mardi 25 avril 2017
Un Devoir qui joue avec
sa réputation
Mystification et contrevérité
autour de Marine Le Pen
Liminaire :
ce texte, bien que légèrement
peaufiné le lendemain, a été
rédigé quelques heures précédant
l’appel aux urnes (du 23 avril)
dont il sera ici question
Dans une France qui – à l’instar
du Québec de notre
Philippe Pétain en goguette
– ne semble plus en capacité
d’engranger une opinion
majoritaire que sur le
dossier (par activisme forcené
des uns
et par concours de
l’abstention complice des
autres, tout ensemble) de l’englissement
« systémique » du
pays (ce que pour ma part
j’appelle l’ostracisme
tranquille de soi), bien malin
qui pourrait prédire,
aujourd’hui, dans cette Ve République
fondée par le Général de Gaulle
il y a soixante ans (moins trois
petites mousses égarées sous
quelque récamier en Quai
d’Orsay), l’issue du scrutin du
premier tour de la
présidentielle actuellement en
cours en terre des Lavoisier,
des Cézanne, des Hugo et des
Clemenceau.
Par le biais de courts
descriptifs des cinq principaux
candidats, publiés en page B2
de son édition du 22 courant, Le Devoir semble
toutefois témoigner, à cet
égard, d’un parti-pris
(ou devrais-je écrire un
parti-exclu ?) qui détone fort
(et détonne aussi) dans le cadre
d’une présentation en principe
objective et factuelle (nous ne
nageons pas ici, en effet,
claires ou troubles, c’est
selon, dans les eaux d’un
éditorial ou d’une chronique
d’opinion).
Ainsi lisons-nous ce qui suit,
et d’entrée de jeu, à la faveur
de la fenêtre portant sur la « postulante »
Marine Le Pen : « La
fille de Jean-Marie Le Pen a
renouvelé le vieux FN
antisémite, dont elle a même
expulsé le fondateur, son père.
Le FN se veut antieuropéen et
férocement anti-immigration […] ».
Antisémitisme, antieuropéanité,
« férocité »
et anti-immigration.
Sans oublier, bien sûr, en
toutes lettres (en guise moins
de repoussoir que de contrefort
à la « thèse » avancée
en catimini), le nom du paternel
déchu. Et tout ce bagage
coup-de-poing de vocables en
moins de deux courtes phrases.
Voilà un exploit de concision
qui, admettons-le, laissera
pantois tout authentique ami de
la nuance aussi bien que de
l’honnêteté intellectuelle dans
la diffusion de l’information.
Ainsi donc, pour Le Devoir
(soudain devenu royaume de la
rectitude politique, sinon du
panurgisme ambiant), re-fléchir
en profondeur le type de liens
que tissent la France et
l’Europe participe de l’anti-européanité.
Et revoir les politiques
actuelles de l’immigration
constitue un acte tout aussi
antagonique. Et outrancier.
Quant au comique de
l’antisémitisme et de la
férocité…
Or, il se trouve qu'à la lecture
de cet encadré-réquisitoire qui
ne dit son nom, j’ai éprouvé
cette curieuse impression de
relire, sous forme d’un
copier/coller, un passage de
l’un ou l’autre des papiers
de M. Guy Taillefer, chef de
division et éditorialiste de la
maison, parus à l'occasion,
il y a quelques mois, de la
venue de madame Marine en sol
québécois. Au reste, mais qui
s’en étonnera, cette saisie
sommaire, voire tendancieuse, du
politique hexagonien de notre
temps se voit confirmée sans
détour par le directeur
lui-même, M. Brian Myles, dans
son
éditorial du 24 avril.
Pour ce qui me concerne, je
nommerai « information
sous mode Gesca »
ce type d’exposé.
À savoir, celui où la vérité et
la factualité ne font jamais
vraiment le poids face aux
préférences idéologiques du
propriétaire du média concerné
(de la rue St-Jacques, pour ne
pas le nommer)
–
et/ou, il va de soi (sous risque
de dissonance cognitive à la
limite de la schizoïdie), de son
porte-voix de circonstance.
Cela dit – eh oui ! – de la
bouche plumante d’un homme
fermement de gauche (si on
m’autorise cette formulation
sans doute désormais un peu
surannée). Et qui serait bien
enquiquiné ce matin, il est
vrai, si d’aventure Français
il était, d’accorder avec
honneur et enthousiasme son
appui citoyen à l’un ou l’autre
desdits prétendants – ô cadeau
de Grec ! – au trône convoité
en Élysée.
Jean-Luc Gouin
LePeregrin@yahoo.ca
Québec, 23 (et 24) avril
2017
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