Phénomène tout récent dans notre société: l'utilisation de la
violence comme instrument de vente. Extraordinaire aberration. Les exemples sont
nombreux et exponentiellement croissants. On
connaît tous cette publicité où un banquier se voit défenestré du haut de
son prestigieux édifice. On se rappelle aussi de cette femme qui, dans une
ambiance de suspens policier, attend fébrilement son ami de coeur... un
revolver à la main (le téléspectateur constate à la fin qu'il s'agit d'un
pistolet jouet). Hélas! la sympathique Francine Ruel se voit tenue elle aussi,
par un lunetier connu et sur le refrain de la télésérie culte Mission
impossible, de transformer son sèche-cheveux (mais si! vous avez deviné)
en revolver. Une autre dame, armée comme G.I.
Jane, affronte une bête immonde dans quelque caverne perdue d’un vague
futur. Elle le terrassera assurément: il
faut savoir en effet que la bête hideuse avait mauvaise haleine. Ça ne
pardonne pas... Ou encore et encore, cette autre réclame dans laquelle une
jeune femme de B.D. (plus séduisante s'il est possible que femme de chair!) décharge
son arme sur tout ce qui bouge sur le territoire... d'une télécommande. Enfin,
qui n'a pas été «indisposé» par cette judoka qui, au nom d'une compagnie de
désodorisants, rosse furieusement les mâles qui soudainement lui pompent l'air
(sans exsuder une goutte sous aisselles, comme de bien entendu)? Rien
à faire. En subliminal, ou à peine, l'auditeur a constamment l'impression de
se faire agresser. À moins bien sûr qu'il ne s'installe lui-même par
procuration dans le rôle de l'agresseur/e, toujours vainqueur/e en vertu d'un
scénario princeps unique: «Achète ou je
te tue!» Or non suffisant qu'il soit déjà devenu pratiquement impossible
d'avoir l'occasion de regarder un film non violent à TVA ou TQS (doublé du
cauchemar des “annonces” aux neuf ou dix minutes!), en sommes-nous de surcroît
à estimer que seule la violence désormais saura convaincre la «victime» –
entendez: con à vaincre
– de «dégainer» le fric de son portefeuille??? Imbéciles
de pacifistes de tous les pays, me semble-t-il ouïr, comprenez donc à la fin
que la violence, eh bien c'est notre meilleur vendeur: «Pissez
le sang, coulera l'argent!» De
manière incidente mais certainement pas secondaire, on s'interrogera avec
grande perplexité à savoir ce que désirent véhiculer les publicistes par cet
amalgame hautement détonant: Femme + violence. On savait que la testostérone ne fait pas toujours
bonne sauce avec la matière grise au voisinage du cortex. S'agirait-il
maintenant de se venger de la femme, en laissant entendre qu'elle est au fond
aussi primaire sinon primate que son traditionnel et millénaire compagnon, hier
de dolmen aujourd’hui de lit? Bref,
dans l'univers de la commercialité – directement et sans détour ou par
association plus ou moins contournée (y compris dans la cinétique rapide et
syncopée, la chromatique vive et provocante, également le choix musical
pompier et tonitruant: Cf. cette
musique exaspérante, tout à la fois agressive et agressante, qui accompagne
une publicité récente de la Honda Civic)
– la violence est devenue monnaie presque aussi courante que la publicité même.
D'ailleurs,
ce n'est peut-être qu'une question de temps avant que ladite publicité nous
offre l'euthanasie dès la venue au monde. La souffrance est symptôme de
maladie, après tout. Elle doit donc idéalement, dans toute société qui se
respecte, être éliminée: «Épargnez-vous
la douleur de vivre. Passez Go! rendez
l’âme et trépassez sur-le-champ!» Pas chérrr, pas chérrr. Une
claque sur le museau avec ça...? Jean-Luc
Gouin Québec,
québec 9
décembre ‘00 Corollaire –. Voir si désiré Les Péripatéticiens afin d’examiner ce que pour ma part j’appelle l’autoanglodéfrancisation, autre aspect pervers de la publicité actuelle en Québécie. Langue
et commercialité ... Jean-Luc Gouin
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