La pensée magique diminue avec
l’âge
Mardi 22 juin
2010
Je viens
d’attraper un rhume. Un rhume
d’été, vous savez ?
Définition de
rhume d’été : une sorte de
grippe d’homme qui peut attaquer
également les femmes. Ce rhume
survient durant la belle saison,
au moment où on pense être
complètement immunisé grâce à la
chaleur et au soleil. C’est
pourquoi ça semble frapper plus
fort, d’où l’allusion à la
grippe d’homme, toujours
apocalyptique chez le mâle qui
en est affligé.
Bref, un rhume
tout bête qui, du temps de ma
jeunesse, n’aurait pas fait un
pli sur ma différence.
Mais là, j’ai
attrapé ce rhume après avoir
fait une randonnée en vélo,
activité tout à fait
politiquement correcte en vertu
des standards de la santé
physique.
Bon, c’est vrai
que j’en ai bavé à cause du vent
et des côtes - oui, il y a des
côtes dans la région pour les
gens comme moi qui ne sont pas
trop vélo-freak. Pour tout vous
dire, j’ahanais à la queue du
peloton…. Non, soyons franche, en
arrière de la queue du
peloton. Ce n’est jamais dans
l’activité sportive que je
m’illustre le plus.
Bizarre, je ne
tombe pas souvent malade quand
je fais des foleries…
seulement quand je fais de
l’activité physique…
Tout ça pour dire
que plus on avance dans la vie,
plus les petits bobos commencent
à vous faire peur. Comment ça
se fait que j’ai attrapé un
rhume, hein ? Comment ça se
fait qu’un matin, en me
réveillant, j’ai un doigt
engourdi, ou j’ai un mal de
tête, moi qui n’ai jamais mal à
la tête ?
Comment ça se
fait que j’ai des fois une
douleur en-dessous de l’aisselle
? (panique, là)
Comment ça se
fait que j’ai un bouton sur
l’oreille ? Ai-je contracté un
cancer du lobe d’oreille ?
Ouaip, quand on
est jeune, on a la pensée
magique. Rien ne nous atteint et
rien n’est bien grave. Mal aux
cheveux ? On reprend une ‘tite
bière et le tour est joué.
Mal à la tête ?
Une aspirine et on dort jusqu’à
14 l’après-midi.
Un bouton ? Ben
voyons, du Clearasil ! Remarquez
ici que les boutons, à
l’adolescence, c’est comme si le
ciel te tombait sur la tête ou,
en tout cas, dans la face.
Alors que quand
on vieillit, on devient plus
craintif face aux petits bobos
qui deviennent de plus en plus
nombreux et, surtout,
inexplicables.
Parce qu’on a de
plus en plus conscience du fil
d’arrivée de la vie et qu’on
commence à avoir peur que ce fil
ne soit beaucoup plus près qu’on
le pense.
Un doigt engourdi
? Ça doit être la sclérose en
plaques.
Un mal de tête ?
Je ne veux pas mourir d’une
rupture d’anévrisme ou avoir une
tumeur au cerveau.
Mal sous
l’aisselle ? Je ne veux même pas
y penser.
Courbaturé parce
que tu as passé l’aspirateur la
veille ? Douteux.
La plupart du
temps, on fait des crises
d’angoisse pour rien. Vieillir,
c’est multiplier ses petits
bobos. Mais des fois, hélas, les
petits bobos peuvent devenir
gros, et c’est pourquoi on a
peur. La pensée magique ne
fonctionne plus parce que nous
avons vu de tragiques exemples
dans notre entourage. La pensée
magique, c’est pour la jeunesse
insouciante qui a toute la vie
devant elle.
Mais plus capable
de fêter sans en avoir pour deux
jours à me relever ? Ça,
c’est-écœurant-mesdames-et-messieurs
! Où va le monde ?
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