Combattre
l’anxiété au 98e marathon !
Cette maudite peur qui
s’installe.
Envahi par l’insécurité, je
m’interroge. Pourtant,
j’approche de l’objectif. Telle
est ma nature, trop prévoyante.
En fait, j’anticipe ce qui ne
surviendra jamais.
À l’aube de ce 98e marathon, ma
grande expérience n’arrive pas à
expulser mes démons.
L’empressement de le disposer me
hantait, comme si j’allais
courir le premier. Au lieu de le
savourer, d’en profiter, je ne
pouvais m’empêcher de jongler.
Impossible d’anticiper un tel
comportement avant de vivre le
moment présent.
Pour un 5e marathon consécutif
cette année, la pluie se fait
sentir à quelques minutes du
départ. Moi qui croyais courir à
Baie-Comeau par une fraîcheur
habituelle dans cette ville de
la Côte Nord, une surprise
m’attendait.
Quand le lapin de 4h franchit la
ligne d’arrivée avec vingt
minutes de retard et qu’il lance
avec dépit : Ce fut rien que de
la mar… cette course pour moi »,
ce commentaire vous indique
clairement dans quelles
conditions l’expérience s’est
déroulée.
Cette pluie ne durera que
quelques kilomètres finalement,
laissant toute la chance au
soleil de laisser dégager ses
puissants rayons, agencés d’un
taux élevé d’humidité, laissant
l’inconfort nous gruger de
l’énergie graduellement.
Deux boucles qui comportent une
montée vertigineuse qui laissera
des traces. Dans pareilles
circonstances, j’en suis venu à
la conclusion que je devais
m’astreindre de folies car après
tout, je me considère en mission
! Alors, la sagesse s’installe
et avec de tels éléments, je
décide d’adapter le mode de la
prudence.
Au 2e tour, à un puits de
ravitaillement installé dans un
bois aux abords d’une autoroute
où la chaleur se fait intense,
je prends le temps de boire
convenablement et tout en jasant
avec les bénévoles. Je me
permets de lancer à l’un d’eux :
Je suis venu de Sorel-Tracy
croyant que j’allais courir dans
la fraicheur ! » La réplique fut
rapide. « Je sais mais ce que
nous vivons ce matin est
exceptionnel. » Il pointe alors
une autre bénévole et ajoute : «
Habituellement, elle porte une
tuque tellement elle gèle ! »
Après cinq minutes, je repars la
machine. Au même moment, une
intervenante qui vérifiait
l’état de santé des
participants, m’interpelle. Je
l’informe que tout se déroule
bien même si je démontre
peut-être une apparence de
désespoir.
À
quelques mètres de l’immense
versant, je me parle. « Ce n’est
pas vrai que je vais le gravir
en courant. » Allons-y
prudemment. Je marche
rapidement. Là-haut, il y a un
autre ravitaillement et c’est la
fête au village ! Une dame
m’avise que je constitue leur
coup de cœur de la journée, car
c’est la 4e et dernière fois que
je les croise. Je me souviens
les avoir fait rire
antérieurement avec mes
niaiseries et avec un total de
18 marathoniens sur le parcours,
disons que les visages
deviennent faciles à retenir.
« On aimerait savoir quel âge
vous avez ? Ai-je l’air si vieux
? Peut-être que ma physionomie
empire mon apparence. Cette
question me chatouille. Je
n’aime pas divulguer mon âge car
je refuse de vieillir. Ma
compagne ne cesse de me répéter
que je devrais en parler avec
fierté mais je n’arrive pas à
m’en convaincre. Avec leur
patience, elles réussiront à me
faire délier les cordons de la
bourse. Nous avons bien ri de
cette situation de sorte
qu’après cinq minutes, je suis
reparti le cœur joyeux, une
pause qui m’aura procuré du bien
autant physiquement que
moralement.
Finalement, malgré toute cette
anxiété, je croise le fil
d’arrivée avec le sourire aux
lèvres, sachant maintenant qu’il
ne m’en reste que deux au
compteur et que pour chacun
d’eux, je ne serai pas seul.
Après la douche, il est temps de
relaxer. Alors que Pasquale est
retournée dans la chambre pour y
cueillir quelque chose,
j’attends dans le hall de
l’hôtel. Soudainement, le
chanteur Patrice Michaud fait
irruption. Il vient de terminer
sa pratique pour le spectacle
qu’il accordera en soirée dans
le cadre du festival Eau Grand
Air qui se déroule lors de ce
week-end, conjointement avec le
marathon. Quelques minutes
auparavant, Pasquale m’avait
indiqué qu’elle l’avait vu
courir le matin du marathon.
Je l’intercepte. Je m’identifie.
Tu fais de la course à pied ? «
Oui, j’ai débuté l’an dernier.
J’y vais quatre fois par semaine
pour un 3.5km, pas plus. Je ne
veux pas m’obliger. Mes amis me
disent que je devrais me rendre
jusqu’à 5km. Pas question car je
suis à l’aise présentement. Je
ne veux pas participer à des
courses. Je me considère très
chanceux de pouvoir courir car
je suis asthmatique chronique.
Alors, ce que je fais
actuellement me donne entière
satisfaction dans ce que je
recherche. Je ne courrai jamais
des marathons comme toi ! »
Baie Comeau, c’est loin en titi
! Les gens sont tellement
gentils et accueillants. À prime
abord, je devais participer au
marathon de Rimouski mais après
mûres réflexions, j’ai opté pour
Baie Comeau car je trouvais que
les trois derniers ne me
laissaient pas le temps de bien
récupérer entre eux.
Le prochain, le 99e sera à
Montréal le 22 septembre, ce qui
me laissera largement de temps
pour me rebâtir car je réalise
qu’il devient de plus en plus
ardu de reprendre mes énergies
entre mes 42km considérant le
nombre exagéré couru au cours
des 18 derniers mois.
À Montréal, mon ami Maxim Martin
m’a fait une belle surprise en
m’annonçant récemment sa
présence, de sorte que nous
serons ensemble pour les deux
derniers. Il me semble qu’ils
deviendront plus agréables de
cette façon.
Au lendemain du marathon, soleil
mur à mur, 13 Celsius, aucune
humidité, la normalité là-bas
pour cette période de l’année.
Faut croire que le synchronisme
n’était pas au rendez-vous pour
ce marathon. Et dire que j’étais
sur la Côte Nord !
STATISTIQUE DE MON 98e MARATHON
TEMPS : 4h35 :34
CLASSEMENT GÉNÉRAL : 14 sur 18
CATÉGORIE D’ÂGE : 1er sur 1
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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