lundi 22 avril 2013
Le Quadricéphale. Un animal rare
Courte réflexion à l'occasion de
la parution toute récente de
l’ouvrage « de »/sur
Sylvain Lelièvre :
Toi l'ami. Cent
regards sur Sylvain Lelièvre
À
Gilles Vigneault, qui se
rétablit actuellement d’une
pneumonie
(« atypique », comme
il se doit…)
Sylvain Lelièvre (1943-2002) :
Auteur - compositeur -
interprète - et instrumentiste.
Tout à la fois.
Ce qui est très rare au sein de
la communauté concernée.
Les Brel, les Vigneault, les
Ferré, les Ferland, les
Françoise Hardy, les Ferrat, les
Léveillée, les Bécaud,
les Nougaro et les Aznavour
(n’oublions pas Trenet et
l’indicible Édith au passage,
lequel célébrerait son centième
anniversaire de naissance cette
année, simultanément aux
cinquante ans du décès de la
dame en noir) ont largement
travaillé en tandem, voire en
triumvirat, avec des alliés et
co‑créateurs de leur Œuvre.
Ils n'en sont pas moins
immenses, assurément.
Reste que les Félix (25 ans
déjà !), les Brassens, les
Barbara, les Adamo, les Anne
Sylvestre aussi (quoique ces
tout derniers aient tôt
abandonné l'instrument), de même
que les Sylvain Lelièvre,
incarnent une infime minorité –
les Quadricéphales – dans la
confrérie, ou sororité, de ces
fabuleux talents de l'univers de
la Chanson de qualité.
Aussi cette polyvalence
pratiquée avec virtuosité,
conjuguée de manière générale à
une authentique puissance de
création (création de vers, de
sonorités, d’émotions et de
mélodies tout en un),
auront-elles fait de Sylvain
Lelièvre (qui aurait atteint le
pays de la Septuagénie en
février, n’eût été sa
disparition précoce) l’un des
grands, des très grands, de la
Chanson. Toutes langues, tous
pays et toutes cultures
confondus.
Or le phénomène est d'autant
plus extraordinaire que l’homme
de Limoilou aura à toutes fins
utiles exercé son art comme
un... violon d'Ingres (quoique
sur piano à queue, de
préférence).
Étonnant monsieur Sylvain !
Et dire que l'on n'entend
partout, mais partout, que de la
chanson anglo-américano-commerciale.
Même au Québec on se croirait
désormais en France – où le
français est tabou. Sinon
honteux…
À
se taper la tête contre les
murs !
Nous possédons – Nous, de
culture d'expression française –
des trésors inouïs,
incomparables.
Mais contre toute intelligence,
tout sens esthétique, toute
dignité
aussi, nous
préférons nous empiffrer de
croustilles et de coca-cola à
deux sous. « Nothing but
english ! » est devenu notre
mantra.
D'aucuns nomment ce phénomène :
Barbarisation de l'Humanité.
D'autres prétendent au contraire
qu'il s'agit en l’occasion d'une
« ouverture » sur le monde.
Ouverture à la dictature mono-culturo-linguistique,
se garde‑t‑on d'ajouter du même
souffle. Ou dans la même tune.
Ouverture aussi nommée
Asservissement volontaire.
Et communément appelée Liberté.
Rien moins.
Puisque cette servitude, après
tout, quand bien même elle nous
réduirait au statut de
domestique, voire d’animal
domestique, elle est bien
volontaire, non...?
P.S… intra-texte
: Article accompagné de fortes
pensées, en filigrane, pour des
[pourtant admirables] absents de
ces lignes par trop concises
[interprètes compris(es)] :
Raymond Lévesque, Clémence
Desrochers (octogénisable en
novembre !), Claude Gauthier,
Georges Dor (1931-2001), Pauline
Julien (disparue il y a quinze
ans…), Jacques Michel, Stéphane
Venne, Paul Piché (il atteindra
les soixante « printemps » cette
année, eh oui !, le jeune barbu
de 1977…), Monique Leyrac, Diane
Dufresne, Claude Dubois,
Harmonium, Beau Dommage, Richard
Desjardins... Et j’en oublie
[cent un pardons !] : Blanchet
(1931-1981), Létourneau, Gagnon,
Charlebois, Gélinas (1937-2001),
Dumont, Calvé, Plume, Rivard,
Pierre, les Séguin, Claude,
Reno, Tell, M.‑D. Pelletier,
Lemay… Et combien d’autres
encore, qui auront enrichi au
fil des décennies le fabuleux
coffre aux trésors de notre
culture chansonnière
québécoise. Cent regards,
annoncent les auteurs de
l’ouvrage. 101 avec celui‑ci,
donc. C’est justice, ce me
semble. Et c’est Sylvain qui
sans doute m’en eût su gré.
Je pense.
Jean-Luc
Gouin
Souvenir douloureux de ‘Toi
l’ami’ : La Badloque
Autre complément :
Le
400e et…
Raymond Lévesque
Version définitive de ce texte
acheminée depuis Québec, ce 20e
jour d’avril de l’an 2013
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