La facture
salée !

Pourtant, la veille, je
rôtissais, assis au soleil aux
abords du petit café la Brûlerie
du Quai, situé tout près de la
mer.
Et dire que ce matin, j’ouvre
les rideaux de ma chambre à
l’hôtel et il pleut ! Les
puissantes rafales de vent
proviennent directement de
l’océan et un froid de canard
sévit. À nouveau, la force du
mental est éprouvée. Un 4e
marathon en quatre
participations à la mouille
s’annonce cette année. Une bonne
moyenne au bâton n’est-ce pas ?
Et moi qui croyais éviter le
pire dans la Baie-des-Chaleurs !
Je ne me plaindrai pas, sachant
que certains reposent
présentement à l’urgence ce
matin ! Il faut nécessairement
relativiser dans de telles
circonstances.
« Viens courir à l’air salin !
», un slogan authentique pour
cette organisation qui prend
tout son sens avec une
température semblable. À peine
quelques mètres après le départ,
voilà que la pluie s’installe
solidement. Heureusement, on
évite le pire car le vent nous
propulse. Qu’est-ce que ce sera
cependant sur le chemin du
retour, sachant qu’il faut bien
revenir au point de départ ?
Rapidement, mes vêtements
deviennent imbibés. Des
souvenirs pas si lointains
remontent en surface. Hyannis
s’infiltre sournoisement dans
mon subconscient. Vous savez,
l’aventure de la douche à
mi-parcours ? Le danger de me
refroidir me hante. J’angoisse
déjà et je n’ai même pas cinq
kilomètres au compteur. Je
trouve le parcours éreintant,
rien de plat, mais il y a la mer
qui nous guette. Au moindre faux
pas, elle intervient en faisant
sentir son fameux air salin !
Un répit survient. La pluie
cesse mais les nuages menacent
toujours. Je crains le pire. Sur
le chemin du retour, à ma grande
surprise, le vent a diminué.
Est-ce un cadeau empoisonné ?
Relativement en confort, je vois
apparaître deux énormes montées.
Je le savais. Je les avais
descendues préalablement.
Croyant qu’elles allaient
disparaître, je devais me rendre
à l’évidence du contraire. Ah,
ce cerveau, ce qu’il peut
arriver à faire en mode d’effort
suprême !
Installées au 28e km, un bel
endroit pour nous briser les
reins ! Je m’étonne à les gravir
sans marcher. Aurais-je une
agréable surprise pour la suite
des choses ? Au loin, j’entends
l’animateur de la journée.
Sachant qu’il reste 10km à
faire, ça devient pénible
moralement et disons que depuis
le début de la saison, cette
facette a été lourdement
éprouvée. Ce qui explique que le
ciboulot s’écroule à la moindre
défaillance.
Histoire de tourner le fer dans
la plaie, nous frôlons la ligne
d’arrivée et il reste 8 km. On
doit contourner le petit fort,
me glisse-t-on à l’oreille. Je
ne le vois même pas ! Mes jambes
s’alourdissent. Je revis les
ennuis similaires à Longueuil.
La fin s’annonce épouvantable.
Le moteur commence à ralentir.
S’ajoute cette vilaine blessure
à la cheville gauche que je
traîne depuis quelques semaines.
Elle me gruge de l’énergie.
Alors, je me questionne. Je
réalise que l’exagération fait
son œuvre. Je comprends que ce
marathon est mon 16e en l’espace
de 17 mois. Comment expliquer
qu’un coureur aussi expérimenté
ose s’aventurer dans une zone
aussi dangereuse ? Cette quête
d’atteindre ce 100e m’impose un
rythme effréné, inconfortable et
je commence à en payer le prix.
Pasquale m’attend au fil
d’arrivée. Tout en me
félicitant, elle s’aperçoit de
mon état. Vive comme l’éclair,
la riposte ne se fait pas
attendre. Elle m’indique que je
devrai maintenant me reposer.
Que je dois penser à me rebâtir,
tant physiquement que
moralement. L’usure m’anéanti,
c’est clair.

C'est la
fille du docteur Frappier de
Sorel-Tracy qui m'a remis la
médaille. Elle réside à
Carleton-sur-Mer depuis une
trentaine d'années.
Et le bonhomme prend de l’âge
même s’il l’admet difficilement.
Quand tu commences à être
dérangé au moindre détail d’un
parcours, il y a de quoi se
poser des questions. Je devrai
nécessairement réagir.
Une quarantaine de participants
et je n’avais jamais vu autant
de précautions de la part d’une
organisation envers les
coureurs. Malade ! Des
défibrillateurs installés à
chacun des postes de
ravitaillement, de nombreux
bénévoles qui circulaient à vélo
malgré le mauvais temps, sur le
qui vive, prêts à intervenir et
ajoutez les patrouilles
policières qui surveillaient
minutieusement les participants.
Que de bons mots envers les
responsables qui sur l’aspect de
la sécurité et de la
planification dans son ensemble,
n’ont rien à envier aux grandes
épreuves. Une expérience où je
me suis senti véritablement en
sécurité. Je la recommande à
100% car il n’en demeure pas
moins que courir sur le bord de
la mer reste une sensation
particulière.
Je m’en voudrais de ne pas
remercier toutes les personnes
qui m’ont salué, ajoutant
qu’elles me lisent
régulièrement. Une magnifique
récompense, surtout quand elle
provient d’une région aussi
lointaine.
Je dois maintenant me reposer.
Même si entre les deux oreilles,
j’imagine dur comme fer que j’ai
encore trente ans, je constate
tout le contraire lorsque
j’enfile mes godasses. Mon
prochain marathon prévu pour le
8 septembre à Rimouski me
permettra de recharger les piles
pour attaquer convenablement le
dernier droit vers cet objectif
que je croyais irréalisable.
L’athée est pris au piège !
RÉSULTATS DU 97e MARATHON
TEMPS : 4H21
CLASSEMENT GÉNÉRAL : 36 SUR 40
CATÉGORIE D’ÂGE : 4 SUR 4
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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