La chute du
Faucon !

Le vide.
Le néant.
Je m’interroge.
On a beau s’y préparer. Rien à
faire. On doit le vivre, le
vaincre.
Mon 100e marathon, c’est le
couronnement d’une vie, une
réalisation inespérée. Les
honneurs suivent et nous
indisposent. L’extase, la
réjouissance nous englobent.
Puis, il y a ce trou béant qui
surprend. Je le vois, je dois
l’éviter. Alors, intervient
notre entourage qui par ses
incursions, sa présence, ses
paroles, nous remet sur nos
rails.
Pas question de me terrer
derrière un buisson. J’avais
perdu le goût de reprendre
l’entraînement après ce 100e,
une baisse de régime que je
vivais pour la première fois.
Guidé par la frénésie de
l’objectif au cours des
dernières années, je tombais à
plat, sans but. La mire avait
disparu. Je n’ai rien fait
paraître, histoire d’éviter un
genre de vent de panique.
Une introspection s’imposait. Je
le reconnaissais. La crainte de
basculer dans l’aisance,
l’ivresse de l’apothéose
menaçait mon esprit. Il fallait
à tout prix me ressaisir car
intérieurement, je ressentais
toujours le besoin de vibrer les
sensations inédites d’un
marathon.
J’ai pris le temps. J’ai écouté
les recommandations et je les ai
prises très au sérieux.
Secrètement, je réalisais mon
petit voyage intérieur dans une
dimension étrangère à mes
vieilles habitudes.
Ne serait-ce que pour l’exemple
projeté, des voix de l’extérieur
sont venues me reconduire vers
cette vieille route que
j’empruntais pourtant depuis
très longtemps. Alors, j’ai
remarqué qu’il faut peu pour
être décontenancé, dérouté et
dévié.
La course à pied représente tout
mon univers mais pour la
première fois, je goûtais à une
évasion comparable à ce que je
pouvais traverser lors de la
réalisation d’un marathon. Les
démons de la légèreté tentaient
férocement de m’influencer, de
me détruire, de m’envahir et
surtout, de m’indiquer un chemin
somnifère me conduisant
assurément vers un énorme
gouffre.
Les hauts et les bas de la vie
venaient de me traverser une
fois de plus l’esprit. Même si
j’avais déjà expérimenté de tels
moments, le temps avait su
chasser les souvenirs qui
m’auraient immédiatement
reconduit vers le bon chemin.
Puis, dans les derniers instants
de cette période, l’essence même
de ce sport a remonté à la
surface pour me procurer
l’oxygène indispensable qu’il me
fallait pour tenir à la surface.
Me voilà relancé, avec une
détermination caractéristique
qui me cataloguait au fil des
années. Certains diront qu’il
s’agissait d’un passage obligé.
Peut-être. Il aurait alors été
tellement facile de tout
quitter, tout abandonner.
Pourquoi insister ? Par
conviction, simple
reconnaissance, question
d’écouter ma conscience et de me
satisfaire à la fois. Puis, il y
a ce foutu cancer au dessus de
ma tête, une épée de Damoclès.
Trois marathons déjà à l’horaire
pour 2020 et c’est parti mon
kiki !
Vous me reverrez !
La vie cache des pièges. On doit
les défier. Revenir à nos bases
s’avère une option
incontournable.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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