La
Badloque De
Brel à Gilbert, Léo, Félix et Dor J’ai
beau connaître ‘La règle du jeu’ Et
puis Car
ils se font vieux Comme on tient maison Publié dans L'Action nationale de juin 2002 Les 3 et 4 mai derniers, sur les deux chaînes radiophoniques de Radio-Canada, l'auditoire eut droit à deux journées extraordinaires en compagnie de feu tout flamme Sylvain Lelièvre ; journées dans lesquelles en outre, tel un trou normand, se sont vues serties les deux premières heures d'une fabuleuse série de plus de 500 minutes autour de Jacques Brel. Quand un grand de la mélodite en croise un autre. Par-delà la vie, la lumière. À des années-lumières du ici-et-maintenant. Heureusement, la src sait parfois faire merveille : quand elle est désertée de l'intérieur, vraisemblablement. Ou lorsque, bien involontairement, elle oublie un instant les recommandations politiciennes et les stupéfiants budgets d’intoxication de l’État fédéral canadien. Comme quoi, et en l'occasion nos amis hindouisants ne nous désavoueraient certainement pas, on n'atteint l'essentiel, le nirvãna dis-je, qu'en faisant le vide en soi.* Sylvain, tu m'as fait très mal. Et comme je voudrais aujour'nuit te rendre hommage à la mesure de l'estime que je te porte sans faillir depuis presque trente ans (je ne connaissais pas ton labeur d'écriture avant ce fabuleux Petit matin d’album, en 1975, hormis les tendres ‘Amours anciennes’ manière Leyrac). Mais les mots, bien sûr, sont atrocement ridicules devant le néant des ‘Choses inutiles’ de l'avoir-été, et singulièrement face à ton ‘Aller simple’ après t'être pourtant entêté à ‘Venir au monde’. Je suis prostré, pétrifié, et cependant verbeux de phrases non moins inutiles, allez comprendre, au constat de ta fugue précipitée de lièvre solitaire dans le sylvain maquis. Douleur subite. Oh! Comme une gifle monumentale. D'autant plus que j'ai pris connaissance de ton « malaise » alors que je me déplaçais très précisément sur ta 8e rue, à Limoilou. Le lendemain, je me trouvais légèrement plus au sud de la même nationale capitale. Et c'est Radio-Canada derechef qui m'apprenait ton envol définitif sans autre promesse d’atterrissage. À ce moment-là, très exactement, crois-le ou non, “j'avais” l'Hôtel-Dieu de Lévis devant les yeux... Je te croyais pourtant alité et récupérant tout près d'une ‘Blouse blanche’ au chum de la métropole. Ça ne s'invente pas. A contrario de cette Québécie puissamment
impuissante, largement démissionnaire, et où la résignation tranquille est
devenue un mode d’existence – et dans laquelle matrie incidemment les fils
de ta génération ont pour la plupart abandonné le pays-à-venir pour mieux
engranger leurs pensions et calculer soigneusement leurs reers
gonflés à bloc –, toi tu faisais figure de Fidèle, de Debouteur, de
Souverain tranquille. Au reste, du haut de ta quasi sexagénie tu incarnais
l'avenir plus solidement que nombre de tit-culs de vingt ans. Parce que
l’avenir, c’est d’abord des racines. Et des racines, c’est d’abord la
fidélité. À soi, à ses idées, à ses convictions – lorsque le temps
n’en patine pas l’invulvénérable noblesse : « Y’a
pas ‘Plus beau métier’
que tenir parole », chansonnais-tu il y a peu. Mais... que fais-tu ensuite ? Eh bien, tu
t'en vas ! Comme un voleur, comme un ‘Drop-out’.
Mais Nous, maintenant, dis-moi : ‘Qu'est-ce
qu'on fera de tes rêves’...? Qu’on tende l’oreille de ‘Tombouctou’,
de ‘Place T’ian an men’
ou de ‘Quelque part dans
un bar’, que l’on ouvre
notre âme à ta voix chaude depuis ‘Old
Orchard’, Gravelbourg ou ‘Drummondville’,
‘Du nord au sud’,
‘Du bord de l'eau’,
voire d'‘Hiroshima’,
et même ‘Dans le métro’
qui nous ramènera ‘Tôt
ou tard’ vers ta ‘Basse-ville’,
nous sommes tous aujourd’hui – dans ton ‘Drôle
de pays’ – des soeurs et
des frères unis dans la sororité familiale de tes sonorités exclusives,
singulières, raffinées, et à tout jamais emballées dans l’écrin précieux
du ‘Temps des chansons’. Et si ‘Moman
[n']est [plus] là’, sa
fille ‘Marie-Hélène’,
elle, t'embrasse de ses 46 larmes (eh oui!) en s’abreuvant jusqu’à la lie,
pour une mil’ultième fois, de son ondulant et gricheux Harmonium,
de son Let it be chéri aussi,
qu’elle n’avait jamais jusque-là si bien compris. Avant de fracasser tout
de même, définitivement, les vieux vinyles. De dépit. Puisque tu nous répètes
sans cesse désormais, en écho dans ton langage codé d’outre-ici – ‘À
frais virés’ bien entendu
–, et c’est décidément trop lourd, que tu n'es ‘Plus
là pour personne’. ‘Une
fois pour toutes’. Ce
satané ‘Croque-mort à
coulisse’ est parvenu à
ses fins. À la tienne. Insupportable ‘Erreur
de calcul’. Il reste que dans mon existentiel et persistant ‘Blues
du courrier’ –
permets-moi cette faiblesse, ‘Toi
l’ami’, d’imaginer
obstinatio ‘L’Embellie’
–, je veux à compter de ce ‘Petit
matin’ de mai novembreux
espérer autre chose qu’une ‘Lettre
de Toronto’. ‘Quand même’...
Sylvain Lelièvre, 7 février 1943 - 30 avril 2002 Jean-Luc Gouin Petite-Rivière-St-François, en Charlevoix * Nonobstant, à la faveur du présent et interminable conflit de travail, l’intransigeance décidément injustifiable à la direction de la Canadian Broadcasting French. PS : Tout bien réfléchi, sais-tu, dans mon affliction je n'avais au fond vraiment ‘Rien à déclarer’. Sinon – Salut Nougaro – que « Je t'aime. Salaud ! » Quelques
références :
lundi 17 juin 2002
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