Sur ceux
qui sèment la division
par
Robert Barberis-Gervais
J’ai
appuyé le Parti québécois
avec sa chef Pauline Marois
malgré ses lacunes et ses
limites pour des raisons
stratégiques, pour ne pas
faire le jeu des Libéraux et
aussi à cause de l’équipe de
gens de valeur qu’elle a
rassemblés. Est-ce que je le
regrette? Non, je ne le
regrette pas. Dans une lutte
politique, l'unité et la
cohérence des troupes est
une condition indispensable
pour arriver à la victoire.
Il faut donc s'intéresser à
ceux qui sèment la division
dans le mouvement
indépendantiste et analyser
les conséquences de cette
division qui est une des
causes de la défaite du
Parti québécois aux
dernières élections
générales. D'autant plus que
cette division rendra le
projet indépendantiste
irréalisable. Ce n'est donc
pas un sujet léger qui ne
porte pas à conséquence.
Il faudrait que ceux qui se
sont opposés à ce qu'ils
appellent le PQ-Marois
fassent attention de ne pas
trop pavoiser. Car avant le
déclenchement des élections
pour le 7 avril tout était
encore possible. Ce fut une
grave erreur de déclencher
les élections de façon
prématurée. Aux élections du
4 septembre 2102, la
division du vote
nationaliste en raison
notamment des attaques
vicieuses de certains
"indépendantistes" est en
bonne partie responsable de
la courte victoire du PQ,
minoritaire et incapable de
réaliser son programme
électoral. Le travail de
sape était donc déjà
commencé bien avant les
élections du 7 avril. Pour
sortir de cette situation
paralysante de gouvernement
minoritaire, Pauline Marois
a décidé prématurément de
déclencher des élections. On
la comprend.
Un coup la décision prise
d'aller en élections, je ne
pouvais pas prévoir que la
campagne électorale serait
si mal orchestrée et que la
garde rapprochée de Pauline
Marois qui contrôlait la
campagne et Pauline Marois
elle-même donnerait le
triste spectacle d'une
comédie d'erreurs. Une telle
incompétence était-elle
prévisible? C’est facile
d’arriver après l’échec et
de répéter : « Je vous
l’avais bien dit. » C'est ce
que font certains qui n'ont
rien appris de la défaite.
Ils devraient comprendre que
la division des
indépendantistes à laquelle
ils ont contribué est une
des causes de la défaite du
7 avril. De plus, de
nombreux citoyens qui se
sont abstenus de voter se
sont dit: "Ils n'arrêtent
pas de se chicaner, ils ne
s'entendent pas, moi je
débarque." Et ils sont
restés chez eux le jour du
vote.
Mais allons jusqu’au bout du
raisonnement. C'est une
démonstration des utilités
de la logique. Si on pense
qu’il fallait apporter un
appui stratégique au
gouvernement Marois pour ne
pas faire le jeu des
adversaires, il faut en
déduire que tous ceux qui
n’ont pas apporté cet appui
stratégique ont fait
objectivement le jeu des
libéraux de Philippe
Couillard.
Ne parlons pas des faux
indépendantistes qui
encouragent les divisions et
qu'en langage d'espionnage
on appelle des taupes. Elles
ne sont sans doute pas très
nombreuses, mais les taupes
existent ça c'est certain
car ce serait naïf de croire
que le Service canadien de
renseignement et de sécurité
(SCRS) est inactif. Comme
Radio-Canada et La Presse,
ce Service a pour but de
sauvegarder l'unité
canadienne. Le SCRS a même
un budget pour financer les
taupes. C'est ce que font
tous les gouvernements qui
ont un service de
renseignement et le Canada
qui se sent menacé par "la
séparation" n'échappe pas à
la règle.
Ne parlons pas non plus de
tous ceux qui étaient contre
le Parti québécois ( qui n'a
obtenu que 25% du vote) et
qui ont divisé le vote des
francophones qui étaient
opposés au Parti libéral :
la CAQ (23% du vote) et
Québec solidaire (8% du
vote). Ils ont fait
objectivement le jeu des
Libéraux (42% du vote). On
pourrait dire que le
gouvernement libéral est
leur gouvernement. Cela
semble un sophisme mais
pensez-y, c'est
objectivement et
mathématiquement vrai. Tout
comme il est vrai de dire
que le vote des anglophones
et des allophones anglicisés
et canadianisés qui ont
prêté serment à la Reine
d'Angleterre donne au
minimum 25 comtés aux
Libéraux provinciaux en
partant. Les lecteurs de
"The Gazette" et les abonnés
à la télévision anglaise, la
CBC ou CTV, eux, ils ne sont
pas divisés.
Parmi les responsables de la
division des votes
indépendantistes, il y a
ceux qui ont constamment
attaqué le Parti québécois
en disant qu’il n’était pas
suffisamment
indépendantiste. Et il y a
ceux qui, tout en se disant
des indépendantistes, ont
attaqué Pauline Marois en
passant par Claude Blanchet,
son mari. Ce sont souvent
les mêmes: ils se
coordonnent et se
répartissent les tâches.
A mon avis, les adversaires
de la gouvernance
souverainiste ont poussé
Pauline Marois à jouer la
carte de Pierre-Karl
Péladeau pour démontrer sa
foi indépendantiste. Car il
est évident que la
déclaration le poing levé de
Pierre-Karl Péladeau un
dimanche matin à St-Jérôme
ne cadrait pas avec la
stratégie inaugurée par
l'annonce d'un livre blanc
sur l'avenir du Québec.
Pierre-Karl Péladeau ne
porte aucune responsabilité
dans cette affaire car il se
devait de dire qu'il
s'engageait en politique
pour donner un pays à ses
enfants. Mais à quoi bon
avoir une stratégie si vous
ne la suivez pas.
Ces mêmes soi-disant
super-indépendantistes se
sont acharné sur Claude
Blanchet: ils ont apporté de
l’eau au moulin à la
commission Charbonneau (le «
deal » imaginaire avec
Claude Blanchet) et à
Radio-Canada (Alain Gravel
et l’affidavit : soit dit en
passant, ce n’est pas parce
que quelqu’un prête serment
de dire la vérité qu’il dit
nécessairement la vérité,
j'en sais personnellement
quelque chose). En insistant
sur la boulechitte du zonage
agricole de l’île Bizard
(alors que 30% de l’île
Bizard est en friche,
quelques hectares utilisés
pour construire une maison
ne mettaient pas en péril
l’agriculture au Québec),
ils ont voulu nuire à
Pauline Marois en marchant
sur les traces du journal
"The Gazette" et ils ont
réussi à lui nuire.
J'ouvre ici une parenthèse.
Comme j'ai beaucoup d'estime
pour Elaine Zakaïb qui est
d'une grande droiture et qui
a fait avec nous la lutte
pour obtenir un cégep neuf à
Sorel-Tracy en 1979, je n'ai
pas aimé que des gens mal
intentionnés se soient
servis contre elle d'une
conversation téléphonique
enregistrée anodine où,
comme directrice régionale
du Fonds de solidarité, elle
a demandé qu'on accorde plus
d'attention à ses dossiers,
ce qui était normal. Quand
on se rappelle que Lise
Thériault a dit qu'Elaine
Zakaïb aurait dû appeler la
police, on voit jusqu'où
peut aller la partisanerie
bête. (Est-ce qu'on va
encore revenir là-dessus
lors du passage de Tony
Accurso à la commission?)
Les électeurs du comté de
Richelieu ont montré plus de
jugement en la réélisant.
Est-ce qu’il y a quelqu’un
qui pense encore que la
commission Charbonneau
cherche à nuire aux Libéraux
? Demandez-vous sous quelle
influence ont été nommés les
membres de la Commission à
commencer par France
Charbonneau elle-même? Ils
ont été nommés sous
l'influence de Jean Charest,
ça veut tout dire. Peut-on
s'étonner qu'il y ait deux
poids deux mesures dans la
façon de traiter les
témoins? Par exemple, après
avoir été mis en cause,
André Morrow, le mari de
Liza Frulla qui a un vaste
réseau puisqu'on la voit
partout, a pu rapidement
s'expliquer tandis qu'on a
fait poireauter Guy
Chevrette pendant un an lui
qui avait été attaqué
faussement par le mythomane
Gilles Cloutier, le faiseur
d'élections municipales clés
en mains. Y a-t-il à se
surprendre du biais
franchement anti-syndical de
la Commission?
Mais revenons à notre sujet.
Qu’on ne vienne pas dire que
je surestime l’influence de
ces adversaires de Pauline
Marois. Ils ont été lus par
les chroniqueurs politiques,
par les commentateurs, par
les journalistes, par les
conseillers politiques, par
les députés et ministres,
par les stratèges libéraux
et par les adversaires du
Parti québécois. Tous ceux
qui ont constamment attaqué
Pauline Marois sur le front
de la gouvernance
souverainiste comme sur le
front de l’île Bizard ont
objectivement fait le jeu
des adversaires et ont
contribué à la défaite du
Parti québécois. (Par
exemple, certains se sont
servis du site web
Vigile.net pour semer la
division.) Ils devraient
être satisfaits puisque
c’était leur but. Et bien,
ils ont atteint leur but.
(Je suis sûr qu'ils se
prennent pour de grands
patriotes.)
Cela ne veut pas dire que
c’est nécessairement une
mauvaise chose puisque la
défaite oblige le Parti
québécois à renouveler son
approche de l’indépendance
et à se trouver un nouveau
chef qui aura su tirer les
leçons du passé et
particulièrement de ce qui
est arrivé le 7 avril 2014.
De retour d'Ecosse, Bernard
Drainville est en train de
le faire d’une excellente
façon puisqu’en effet, le
choix est entre le statu quo
ou l'indépendance. Quand on
tente de résoudre un
problème, la façon de poser
le problème est d’une
importance capitale. Or, ici
le problème est bien posé:
c’est le choix de rester une
province dans le Canada ou
de devenir un pays
indépendant. Cette façon de
poser la question de
l'avenir du Québec est un
pas dans la bonne direction.
Elle oblige les fédéralistes
à nous prouver que tout ce
qui va mal avec le
gouvernement Harper doit
continuer. Ou avec le
possible gouvernement
Trudeau qui est une pâle
image de son père. Ou avec
le NPD de Thomas Mulcair,
qui a déjà été l'avocat
d'Alliance Québec qui
s'opposait à la loi 101 du
Dr. Camille Laurin: je suis
sceptique quand j'entends
dire que Thomas Mulcair va
défendre les intérêts du
Québec à Ottawa. Et vous?
Pensez-vous vraiment que
l'avenir du Québec, c'est de
rester une province du
Canada, ce pays faussement
bilingue qui a un budget de
260 milliards et qui a comme
premier ministre Stephen
Harper ou pourrait avoir
comme premier ministre
Justin Trudeau ou Thomas
Mulcair?
Une chose est certaine: tous
ceux qui favorisent la
division des
indépendantistes contribuent
à ce que le Québec reste une
province du Canada. Ce sont
des alliés objectifs des
adversaires de
l'indépendance du Québec.
Quant aux taupes, elles
n'ont pas besoin de faire
grand chose pour tenter de
discréditer les
indépendantistes. Certains
des alliés objectifs du
statu quo qui jouent les
justiciers, qui se font les
procureurs de la pureté
indépendantiste et qui
dressent les
indépendantistes les uns
contre les autres s'en
chargent. Le manque de
solidarité de ces semeurs de
zizanie apparemment vertueux
est en partie responsable
des divisions chez les
francophones qui s'expriment
dans la dispersion de leur
vote en quatre partis: le
Parti libéral; le Parti
québécois; la Coalition
avenir Québec et Québec
solidaire. Pendant ce temps,
comme toujours, les anglos
allos concentrent leur vote
dans le Parti libéral et ont
plus de pouvoir que leur
nombre ne le justifie.
De toutes façons, pour avoir
une idée de la tâche à
accomplir, pour faire
l'indépendance, pour
contrebalancer le vote du
West Island, des
ex-immigrants et de la
région limitrophe d'Ottawa,
il faut un appui de 65% des
francophones de la grande
région de Québec qui ont
voté à 57% pour le OUI en
1995...