Combattre
le feu… après un entraînement de
course à pied !
Il m’a déjà confié qu’il n’aime
pas vraiment courir l’hiver.
La glace, les éléments de la
température hivernale ne
l’enchantent nullement. Alors,
il opte pour le tapis roulant.
Personnellement, je ne suis pas
capable. Je déteste courir sur
un tapis. Chacun ses solutions !
Par conséquent, depuis quelques
mois, Yann Millette
m’ignorait pour nos sorties
de course à pied occasionnelles,
lui qui a pris l’habitude de
m’aviser lorsqu’il a le goût de
trottiner pour un entraînement.
Oui, car je dois admettre qu’un
peu plus jeune que moi, sa
cadence s’avère beaucoup plus
rapide que la mienne et que j’ai
la vive impression que lorsqu’il
décide de m’accompagner pour un
entraînement, son cardio n’est
pas exploité à son maximum.
Je lui ai déjà fait cette
remarque mais il change de sujet
ou ajoute : « Voyons, si
j’accepte de courir avec toi,
c’est que cela me fait plaisir
». Toujours muni de sa montre
chrono, je le vois la regarder
sans cesse et j’aime bien le
taquiner à cet effet, moi qui
déteste cet outil alors que j’ai
l’impression qu’un coureur ne
s’amuse pas vraiment lorsqu’il
se met à la regarder
continuellement. Mais bon, cet
élément appartient à chacun de
nous et il faut respecter les
besoins de chacun.
Je vous raconte tout cela car
récemment, Yann a communiqué
avec moi tôt en matinée, très
tôt même. « Est-ce que tu vas
courir tantôt ? », me
demande-t-il. Je lui réponds
dans l’affirmative. « Je serai
chez toi dans pas long »,
réplique-t-il, sans aucune
hésitation. Je sentais qu’il
avait vraiment le goût de sortir
dehors pour courir.
Effectivement, dès les premiers
pas, je le sens heureux. Il
m’explique qu’il n’a pas couru
dehors cet hiver. Je le
comprends car comme je l’ai déjà
écrit, je pense que ce fut le
pire pour moi depuis mes 24 ans
de course à pied et j’imagine
que c’est pareil pour les autres
adeptes.
Yann a l’habitude de me raconter
diverses mésaventures dans sa
vie professionnelle car il
pratique le métier de pompier
dans la vie. Avec Étienne
Labonté de
Sainte-Catherine de la
Jacques-Cartier, il représente
le 2e pompier avec lesquels il
m’arrive de courir et que je
respecte énormément. J’ai vécu
de près le décès du pompier
Maxime Fournier en 2015 lors
d’un demi-marathon à Shawinigan
et Étienne faisait partie du
groupe. Nous avions par la suite
couru le marathon de Québec en
hommage à ce jeune de 22 ans qui
nous avait quittés de façon
tragique. Depuis ce moment,
Étienne et moi sommes restés de
bons amis. Déjà près de quatre
ans que cet ange gardien me
surveille.
J’aime bien écouter les propos
de Yann. C’est intéressant de
constater ce que ces gens
peuvent vivre durant un quart de
travail. Parfois les journées
sont calmes mais quand l’alarme
est déclenchée, on doit être
prêt à faire face à l’imprévu.
Je vous dirais que certaines
séquences qu’il me rapporte me
donnent souvent froid dans le
dos. Tout ça pour vous dire que
je les admire beaucoup ces
gars-là.
Au terme de notre entraînement
cette journée-là, on s’est
remercié et Yann a même pris une
photo de nous pour la première
fois.
Dans l’après-midi, un
gigantesque feu s’est déclaré
dans notre ville. Un édifice
patrimonial du centre-ville fut
une perte totale. Les gens de
notre patelin furent ébranlés.
En soirée, j’ai reçu un message
de Yann. Il m’indiquait qu’il a
été appelé à combattre
l’incendie. En même temps, il
m’a envoyé des photos. Sur l’une
d’elles, il m’indique : «
Regarde, je suis au centre de
l’échelle ! »
Pour la première fois, je me
suis arrêté deux petites
secondes pour penser aux risques
du métier. Trop souvent, on
oublie qu’il n’y a rien de
facile dans cette profession.
Parfois, j’aime bien le
taquiner, l’agacer en lui disant
qu’ils sont bien les pompiers,
ils lavent les camions, ils
s’entraînent, ils attendent.
Même si je connaissais les aléas
de ce travail, je crois que lors
de nos prochains entraînements,
je vais laisser de côté mes
petites blagues plates. Je
comprends maintenant pourquoi il
s’est toujours contenté de les
sourire sans vraiment répliquer.
Il devait se dire dans son for
intérieur que ça ne valait pas
la peine sachant véritablement
que je lui lançais ces phrases
dans l’unique but de le faire
rire.
Dorénavant, je me garderai une
petite gêne si ça ne vous
dérange pas !
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
|