jeudi 03 octobre 2013
Dossier de la
taxe scolaire
« Le
torchon brûle entre les
commissions scolaires et la
première ministre Marois »
- Denis
Rajotte, président de la
Commission scolaire de
Sorel-Tracy
Par Hélène Goulet
C’est avec
beaucoup d’émotivité que le
président de la Commission
scolaire de Sorel-Tracy, Denis
Rajotte, et le directeur
général Michel Lefebvre ont
réagi, jeudi matin, aux propos
de la première ministre Pauline
Marois, qui aurait soutenu
récemment que les commissions
scolaires « n’avaient pas fait
leur travail » et qu’elles
devaient « refaire leurs
devoirs » afin de présenter des
alternatives au gouvernement du
Québec dans le dossier de la
taxe scolaire.

Michel
Lefebvre et Denis Rajotte
Cette sortie publique survient
au moment où Mme Marois et la
ministre de l’Éducation, du
Loisir et du Sport, Marie
Malavoy, ont annoncé, le 1er
octobre, que les commissions
scolaires devront diminuer de
100 millions de dollars les
taxes scolaires au cours des
deux prochaines années.
Selon M.
Lefebvre, par ses propos, Mme
Marois a ainsi sous-entendu que
les commissions scolaires
auraient dû envisager de
diminuer leurs dépenses de
nature administrative et de
puiser dans leurs surplus
cumulés avant de « refiler » la
facture aux contribuables.
« Nous souhaitons
rétablir les faits par rapport à
ce qui est véhiculé », a déclaré
M. Lefebvre, qui, d’entrée de
jeu, a soutenu que la CS de
Sorel-Tracy, au contraire, a
bien fait ses devoirs.
Le directeur a
d’abord précisé que
l’augmentation du compte de
taxes scolaires qu’ont dû subir
les contribuables est
directement reliée à la décision
du gouvernement d’éliminer la
péréquation à laquelle la CS
avait droit jusqu’à l’année
dernière. Cette péréquation
était remise aux CS pour éviter
que le compte de taxes augmente
au même rythme que l’évaluation
foncière. En coupant cette
péréquation, la CS de
Sorel-Tracy a dû faire face à un
manque à gagner de 1,8 M$.
Avant cette
mesure, la mise sur pied d’un
plan de redressement mis de
l’avant entre 2004 et 2007 avait
déjà permis à la direction de la
CS de Sorel-Tracy de mettre en
œuvre diverses mesures de
réduction des dépenses de nature
administrative. Puis, en 2010,
la Loi 100 a imposé aux CS une
cible de réduction des effectifs
d’au minimum 10 %. Cette
réduction a atteint 11,7 % à
Sorel-Tracy, la CS ayant eu à
procéder à la coupure d’une
vingtaine de postes, ce qui est
énorme pour l’organisation
locale, fait remarquer M.
Lefebvre.
Depuis 2010, les
compressions budgétaires de la
CS se chiffrent donc à 4,6 M$,
incluant le retrait de la
péréquation. Ces compressions
ont été axées selon les
orientations retenues par les
commissaires, à savoir la
réduction du soutien
administratif aux écoles,
l’augmentation des tarifs pour
certains services non
obligatoires (transport et
surveillance le midi, etc.),
ainsi que l’augmentation du
compte de taxes scolaires en
préconisant une tarification
uniformisée pour l’ensemble des
municipalités du territoire
desservi.
Malgré tout, le
directeur général estime que son
organisation a été proactive en
mettant sur pied un comité de
travail dont le mandat est
d’optimiser les ressources
actuellement disponibles et
d’explorer diverses avenues
visant à diminuer au maximum les
dépenses, sans toutefois toucher
aux services directs dispensés
aux élèves en difficulté, qui
représentent à eux seuls un
montant de 800 000 $. « Nous
avons malgré tout dû faire des
choix déchirants », a déclaré M.
Lefebvre, qui se dit secoué et
outré que la première ministre
Marois puisse laisser entendre
« qu’on n’a pas fait nos
devoirs ». Au contraire, le
citron est pressé au maximum »,
croit-il.
Tout cela, dans
un contexte où le nombre
d’élèves global fréquentant les
écoles de la CS est en constante
diminution, mais où,
paradoxalement, le nombre
d’élèves en difficulté,
nécessitant plus de services
directs, est pour sa part en
augmentation. Rappelons que les
CS reçoivent leur financement au
prorata du nombre d’élèves.
Si la CS devait
rembourser la moitié de la
subvention de la péréquation
qu’elle s’est vue retirer par le
gouvernement du Québec, cela
équivaudrait à un crédit de
taxes de l’ordre de 900 000 $,
ce qui porterait le déficit de
la CS à 829 640 $. « C’est
impossible de remettre cet
argent à moins que le
gouvernement nous finance ! »
estime le président Denis
Rajotte.
Certains diront
par ailleurs que le surplus
accumulé de la CS est
considérable. Et, selon M.
Lefebvre, ce surplus s’élève
effectivement de 8,9 M$. Mais
a-t-il précisé, la
quasi-totalité de cette somme
est « gelée », étant constituée
de montants réservés à diverses
fins (provisions retenues
obligatoirement pour avantages
sociaux à venir) ou représentant
des valeurs immobilières. Au
bout du compte, les états
financiers laissent finalement
entrevoir un surplus libre de
93 035 $, une somme qualifiée de
risible par rapport au manque à
gagner et aux besoins réels et
criants des milieux.
M. Rajotte estime
pour sa part que le gel des
surplus accumulés des CS
constitue un choix politique du
gouvernement qui permet à ce
dernier de pouvoir emprunter et
maintenir sa cote de crédit.
Selon M. Rajotte,
Mme Marois a fait une erreur qui
a provoqué une levée de
boucliers de la part des CS.
« Le torchon brûle entre les
commissions scolaires et la
première ministre », a-t-il
déclaré. « Les présidents sont
indignés de la façon dont Mme
Marois traite les CS », a-t-il
fait remarquer.
Le gouvernement
envisagerait la disparition des
CS
La semaine
dernière, les médias nationaux
rapportaient une rumeur à
l’effet que le gouvernement
Marois envisagerait la
dissolution des commissions
scolaires, comme l’avait fait à
l’époque l’Action démocratique
du Québec (ADQ). Selon les
observateurs, il pourrait s’agit
d’une manœuvre populiste
permettant de mettre la table
pour d’éventuelles élections
hâtives.
En réponse à
cette rumeur, MM Rajotte et
Lefebvre rappellent que la CS
donne des services sur
l’ensemble du territoire, que ce
soit le transport scolaire,
l’engagement de personnel, la
gestion des taxes, l’entretien
des bâtiments, la répartition du
personnel professionnel,
l’administration du réseau
informatique, etc. « Si le
centre administratif fermait
demain, qui donnerait ces
services ? » ont-ils lancé. Les
deux hommes estiment qu’à
l’heure actuelle, les CS sont
les mieux placées pour connaître
les besoins sur leur territoire
respectif. Ils craignent que
leur dissolution et l’apparition
de structures plus lointaines
n’apportent tout simplement
qu’une perte d’efficacité. Plus
la structure est loin, moins
elle connaît les véritables
besoins, craignent-ils. De plus,
que ce soit une structure ou une
autre, les gens auront à payer
les mêmes taxes, préviennent-ils
également. Selon M. Rajotte, les
taxes scolaires payées par les
contribuables représentent un
milliard et six cents millions
de dollars. « Le ministère le
prendra où, cet argent, vous
croyez ? »
Précisons enfin
que le budget annuel de la
Commission scolaire de
Sorel-Tracy est de 64 M$. Avec
environ 1 200 employés, incluant
les surnuméraires et employés à
temps partiel, il s’agit du 3e
plus gros employeur de la
région.
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