vendredi 01 septembre 2017

 

Réjean Ducharme, tu m’as mis en Kriss !

(1941-2017 : Incarnation d'une culture Nôtre)

 

 

à Version définitive

(une version préliminaire de ce texte fut d’abord publiée chez Vigile)

 

Réjean Ducharme, tu n’avais pas le droit de t’éclipser – main dans la main avec Galarneau lui‑même – ce 21 août de l’an 2017.

Disparaître à 76 ans tout juste, à quelques heures près, ce n’est plus de "mode" aujourd’hui. Alors que l’on ne sait même plus que faire de nos centenaires. 

Non ! Réjean. Pas maintenant. Au coeur de cette tempête d’insignifiance où, en pays de Félix Leclerc, nous sombrons depuis de nombreuses, de très nombreuses années.

À telle enseigne que la défense et la promotion de notre langue et de notre culture, de notre propre Identité, tout bêtement, devient aux yeux d’innombrables bêtas – qui se reproduisent à vitesse grand V chez Gesca, chez Radio-Canada, dans les journaux de Martin Cauchon (et leurs pages édito­riales d’une fadaise à gémir) ainsi que dans toutes les radios-poubelles indistinctement – syno­nyme de xénophobie, de fermeture, de repli, voire de racisme.

Comme si - ô soupir - l’asservissement volontaire à la dictature d’une langue et d’une culture uniques, celles de Donald Trump, était signe ou témoignage d’ouverture, d’intelligence, de culture.

Quelques millénaires de civilisation pour, au final, en arriver là. C’est à se tirer une balle dans la tête. Ou sombrer dans la folie.

Je suis blessé. Peiné. Consterné. Interdit aussi. J’en ai peine, grand’peine à écrire à l’instant. Et je suis habité par la colère. Comme giflé par l’« abandon ». Cette mort inattendue, et certes pas inespérée… je ne la prends pas, mais pas du tout, Ducharme ! D’autant plus qu’il ne faudra surtout pas compter sur notre tout petit premier sous-ministre pour t’offrir des obsèques nationales. Toi, authen­tique pilier de notre Culture nationale. Toi, mythe… j’allais écrire : vivant.

Or, à l’instar des Claude Léveillée et autres Marcel Dubé, ces dernières années, sans compter des scien­ti­fiques comme le physicien Pierre Demers, il y a quelques mois à peine, ou un politique hors-norme comme Jacques Parizeau, presque personne ne se rend compte des trous béants que ce faisant – c’est-à‑dire ce mourant, et du bout des pieds comme pour ne déranger personne (quel silence tonitruant, un silence d’abyssale inculture, autour de toi, Réjean, à la faveur de ces derniers jours, hormis en Devoir : ça en est proprement infamant) – ces illustres citoyens de la nation des Pierre Bourgault et des Pauline Julien provoquent dans le tissu collectif.

Et pendant ce temps, bien sûr, on crie encore et encore au génie de ce « grand disparu » "montréalais" (ne l’insultons surtout pas, n’est-ce pas, en lui accolant l’épithète de Québécois) nommé Leonard Cohen ! (que j’aimais bien aussi d’ailleurs, mais là n’est pas la question). Et que dire de tous ces David Bowie (que j’appréciais également, faut pas croire…), qui eurent droit aux Unes et aux Cahiers spéciaux, des jours et des jours durant, au sein de nos médias. Or la disparition d'un Réjean Ducharme ou d’un Marcel Dubé - du granit, en fait de culture - c’est, comment dire, de la menue nouvelle.

Québécois, nous n’avons jamais été aussi colonisés que nous le sommes maintenant. Jamais. Parce que en notre temps – contrairement à nos pères et nos mères, et nos ancêtres, dominés, assujettis, exploités dans leur propre pays (dixit Félix), certes, mais lucides en leur âme et conscience – nous sommes con­vain­cus, nous, que nous ne le sommes plus… Après tout, un valet tatoué de pied en cap, et annelé par le nez comme une charolaise, ne saurait conduire une BMW et inscrire ses enfants à l’école anglaise, n’est-ce pas...?

Quel tragique aveuglement. Conséquence de l’usure du non-pouvoir.

Par ailleurs, si Gilles Vigneault avait écrit dans la langue de Bob Dylan, c’est bien trois Nobel de Litté­ra­ture qu’il aurait en poche... Fait‑on l’éloge de la qualité d’une Oeuvre, à la fin, ou bien celle de la langue de son locuteur ? S’il est anglophone. Ou mieux encore : anglolâtre.

En effet, Ducharme. Tu m’as mis en Kriss : On ne s’éclipse pas ainsi, citoyen, lorsque la Nation – cette nation auto-génocidaire heureuse – est en danger. Cette nation qui se voit trahie de son propre fond(s). Par ses propres enfants. Enfants pour qui Elvis Gratton semble incarner l’homme supérieur du XXIe siècle.

Ainsi...

Dans ce pays où simplement réclamer de la chanson française dans un café, un bistro, un centre com­mercial ou… une salle d’attente de médecin, ou un cabinet d’avocats, constitue un acte d’agression contre l’« autre », ta dérision face à tant de bêtise (aux yeux de laquelle bêtise le vocable Dignité se révèle à notre époque le plus innommable des tabous), Réjean Ducharme, valait les mille canons d’inepties de nos Philippe Pétain (mais où voyez-vous un lapsus calami, M’dame ?), de nos Jean-Marc Fournier, de nos Justin Trudeau et de nos Denis Coderre.

Régis from Kwabek n’est jamais très loin non plus, hélas. Lequel estime que plus de 90% des CDs et des DVDs acheminés à grands, très grands frais sur les rayons de la Bibliothèque de la Capitale nationalein english only, c’est faire preuve - eh oui, je vous le donne en mille - d’ouverture !!! Des budgets proprement fabuleux, à même les taxes et les impôts des Québécois, destinés à "anglaiser" systé­ma­tiquement... les citoyens-contribuables. Le Québec ? A state of USA ! Period.

(Je disais 80% il y a peu. Par souci d’objectivité, et afin d’éviter la bouf­fis­sure. Mais j’étais encore, est‑ce dieu possible, en-deça de la réalité. Hallucinant. Absolument hallucinant)

Et pendant ce temps, les films (et séries) européens de qualité sont totalement ignorés. Ou peu s’en faut. Hormis une comédie française de catégorie B. À l’occasion. Pour nourrir les franciens imbé­ciles comme moi, sans doute. Qui n’ont toujours pas compris que le Respect de Soi est une notion tota­le­ment dépassée. La nation québécoise : bientôt un cytoplasme informe, inculte et visqueux de 9 millions de Jeff Fillion ??? De quoi faire rêver nos deux premiers ministres. Soyons-en convaincus.

La question se pose, en effet : une balle dans la tête, monsieur Labeaume, ou bien la folie...? Faites vos jeux en place Jean-Béliveau, monsieur le maire. Ce grand hockeyeur de naguère, incidemment, que les brèves de TVA en sites cybernéens (plages d’écriture regorgeant de barbarismes, de solé­cismes et d'impropriétés de toutes sortes, comme si ces textes étaient rédigés par des enfants qui n’ont aucune idée du sens des mots qu’ils utilisent…) auront « épithété », encore tout récemment, et je cite, d'« homme légendaire ». Rien moins. Et pas plus tard qu’il y a quelques heures, sur le site du Journal de Montréal on lisait : « Une fillette de 3 ans sauvagement attaquée par un requin ». Bien mal éduquée, cette bête ! Si elle avait procédé avec délica­tesse, on eût certes su lui pardonner, n’est‑ce pas...?

Aussi bien écrire en mandarin, à ce compte-là. Ce serait moins gênant. Monsieur PKP, de grâce, pourriez-vous embaucher des journalistes (sic et resic) qui auraient au moins une 6e année B… Et un Secondaire III au Pupitre... Il est vrai qu’aujourd’hui un diplômé de Communication qui sait écrire, PhD compris, c’est plus rare qu’un libéral honnête. C’est dire.

Bref, revenons à nos moutons. De Panurge. Impossible d’imaginer, n’est-ce pas, monsieur Labeaume, qu’on en serait là aujourd'hui, concernant le réseau des bibliothèques de la ville de Québec (RBVQ), avec le défunt et respecté maire Jean-Paul L’Allier… 

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Réjean Ducharme, Heureux homme que tu es maintenant. De ne plus subir ce Québec autrefois fou d’intel­ligence, de création, de liberté, d’authenticité, de dignité. Et de francité. Par les lumières mêmes de plumes de ton cru, tous sens confondus. Mais fou d’Indépendance aussi. Comme tout individu normalement constitué, quoi. 

Ce Québec désormais des alimentaires québécoises (sic !) Metro (et sa filiale des Pharmacies Brunet), qui accordent priorité absolue à l’anglais sur le français dans le descriptif de leurs produits-maison (Irresistibles, Selection…) ! À l’instar de tous ces autres citoyens corporatifs de haute trahison, tels les Natrel, les Naturalizer, les Oasis (Jus Lassonde) et autres O’Sole Mio de Bois­briand (Au secours, Beau Dommage !!!). Ce Québec désormais des Jean Coutu bilinguisés à l’os pour vendre… aux Qué­bécois. Ce Québec des Robert Charlebois - ton ami, Réjean. Vraiment...? - tout empressés d’aller chanter en anglais chez les maîtres de la Servitude volontaire. À Sagard in Charles Voice.

Kriss ! Si j’avais encore vingt ans… 

Une cellule « Camille-Laurin », peut-être… ?

Ou pourquoi pas "une" « Réjean-Ducharme » !

Pour le coup, un pied-de-nez à tous les Jérôme Choquette. D’hier et, à n’en pas douter, de demain.

À tous les Pierre Elliott Trudeau, aussi. Of course.

So, just watch me ! dixit le Peuple québécois, cette fois.

Qui ne dormira tout de même pas au gaz (et aux oléoducs d’Énergie Est) encore un autre 400 ans ! Le fils de feue douce Marie Vigneault n’aura pas cette patience. Ni la santé.

Toi non plus, Ducharme. À l’évidence… 

Mais je t’aime. Tout de même. En dépit de ta désertion du Champ de bataille Et ce, depuis pas moins de 50 ans. Car tu m’auras avalé dans tes aventures dès mes dix ans bien sonnés de 1966. Grand Ogre !

 

Jean-Luc Gouin

LePeregrin@yahoo.ca
Stadaconé, 1er Septembre 2017

 

PS : Kriss... ai-je écrit d’emblée. Du haut de mon âge maintenant vénérable (ave Ferrat !), je n’ai pourtant jamais « sacré » de ma vie. J’imagine - comment dire - que ça parle en consé­quence, les amis, dans les circons­tances. Ne comptez pas sur moi, cependant, dans l’esprit de ces Soixan­tines, pour commencer la cigarette. Je préfé­rerais encore les drogues dures. Une femme magni­fique, par exemple. On peut toujours rêver. À mon âge… 

    
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