L’intérêt de ce texte
d’opinion est de partager
publiquement les inquiétudes et
les préoccupations relatives au
projet d’expansion du port de
Montréal à Contrecoeur. La
construction et l’exploitation
de ce terminal auront des
impacts significativement élevés
sur la santé des citoyens et
citoyennes ainsi que sur celle
des écosystèmes connectés au
fleuve, incluant de nombreuses
espèces végétales et animales
menacées par ce projet.
Mes observations portent
essentiellement sur les lacunes
sévissant au niveau de la
transparence de l’APM vis-à-vis
la population, particulièrement
en ce qui a trait au rapport
d’évaluation environnemental
publié à ce sujet.
Que vous soyez
citoyens/citoyennes de
Contrecoeur ou non, si vous êtes
préoccupé(e)s face aux enjeux et
impacts environnementaux
relatifs au projet et que vous
voulez en savoir davantage,
l’information est difficilement
accessible. Après un certain
moment de recherche, il est
possible de trouver le rapport
d’évaluation environnementale
disponible dans l’un des onglets
sur le site web de l’APM. Si
vous êtes intéressé(e)s à
consulter ce rapport, attachez
votre tuque, il contient un
total de 889 pages. Sur près de
900 pages, 250 pages portent
réellement sur l’analyse des
impacts.
Le reste porte
essentiellement sur la
présentation de l’organisation
et du projet en incluant des
notions relatives au contexte
physique et humain, avec un bon
nombre de justifications. Je
résume ça grossièrement, mais le
point à soulever est que pour un
citoyen ou une citoyenne voulant
s’informer concrètement (et
simplement!) des impacts et
risques relatifs au projet,
c’est assez compliqué!
Il faut d’abord vouloir
questionner les retombées
(économiques, sociales et
environnementales) du projet
malgré les nombreux efforts
investis pour convaincre la
population qu’il n’en ressortira
que des points positifs. Il faut
ensuite avoir du temps et de
l’énergie pour rechercher la
documentation détaillée portant
sur les impacts. Il faut ensuite
ne pas abandonner devant un
rapport de 900 pages, et il faut
en plus essayer de comprendre
les nombreux termes et concepts
employés pour justifier les
critères d’évaluation utilisés
tout au long du processus. Rien
que de chercher la section
‘’analyse d’impacts’’ dans le
rapport, j’ai eu le temps de
vouloir lâcher prise. L’analyse
d’impacts porte sur le milieu
physique, le milieu biologique
et le milieu humain. Un volet de
cette analyse porte sur les
préoccupations des peuples
autochtones.
En ce qui me concerne, en
tant que biologiste et
présentement étudiante à la
maîtrise en sciences de
l’environnement, j’étais
particulièrement intriguée par
l’analyse d’impacts sur le
milieu biologique. Pour tous les
types d’analyses, les sections
comportent une énorme quantité
de tableaux et de paragraphes.
C’est facile de s’y perdre. Afin
de présenter les divers niveaux
d’importance relatifs à chaque
impact, le rapport utilise des
tableaux nommés Bilans
d’impacts dans lesquels sont
évalués les différents enjeux à
l’étude.
L’évaluation est réalisée selon
des indicateurs tels que la
valeur environnementale du sujet
impacté (ex. : poissons,
oiseaux) et le degré de
perturbation de la phase
(construction ou exploitation).
Les niveaux d’importance de
l’impact sont définis par des
critères qualificatifs : très
élevé, élevé, moyen, faible. Si
vous prenez, par exemple, la
valeur environnementale et que
vous voulez savoir sur quoi se
basent les critères d’évaluation
de la valeur, vous devez aller
chercher plus loin (ou moins
loin, je ne sais plus, je me
suis perdue dans les sections)
pour consulter les barèmes
définissant les niveaux de
valeurs. Ces valeurs sont
établies en partie selon une
approche d’analyse
socio-économique.
Autrement dit, si la
perchaude n’est pas (encore) en
voie de disparition et qu’elle
ne possède pas une valeur
marchande élevée, on s’en tape.
L’espèce n’est pas importante
d’un point de vue économique
alors la valeur environnementale
sera faible. Si le père de mon
voisin part avec sa chaloupe
quelques fois pendant l’été pour
amener ses petits-enfants sur le
fleuve et qu’ils aiment pêcher
la perchaude, est-ce que ça
compte? Si la perchaude a une
valeur intrinsèquement liée à
l’équilibre de l’écosystème,
est-ce que ça compte? « Peu
importe, de toute façon, on a
des mesures d’atténuation! On va
subventionner des organismes de
recherche, on va relocaliser des
zones de productivité, on va
diminuer nos activités pendant
une période de reproduction… »
Et après, le fait de proposer
des mesures d’atténuation,
supposément miraculeuses, leur
donne le droit d’inscrire la
valeur ‘’faible’’ dans leur
tableau Bilans d’impacts.
De cette façon, en
subventionnant un organisme qui
étudiera éventuellement l’impact
désastreux du passage de
centaines de bateaux à proximité
des îles de Contrecoeur, ils
peuvent affirmer que leur niveau
d’impact est devenu négligeable.
C’est moi ou bien on se fait
complètement manipuler? Dans
tous les cas, que ce soit fondé
ou non, il y a un manque
flagrant de transparence envers
les citoyens et les citoyennes.
Ce projet mérite
vraisemblablement une
médiatisation adéquate, une
réelle consultation publique
basée sur des processus
informatifs concrets ainsi
qu’une évaluation
environnementale d’une portée
beaucoup plus élevée, voire une
évaluation du Bureau d’audiences
publiques sur l’environnement
comme la loi le prévoit
normalement.
Laurie-Anne Dansereau
Citoyenne de Contrecoeur