprême.
Après quatre présences à
Waitsfield, je ne crois plus y
retourner. Il vient de me servir
toute une leçon et dorénavant,
il n’a plus besoin de me revoir.
En blague, mon confrère m’a dit
une fois que nous reprenions nos
esprits après avoir franchi le
fil d’arrivée : « Faut vraiment
pas avoir beaucoup à faire pour
venir courir ici, un dimanche !
»
Difficile de comprendre que peu
de Québécois(es) y participent
car il est à seulement 2h30 de
Montréal ! Le fait qu’il soit en
juillet et sa grande difficulté
sont certes des éléments qui
viennent décourager les adeptes.
Quand Bart Yasso, 62 ans, membre
du magazine Runner’s World
depuis 1987, termine avec un
temps de 5h59 :15, ça vous donne
une bonne idée de la complexité
du parcours.
En terminant, je dois vous
raconter une petite anecdote.
Lorsque nous avons mis les pieds
dans notre hôtel à Montpelier et
que nous avons pris la direction
de notre chambre, nous sommes
arrivés dans un long couloir
recouvert d’un tapis rouge.
Immédiatement, j’ai songé au
film Shining, l’enfant lumière,
vous savez la séquence où l’on
aperçoit justement les deux
jumelles au fond d’un couloir !
Ce fut l’unique moment de ce
séjour où j’ai ressenti un p’tit
frisson !
Statistiques de mon 87e marathon
Temps : 4h37 :46
Classement général : 130 sur
Classement catégorie d’âge : 4e
sur 10
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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