Qu'est-ce que la passion du son ? C'est d'aller voir un
spectacle et écouter le son avant la musique. Écouter voir si
tout le monde est entendu. Est-ce qu'on entend bien le
chanteur ou l'instrument qui prime ? Est-ce que le son me
détend ou est-ce qu'il m'agresse ? C'est
habituellement ce genre de question de base que se pose un «
soundman » ou preneur de son, lorsqu'il se trouve devant une
scène ou à l'écoute d'un CD.
Voici le portrait d'un passionné de son, de technologie, de
sonorisation et de musique par conséquent, un sorelois pure
laine, connu du milieu musical régional, national, et
international, puisqu'il travaille à la radio de Radio-Canada
depuis 16 ans, maintenant comme sonorisateur « senior »,
Pierre Plante.
Un peu d'histoire
Surnommé Peter, (prononcer Pééteur) par un membre du groupe
Gibraltar aux débuts des années 80, Pierre Plante a su faire
son chemin avec passion dans un métier difficile et très
exigeant. Georges Nicholson, animateur à la radio de
Radio-Canada, a dit de lui, une semaine avant l'entrevue,
qu'il était l'un des meilleurs preneurs de
son de groupe
"live" qu'il connaisse. « Et je ne vous
dis pas ça parce qu'il est votre ami, c'est vrai, il est très
bon ! », me confirmait-il.
D'ailleurs, c'est son travail que vous entendez lorsque
vous écoutez les nouvelles émissions de Christiane Charette à
la première chaîne de Radio-Canada. «
Mon grand-père Laferrière était un passionné de radio à ondes
courtes. Il fut mon premier contact avec la radio, car on
passait des soirées à écouter ça ! Il aurait sûrement été très
fier d'apprendre que je suis rendu à Radio-Canada. »,
racontait Pierre Plante.
Son intérêt pour le son a commencé à l'adolescence, alors
qu'il travaillait au Café-Théâtre, Les Beaux Instants, dont le
regretté Pierre Martin en était le directeur.
« J'étais bassiste dans ce temps-là et
je jouais un peu de musique ici et là. Je m'occupais de la
salle ainsi que de l'éclairage à l'époque, et lorsqu'il y
venait des artistes, je posais plein de questions à un
sonorisateur du nom de Landry. J'aimais l'aspect auditif et la
technologie ! »
Par la suite, il travailla à l'auditorium du Cégep de
Sorel-Tracy, et c'est justement durant l'un de ces concerts,
au Cégep, qu'il fut repêché. « Gibraltar
m'avait remarqué et j'ai vraiment commencé à faire de la
tournée, comme "soundman", avec ce super groupe local, qu'on
entend parler encore aujourd'hui et qui faisait dans le Pop-Rock Progressif. C'est à ce moment que j'ai développé un
goût pour ça. On n’était pas payé cher, mais on apprenait et
on explorait des choses. On voyait du pays et à 17-18 ans
c'était très excitant ! »
Quelques années plus tard, Pierre devait prendre le
tournant de sa vie. « J'ai dû choisir
entre une carrière de bassiste ou me diriger vers le "sound
engineering". Avec le recul, j'ai fait le bon choix. » Il
entra en « recording / engineering » à l'Institut Trebas de
Montréal. Après y avoir gradué, Plante alla travailler à
Québec faire de la sonorisation sur la Place Royale pour des
événements organisés par le ministère des affaires
culturelles.
Il décida par la suite de revenir au Cégep de Sorel-Tracy
afin de compléter un DEC en électronique.
« J'ai donc recommencé à travailler pour
Azimut et aussi pour l'auditorium du Cégep. Tout en
poursuivant mes études, je tournais aussi avec un groupe de
jazz de Québec qui s'appelait « Contrevent », qui m'a amené à
St Pierre et Miquelon et en Louisiane. Puis, j'ai terminé mon
DEC au cégep de Maisonneuve à Montréal en télécommunications.
Deux copines de Cégep, qui travaillaient à la SRC comme
auxiliaires, réussirent à me convaincre de remplir un
formulaire d'emploi pour Radio-Canada, tout en ayant la
certitude que ce rêve était impossible pour moi. Par un hasard
extraordinaire, j'ai passé une entrevue pour eux, et en
remettant mes travaux de fin d'année au Cégep, je venais
d'apprendre que j'entrais à Radio-Canada, le 3 juin 1991. J'ai
eu une semaine entre la fin de mes cours et le début de mon
travail. On appelle ça, des études payantes ! »,
racontait Pierre avec humour.
Il fit ses débuts comme appariteur, qui est en fait
l'assistant du technicien de son. « J'ai
appris beaucoup parce que je me suis retrouvé à travailler sur
tous les gros shows de radio. J'ai donc appris avec les
meilleurs et les plus expérimentés. Environ sept ans plus
tard, je suis devenu sonorisateur chef, ou "sound engineer",
et je travaille beaucoup ici, au studio 12 de la SRC (Société
Radio-Canada) et son système d'acoustique variable. Un
technicien senior c'est un chef d'équipe qui doit connaître
tout le fonctionnement audio, autant en sonorisation, en prise
de son, en diffusion, en passant par les moniteurs de scène.
Ça donne une vision d'ensemble, et importante particulièrement
dans le choix des micros. »
L'un des aspects intéressants selon lui, c'est de
travailler avec de la technologie de pointe.
« C'est une chance extraordinaire
d'avoir un environnement de travail à la fine pointe, et de
travailler pour un employeur qui veut suivre la technologie
aussi, c'est pas toujours comme ça partout. C'est à mon avis,
ce qui donne une particularité unique au son de Radio-Canada. »
Ses influences :
« J'ai travaillé beaucoup avec Denis
Leclerc, j'ai été son adjoint pendant longtemps. Je peux dire
que j'ai un peu la même facture sonore que lui. Avec Leclerc,
il y avait Michel
Larivière aussi. C'était deux grands chums
qui ont débroussaillé le côté POP de la SRC en les amenant à
s'intéresser, et à s'équiper en conséquence. Alors, c'est
probablement pour ça que je fais essentiellement du JAZZ et un
peu de POP. »
Ses réalisations :
« Ma première captation fut avec un
groupe de musique klezmer (musique juive) de Boston, et par un
hasard, il y a une des pièces que j'ai enregistré qui s'est
ramassé sur une anthologie de la musique klezmer de l'EST des
USA. J'ai reçu une copie de ce disque deux ans plus tard. J'ai
commencé à travailler au studio 12 plus régulièrement à partir
de 98, avec l'émission Jazz Beat sur le réseau CBC, c'est moi
qui captais ça ! »
Il faut savoir aussi qu'une grande partie du travail de
Pierre consiste à travailler en studio et faire de
l'enregistrement d'album ou de démo. «
Je dirais que 50% d'utilisation du studio 12 maintenant est en
location. Les gens sortent d'ici avec un démo ou carrément un
produit pour réaliser un disque. Je fais de 4 à 6 projets
d'albums par année, pour une compagnie de disque identifié au
JAZZ, Effendi Records. Par exemple, dans deux mois on sort le
prochain François Bourassa qui a été enregistré ici en juin
dernier. J'avais enregistré l'album précédent de Bourassa, "Indefinite
Time", et nous avions gagné le FÉLIX de "l'album de l'année
JAZZ" en 2004.»
« En 2005, j'ai été nominé dans la
catégorie ingénieur de l'année pour l'album de " Michel Donato
et ses amis européens VOL I". Cette année, j'avais trois
disques en nomination dans la catégorie JAZZ dont Joël Miller
(Effendi record). Jean-Pierrre Zanella était en nomination aux
Juno's Awards ainsi qu'à l'Adisq, et on a gagné un prix OPUS
album jazz de l'année. Le calibre de jazz au Québec est très
fort. J'ai travaillé avec Carquois, Malajube au Spectrum lors
du 5e anniversaire de Bande à part, Buddy Guy au Métropolis,
il y a quelques semaines, 3 concerts de Pat Metheny au
Spectrum, Yann Perreault et plein d'autres. »
Pierre Plante expliquait qu'il avait un meilleur contact
avec les artistes du temps qu'il était adjoint, puisque son
travail se passait sur scène, directement avec les artistes,
alors que maintenant c'est plutôt derrière une console de son
que se réalise la majeure partie de son travail.
« C'est moi qui branchais les
instruments et plaçais les micros des artistes. J'ai rencontré
des grands noms du blues et du jazz comme : John Scofield, Joe
Levano, Sonny Rollins, au théâtre Maisonneuve à l'époque.
Étant devenu preneur de son, je suis derrière une
console ou dans mon mobile bien plus en contact avec le
producteur qu'avec l'artiste. »
Une passion
À 42 ans, Pierre Plante est aujourd'hui père d'un garçon de
4 ans, Henri, et habite dans le vieux Rosemont, à Montréal,
avec sa conjointe Sylvie Lavoie, une ontarienne de Sudbury. Il
a choisi un parcours moins "glamour", croit-il, alors que ses
amis ont plutôt opté pour des tournées avec des artistes et
voyager. « J'ai choisi une qualité de
vie qui est autrement différente que ces gens-là. »
« Maintenant, c'est moi qui donne de
la formation pour la console ici et je suis consulté, avec
d'autres techniciens lorsqu'on a besoin d'acheter de
l'équipement ou de soumissionner sur des projets de
rénovations, ou pour assister à des SALONS qui nous présentent
les dernières nouveautés. »
Une chose est sûre, c'est que c'est le même Pierre Plante
aussi énergique et travaillant que j'avais rencontré, il y a
plus de vingt ans, et son amour pour le son et la technologie
est toujours aussi présent !