Cri du
cœur d’un motocycliste


Par Stéphane Martin,
lundi 18 juin 2018
Un motocycliste de la région de
Sorel-Tracy, Vincent Bergeron, a
lancé un cri du cœur sur les
réseaux sociaux suite à un
accident vécu à Contrecoeur le
weekend dernier. Vincent
Bergeron est co-propriétaire du
Théâtre du Chenal-du-Moine et
ancien animateur à la radio CJSO
de Sorel-Tracy.
Dans une publication partagée à
maintes reprises sur Facebook,
Monsieur Bergeron en appelle à
la prudence des automobilistes
et remet en question le geste
posé par celle qui serait à
l’origine de l’accident déploré
le 16 juin dernier.
Voici l’intégralité du texte :
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16 juin
2018, la journée où j’ai failli
mourir.
Chère
madame.
En
psychologie, il y a une thérapie
qui consiste à écrire sur un
papier ce qui nous ronge
l’esprit et ensuite de le
déchirer pour tenter de libérer
ce mal.
C’est
dans cette optique que je vous
écris.
Mais
contrairement à la thérapie, je
ne déchirerai pas le papier. Je
vais le publier. Parce que
j’espère au plus profond de mon
être que vous lirez mon texte ou
qu’une personne qui vous connait
vous le relaiera.
J’ai
une énorme colère. Je ne
comprends pas votre geste. Je
vais rétablir la séquence des
événements pour que nous nous le
rappelions vous et moi.
Le 16
juin 2018, vers 16h20, je suis à
moto sur la 132 à Contrecoeur.
Avec moi, une jeune adolescente
de 14 ans fait sa toute première
balade de moto.
La
balade tire à sa fin. J’allume
mon clignotant droit pour
signaler que je vais tourner
dans la rue où habite
l’adolescente. C’est là que
notre destin s’est croisé.
Pour
une raison que j’ignore, vous
avez décidé de me dépasser, par
la droite, sur la voie
d’accotement (ou la piste
cyclable). Au moment de tourner
sur la rue, je ne me suis jamais
rendu. Vous m’avez happé de
plein fouet.
Bruits
sourds, glissade, asphalte
brûlant… c’est tout ce dont je
me souviens.
Je ne
comprends pas votre manœuvre.
J’ai beau réfléchir, trouver une
raison valable pour ce geste. Je
n’en trouve tout simplement pas.
Pourquoi avez-vous fait ça?
Pourquoi?
Vous
avez délibérément pris la
décision de me dépasser par la
droite. Vous n’étiez ni droguée,
ni intoxiquée par l’alcool. Vous
aviez vu mon clignotant, c’est
vous même qui l’avez dit aux
policiers.
Est-ce
que vous savez qu’une moto est
plus vulnérable à des décisions
des automobilistes comme vous
avez prises? Vous ne sembliez
pas être une personne dépourvue
d’intelligence, alors j’ose
croire que vous le saviez.
Mais
pourquoi avez-vous fait ça?
Pourquoi?
Est-ce
que vous le saviez qu’en faisant
ce dépassement illégal, vous
risquiez, d’un même coup,
d’enlever à trois magnifiques
enfants leur père et à une
famille soudée et unie une
fille, une sœur et une
petite-fille chérie et aimée?
Vous
êtes vous-même une grand-mère,
j’en suis convaincu. Peut-être
même une arrière-grand-mère, mes
souvenirs de vous étant flous,
mais tout de même plausibles.
Mais
pourquoi avez-vous fait ça? Mais
pourquoi?
Vous
êtes chanceuse, car ni
l’adolescente ni moi n’avons eu
des conséquences graves de votre
inconscience… mais ça aurait pu
très facilement être le
contraire. Nous avons tous les
trois été d’une chance inouïe.
Mon
poignet est en compote. Je suis
programmeur, j’ai besoin que mes
deux mains soient en pleine
forme. Vous, à la retraite
avancée, n’aviez pas conscience
que vous risquiez peut-être la
vie professionnelle d’une autre
personne en faisant ça?
La
jeune adolescente a des
lacérations aux jambes et aux
bras. Un peu d’esthétique, me
direz-vous, mais remerciez le
ciel qu’il n’en soit qu’ainsi.
Rien de plus triste qu’une jeune
vie gâchée.
Mais
pourquoi, madame, pourquoi
avez-vous fait ça? Mais
pourquoi?
Les
ballades en moto étaient pour ma
blonde et moi un moment de
bonheur, de détente et de
rapprochement. Nous anticipions
ces moments chaque semaine. Je
parle au passé, malheureusement,
car je n’ai plus de moto pour me
balader. Pire encore, je ne sais
pas si j’ai encore envie d’en
faire. Je n’ai plus le goût de
risquer de vous rencontrer
encore une fois sur la route.
Parce que peut-être que cette
fois-là, les conséquences seront
très différentes pour vous et
pour moi.
Je suis
une personne qui tente de
trouver explication à tout ce
qui m’arrive. Ça permet de
réfléchir, d’évaluer et de
devenir une meilleure personne.
Ce qui me fâche, ce qui me ronge
de colère, c’est de ne pas
trouver cette explication. De ne
pas pouvoir trouver une seule
raison valable à votre décision.
Si vous
avez pensé que c’était une bonne
manœuvre à faire, s’il vous
plaît, faites-nous tous une
faveur. Allez repasser des
examens de conduite, allez
chercher une mise à niveau de
vos aptitudes… s’il vous plait.
Vous ne pouvez pas rester sans
rien faire, bien pénarde dans
votre chaise berçante. Si vous
voulez racheter à la société
votre gaffe, allez parfaire vos
connaissances.
La
chance nous a tous souri le
samedi 16 juin 2018. Faites en
sorte que la chance ne tourne
pas.
Vincent
Bergeron
PS :
J’espère qu’a chaque 16 juin,
vous aurez une pensée pour
l’adolescente et moi. Parce que,
croyez-moi, madame, j’en aurai
une toute spéciale pour vous.
Vous aurez changé ma vie à
jamais.
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