Froideur malsaine
!
Elle
s’installe sournoisement sans
que l’on puisse s’en apercevoir.
Inconsciemment, nous l’adoptons
par la force des choses.
Regardez la
page couverture de mon livre. À
quelques mètres du fil d’arrivée
lors de mon 100e
marathon à Québec en octobre
dernier, l’humoriste Maxim
Martin m’a saisi par la main et
a levé mon bras en signe de
fierté et d’accomplissement.
Lorsque nous avons franchi le
fil d’arrivée, ce fut
automatique, l’étreinte a suivi
avec des sourires fendus
jusqu’aux oreilles.
Honnêtement, je ne vois pas le
jour où nous pourrons répéter de
tels gestes et ça me fait peur.
Personnellement, j’ai toujours
eu besoin des contacts humains.
Pour moi, j’accordais énormément
d’importance à faire sentir aux
gens que je les aimais, que je
les appréciais et
automatiquement, je ressentais
le besoin d’un câlin, d’une
accolade ou d’une poignée de
mains.
Même lors
de journées de promenade dans
des endroits publics, lorsque je
voyais un beau chien, je me
dirigeais immédiatement vers lui
afin de lui faire sentir que je
le trouvais sympathique.
Souvent, je devais encaisser les
recommandations de ma compagne
qui m’avisait de jouer de
prudence.
Que
voulez-vous, c’était plus fort
que moi. Et j’ai bien écrit le
verbe à l’imparfait !
Depuis le
début de la pandémie qui a
entraîné les recommandations à
garder ce fameux deux mètres de
distance avec une autre
personne, je suis frustré.
Certainement que je respecte
religieusement cet important
conseil lorsque je croise les
gens mais je n’arrive pas à
l’accepter après plus de deux
mois maintenant.
Au moment
d’écrire ces lignes, je viens de
terminer un entraînement dans
mon patelin. J’ai observé les
gens qui marchaient, qui
couraient ou qui tout simplement
se retrouvaient sur mon chemin.
Lorsqu’ils me voyaient, ils
s’éloignaient automatiquement,
comme si j’étais un ennemi,
comme si j’allais les agresser.
Une réaction instinctive qui est
de plus en plus ancrée dans nos
cerveaux Je comprends très bien
leur comportement car moi-même,
je m’éloigne au moment de les
croiser.
Cependant,
je considère que cette attitude
deviendra néfaste avec le temps.
Les gens vont adopter ce
comportement et il deviendra une
normalité d’ici quelques mois.
Et ce qui me fait craindre le
pire c’est que même avec un
vaccin, je ne suis pas certain
que les adeptes de la course à
pied vont s’enlacer après leur
performance s’ils ne demeurent
pas dans la même maison.
Je crois
qu’il va toujours rester un
petit doute dans l’esprit des
personnes, particulièrement
lorsqu’elles vieilliront. Au fil
des années, la conduite des
humains a été modifiée. Il y a
eu les modes pour y parvenir
mais actuellement, un virus
arrivera à le faire.
La semaine
dernière, j’ai revu Maxim
(Martin) devant la station
radiophonique Énergie avant son
travail, édifice situé face à
celui de Radio-Canada sur le
boulevard René-Lévesque à
Montréal. Lorsque je suis sorti
de mon auto à son arrivée, je
fus traumatisé de constater
l’atmosphère dans laquelle nous
nous retrouvions.
À quatre
mètres de distance, on se
parlait aux abords d’un
boulevard désert, comme si nous
nous retrouvions dans un rang à
la campagne. Aucune accolade
comme nous avions l’habitude de
faire, aucune poignée de mains,
une froideur déstabilisante
comme rencontre.
Sans cette
chaleur humaine, la course à
pied perdra une facette cruciale
dans sa pratique. On vient de
briser le lien qui rendait ce
sport tellement sympathique et
chaleureux. L’indépendance ne
cessera de grandir et de prendre
une place qui ne lui appartient
même pas. Je ne me reconnaîtrai
plus.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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