vendredi 19 janvier 2018
L’art visuel sous toutes
ses formes: des artistes et des
oeuvres à découvrir
Par Catherine Doyon
Avec le temps, nous apprenons à
apprécier certaines choses qui
sont difficilement appréciables
au premier coup d’oeil. C’est
souvent en analysant l’objet en
profondeur qu’il nous est
profitable. En art, les limites
du possible ont été repoussées
plus d’une fois et donnent à
voir des oeuvres qui, de prime
abord, parfois, ne semblent pas
exceptionnelles, mais cachent un
sens ou un imaginaire qui est
imperceptible.
Au cours des deux dernières
années, j’ai pu apprendre à
apprécier l’art et sa
complexité. J’ai pu apprendre à,
certes, ne pas la comprendre
totalement, mais à
l’apprivoiser. Je vous présente
quelques oeuvres qui ont
réellement marqué mon parcours
artistique et m’ont inspiré sur
plusieurs pans de ma vie,
certaines d’entre elles vous
paraîtront simplement étranges,
mais j’espère pouvoir vous les
faire apprécier comme je les
apprécie aujourd’hui.
David
Altmejd - Le spectre et la main
: Exposition 2015, Plexiglas,
noix de coco, argile époxy,
résine époxy, fil, résine, fil
de métal, crin de cheval et
acrylique Musée d’art
contemporain, Montréal
David Altmejd - Le spectre
et la main
Curieux mélange de sculpture, de
gravure, de peinture, de tissage
et de collage, les oeuvres d’Altmejd
ne laissent pas indifférent. Cet
artiste, qui présenta son
exposition « Flux » au Musée des
Arts contemporains de Montréal,
en 2015, nous transporte dans un
monde bien à lui, peuplé de
personnages étranges et de
sculptures plus grandes que
nature. Si vous devez voir une
exposition, c’est bien celle-ci.
L’artiste exploite le concept de
régénération et de
transformation en utilisant des
thèmes fantastiques qui
toutefois ne pourraient pas être
plus près de l’être humain.
L’exposition « Flux » entre
autres, présentait des figures
de loups-garous en pleine
transformation ainsi que des
visages déformés regorgeant de
cristaux et de pierres. Il
utilisera la récupération au
coeur de ses oeuvres, se servant
notamment de résine, de noix de
coco, de crin de cheval et
d’argile.
Des panneaux de vitre aux quatre
coins de la pièce donnent
l’impression d’un retour sur
soi-même constant, l’on se perd
rapidement dans cette immense
exposition ou les matériaux sont
mélangés avec brio. Fourrure,
pierres, ver, miroir, fruits,
etc… Altmejd utilisera tout ce
qu’il a sous la main pour créer
un environnement à la fois
féérique et sombre, fascinant et
effrayant, morbide mais
tellement vivant.
« La
noix de coco est comme une
semence, ou un œuf, ou même une
tête. Et il y a un espace à
l’intérieur. J’ai donc le
sentiment qu’elle rappelle
plusieurs formes qui sont
présentes dans mon travail. Et
c’est une manière d’intégrer de
l’humour. C’est une sorte de
slapstick ou de farce. On peut
en voir tomber une sur la tête
de quelqu’un et cette personne
n’en mourra pas, mais sera tout
juste étourdie. Il y a quelque
chose de la bande dessinée dans
la noix de coco, quelque chose
qui rappelle le singe. Et elle a
aussi quelque chose de sérieux,
qui donne presque la chair de
poule, quelque chose d’étrange.
» - David Altmejd
Robert
Mapplethorpe - Untitled (X) :
Vers 1965-1975, Transfert
d’image avec gel acrylique et
peinture sur toile J. Paul Geyy
et Los Angeles County Museum of
Art, Los Angeles
Robert Mapplethorpe - Untitled X
Il m’a été difficile de choisir
parmi les nombreuses oeuvres de
Mapplethorpe parce qu’elles ont
toutes quelque chose
d’intéressant qui reformule la
définition d’art visuel à
proprement parler. En effet, cet
artiste multidisciplinaire est
d’abord reconnu comme
photographe pour ses oeuvres
sadomasochistes dédiées à un
public homosexuel. L’artiste
fait toutefois abstraction que
ce sont des photographies à
caractère sexuel; pour lui, il
n’y a aucune différence entre
ces clichés et ceux d’objets
vides de vie ou de chaleur.
L’oeuvre que j’ai choisie n’est
toutefois pas une photographie.
C’est un collage, inspiré du «
pop-art » en vogue dans les
années 1950, effectué à partir
d’illustrations de revues
pornographiques homosexuelles.
Il effectuera une récupération
de la pornographie commerciale
visant à l’apporter plus près
des arts visuels. L’artiste
fracture les frontières du tabou
afin de rapprocher des
beaux-arts quelque chose qui
n’en faisait autrefois
absolument pas parties.
«
La photographie ne crée pas,
comme l’art, de l’éternité. Elle
embaume le temps, elle le
soustrait seulement à sa propre
corruption » - André
Bazin
René
Magritte - La trahison des
images [Ceci n’est pas une pipe]
1929 Huile sur toile, Los
Angeles County Museum of Art,
Los Angeles
René Magritte - La
trahison des images
Le but premier de Magritte avec
cette oeuvre, qui rend le
spectateur fort perplexe, est de
montrer que peu importe la
représentation, qu’elle soit la
plus réaliste possible ou non,
l’image d’un objet n’est pas
l’objet en tant que tel. Son
tableau « La trahison des images
» est la représentation d’une
pipe et non la pipe en tant
qu’objet propre, elle ne pourra
être ni bourrée, ni fumée, ni
portée à la main.
L’artiste développe un discours
exhaustif sur le rapport entre
l’objet et sa représentation
dans plusieurs autres tableaux
dont, de la même série, « Ceci
n’est pas une pomme » qui suit
le même concept. L’oeuvre que je
vous présente, associée au
mouvement surréaliste, est celle
qui fera le plus connaître
l’artiste.
Marcel
Duchamp - Fontaine : D’après
l’original perdu de 1917,
Faïence blanche recouverte de
glaçure céramique et de peinture
Galleria nazionale d'arte
moderna e contemporanea, Rome
Marcel Duchamp -
Fontaine
Marcel Duchamp est un artiste
qui remettra en question le
concept d’oeuvre d’art en créant
des « sculptures » qu’il
qualifiera de « Ready-Made ». Il
se demandera s’il est possible
de faire des oeuvres qui ne sont
pas d ‘« art » en utilisant des
objets de tous les jours et les
plaçant simplement sur une
plateforme surélevée pour se
contenter de les signer. Les «
Ready-Made » de Duchamp
soulèveront beaucoup de
questionnements dans le domaine
artistique puisque l’objet n’est
pas créé par l’artiste lui-même.
Il s’appropriera des objets déjà
complètement construits, usinés.
L’on définira finalement l’oeuvre
de Duchamp comme art conceptuel
et c’est en 1917 qu’il créa «
Fontaine », représentée
ci-dessous. Toutefois, celle-ci
n’est pas l’originale
puisqu’elle n’a jamais été
exposée suite à sa soumission à
la Society for Indépendant
Artists. L’objet déclenche alors
une trop grosse polémique est
est immédiatement rejeté.
Ariana Page
Russell - Index - 2005 C-print
Ariana Russel - Index
Ariana Page Russel est une
artiste Étas-Unienne qui souffre
de dermographie, forme
extrêmement rare d’urticaire qui
fait rougir et gonfler la peau
simplement lorsqu’on la frôle.
L’artiste décide d’utiliser
cette maladie inconfortable au
service de l’art et crée des
oeuvres sur sa propre peau. Il
faut savoir qu’elle ne s’inflige
absolument aucune douleur lors
du processus. Afin de mieux
accepter sa maladie, Ariana
transforme son propre corps en
une immense toile et utilise une
aiguille à tricoter qu’elle
frotte sur la surface de la peau
en guise de pinceau.
L’artiste formera un groupe de
soutien nommé « SkinTome » afin
de mieux connaître et comprendre
la dermographie et son processus
d’acceptation. Son art est un
hybride entre la scarification,
le tatouage et les beaux-arts.
Can
Pekdemir - Untitled 1, Portfolio
« Fur » - 70 x 70, Archival
pigment print - 2011
Can Pekdemir - Untitled
1
Artiste visuel provenant
d’Istanbul, Can Pekdemir se
spécialise dans la
reconstruction et déconstruction
du corps humain. Ses oeuvres
déforment le corps en altérant
leurs conditions physiques de
manière excessivement
dérangeante. Il traitera ses
tableaux comme des sujets
virtuels à étudier, cherchant à
voir comment réagirait le corps
humain sous différents
changements radicaux du monde
qui nous entoure.
Il créera notamment deux grands
portfolios nommés « Fur » & «
System Structure » où il
étudiera le système pileux
humain ainsi que la formation
des os et de la chair. Certaines
de ses oeuvres sont parfois
glauques aux yeux du spectateur,
il faut toutefois rappeler que
l’artiste les voit comme des
expérimentations virtuelles sur
l’évolution du corps.
« The
form of the bodies, the organs,
the skeletal and the muscular
system we and other living forms
have in common is in a
relationship with the
environmental conditions by
which we are surrounded. We are
surrounded by physical impacts
to which we are already adapted,
like gravity, pressure or
temperature. As method, I am
willing to observe and document
the deformation of bodily forms
while these forces are being
altered as one method. »
- Can Pekdemir
Si ces artistes visuels vous ont
intéressé n’hésitez pas à
visiter les sites web suivants
pour en apprendre d’avantage ou
visualiser d’autres oeuvres
époustouflantes!
David Altmejd:
http://www.davidaltmejd.com
Robert Mapplethorpe:
http://www.mapplethorpe.org
René Magritte:
https://www.renemagritte.org
Marcel Duchamp:
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Duchamp/ENS-duchamp.htm#oeuvre
Ariana Russel:
http://arianapagerussell.com
Can Pekdemir:
https://can-pekdemir.com/ |