Dur, dur, de
lâcher prise…
Mardi 8 juin 2010
Nous sommes dans
un van familial. Les vieux en
arrière (i.e. mon chum et moi),
le jeune en avant.
Et au volant.
Montréal,
échangeur Turcot, un samedi
midi. Rien de trop beau pour
l’apprentissage…
Ya du trafic,
mais le jeune conduit bien.
Le IPod joue à
fond la caisse, la musique
résonne dans mon oreille droite,
je suis assise juste à côté du
haut-parleur.
Oui, le jeune
conduit bien, il possède son
permis depuis un petit bout de
temps, mais… disons qu’il
conduit un peu trop vite pour
son géniteur assis au fond du
van, géniteur qui, malgré les
mois d’expérience de son fils en
conduite, estime qu’il a encore
des croutes à manger. Ce père a
beau tenter de se distraire en
me faisant de beaux yeux, mais
je sens que ces beaux-yeux-là
ont beaucoup plus tendance à
regarder anxieusement vers
l’avant.
Le jeune, lui,
jacasse avec sa sœur assise à
côté de lui, tout à fait relax.
Oups, le trafic
bloque. Le jeune freine à la
dernière minute.
Le pouls du père,
à côté de moi, frappe des coups
de circuit à répétition.
- Eh, ralentis,
ne freine pas comme ça à la
dernière minute, tu vas beaucoup
trop vite… Fais attention,
sacrebleu !
- Relaxe, mon
beau, il va apprendre par
lui-même, on a tous fait ça dans
notre jeunesse.
- Mais, Hélène,
ça peut être dangereux, il
conduit trop vite, trop près des
autos en avant !
- D’accord avec
toi, mais je suis sûre qu’il ne
t’écoutera pas.
Petit aparté
ici : en effet, la musique
empêchait le jeune d’entendre ce
qui se criait à l’arrière. Le
IPod et les haut-parleurs, ça a
été inventé pour empêcher les
jeunes d’entendre leurs parents.
Bref, on
appellera ça une anecdote
parentale. Je suis sûre que vous
avez tous vécu de telles
situations. En tout cas, je l’ai
aussi vécue avec Clo, ma
progéniture adorée, mais un peu
moins quand elle était au volant
comme apprenti-conductrice.
C’est simple,
même assise sur le siège du
passager, j’avais le pied dans
le fond du plancher, pesant sur
un frein, imaginaire
malheureusement, tout le long du
trajet. J’essayais de me retenir
de ne pas crier.
- Attention, y a
un char, là, à 500 mètres (je
tentais de l’avertir à
l’avance)!
- Ben oui, la
mère, stresse-pas,
répondait-elle du haut de ses 16
ans-et-demi.
Et je ne vous
parle pas de MA « cluch »
qu’elle triturait à qui
mieux-mieux, puisque j’ai
toujours conduit une voiture
manuelle.
Je pleurais
quasiment en regardant le bras
de transmission… mon beau bras
de transmission, sniff, sniff.
Finalement, nous
arrivions toujours à la maison
saines et sauves.
Et,
invariablement, survenait la
question-qui-tue : « Maman, me
prêtes-tu l’auto ce soir? »
Quoi ? Te laisser
MON auto ? Je n’ai jamais aimé
cette question.
C’est là qu’il
faut lâcher prise, mes amis.
Dur, dur, de lâcher prise ? Oui.
Mais nécessaire,
malheureusement.
C’est comme ça
que nous avons appris, et c’est
comme ça qu’ils vont apprendre,
c’est dans la nature des choses,
même si nos enfants seront
toujours nos enfants et qu’on
imagine 10 000 scénarios
apocalyptiques lorsqu’ils nous
empruntent « le char ».
Des fois,
malheureusement, un de ces
scénarios se concrétise, mais
bon, en général, pas trop
souvent.
J’ai moi-même
fait des expériences de conduite
qui auraient pu virer à la
catastrophe, mais j’ai été
chanceuse.
Et, surtout, ça
m’a donné des leçons de
conduite. Des vraies. De celles
qui rentrent dans la caboche
pour longtemps.
On ne peut
espérer que cette chance arrive
à tous nos enfants, sans
exception.
C’est la grâce
que je souhaite à tous les
parents. |