18 février
2014
Les religions –
Ou de l’humain travesti en divin
Très modeste
contribution à la Charte
québécoise des valeurs
«
Il n’est possible
de croire qu’à ce qu’on ne
comprend pas.
»
Clément Rosset,
Le Principe de cruauté
(1988)
Or :
«
C’est de la
négligence (negligentiae)
que de ne pas
connaître ce que nous croyons.
»
Anselme de
Cantorbéry, Proslogion (1078)
À l’instar des
hommes, qui sont, comme chacun
sait, des femmes comme les
autres, les religions sont des
idéologies comme toutes les
autres.
Ce qui au
demeurant ne constitue ni un
défaut, ou une carence
rédhibitoire, ni une qualité au
sens second du terme.
Et chacun peut
adhérer, et de bonne foi si je
puis dire, à l’une ou l’autre de
ces idéologies (il en existe d’innombrables
au sein de l’Humanité, qui se
font et se défont au fil des
siècles et des millénaires,
voire des modes et des saisons :
il n’y a pas en icelles – tant
s’en faut – seulement les trois monothéismes de source
abrahamique : l’islam, le christianisme
et le judaïsme).
C’est tout de
même étonnant, convenons-en
d’emblée. À savoir –…
Les hommes
s’inventent des dieux
(l’existence de ceux-ci n’aura
jamais été démontrée), ils leur
mettent ensuite des mots en
bouche (la bible, le coran, le tanakh,
la bhagavad-gita…), pour enfin
se soumettre corps et âme (et idéalement,
de l’Inquisition catholique de
jadis aux intégrismes islamiste
et/ou chrétien et/ou hindouiste
et/ou judaïque de notre temps,
soumettre les « infidèles »
aussi, voire surtout...) aux
diktats émanant de ces textes.
C’est ainsi –
ô Miracle ! – que le créé
de toute pièce devient
Créateur.
Aussi nommé, en
toute rigueur, Idole.
Mais appelons-la Odile, pour ne
pas donner dans la ségrégation
(et ainsi ménager les
sensibilités) parmi les non
moins innombrables noms qui lui
sont assignés selon les époques,
les territoires et les
communautés concernés.
Mais là où le bât
blesse sérieusement (car enfin,
tout un chacun peut émettre une
hypothèse et s’y soumettre
totalement, si ça lui chante),
c’est que cette Hypothèse
(on y croit ou on n’y croit pas,
faute de la vérifier : tel un
fer en bois) se métamorphose
rapidement en Absolu
dans la plupart des cas, sinon
tous, pour les fidèles subsumés.
Sophisme
monumental.
En outre, et ce
n’est pas la moindre de ses
déficiences, un Absolu c’est par
définition indiscutable.
C’est‑à-dire : non contestable.
Ou non réfutable, en termes
scientifiques.
Tout le contraire
– mais radicalement le contraire
– de l’esprit de la Démocratie.
Dans laquelle les
hommes sont « condamnés » (une
forme d’Enfer ? : Pensons au mot
de Churchill), par le langage
(expression, écoute, discussion,
débat puis décision, provisoire
en permanence), à polir leurs
différends (par police moins que
par polissage en l’occasion)
afin de constituer des cités
viables. C’est‑à-dire dans
lesquelles ces différends se
révèlent, à terme, compatibles
dans le respect par tout un
chacun de tout un chacun.
Héraklésien
labeur de Sisyphe.
Car il s’agit, on
le sait, d’un travail perpétuel.
Pénélopien. Jamais achevé.
À remettre sans relâche sur
le métier.
(Ah ! ce serait
tellement plus simple – via un
dieu, une folle idée ou un
psychopathe, peu importe –
la Dictature !)
*
Coda
–. Le religieux, cela dit en
tout respect sincère des
croyances, n’a, de près ou
de loin, rien à faire au
voisinage de l’État. Car si l’hypothèse
Dieu ne ‘voile’ rien d’imbécile
ou de ridicule en soi *,
la « conversion » d’une
présomption mentale en Être réel
– et absolu qui plus est
– relève quant à elle,
stricto sensu, de la
psychose. Individuelle ou
collective.
L’Absolu dans le
Politique (de quelque idéologie
qu’il puisse participer :
du sang aryen à l’« homme
nouveau » manière Pol Pot,
en passant par la jihad ou
la monarchie de droit… divin),
c’est la Guerre. Entre les
fidèles et les infidèles.
Tôt ou tard.
Invariablement.
Aussi, je vous en prie, couvrez
ce saint que je ne saurais voir
au sein de l’État.
Et du politique de manière
générale.
Jean-Luc
Gouin
Fils d’une
famille vaguement catholique
LePeregrin@yahoo.ca
Capitale
nationale, le 19 Février 2014
*
De Spinoza à Einstein, de
puissants esprits en témoignent.
Au reste, j’incline fort à
penser, pour ma part, avec Georg
W.F. Hegel, que loin d’être un
à‑côté de l’homme, ou même un
« au‑dessus », voire un
« en‑dessous », que « Dieu est
seulement dans l’esprit, et non
pas au‑delà : il est ce que
l’individu a de plus propre (Gott
ist nur im Geiste, nicht
jenseits, sondern das Eigenste
des Individuums) ».
Autrement dit : « C’est la
conscience de soi de Dieu qui
se sait dans le savoir de
l’homme (Es ist Gottes
Selbstbewußtsein, welches sich in dem
Wissen des Menschen weiß) ».
C’est peut‑être Jacques Brel,
à la fin, qui a raison :
« L’homme est Dieu, mais il ne
le sait pas encore. » Mais cela
entendu, telle une logophonie,
l’osera-t‑il jamais – cet homme
– cette connaissance ?
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