jeudi 22 décembre 2011
Budget 2012 de Sorel-Tracy :
L’ère des illusions
« Popa, j’ai eu 90 dans mon
examen! ». C’étaient les
paroles d’un de mes enfants,
aujourd’hui diplômé
universitaire. Le problème,
c’est que sa moyenne pour ce
cours était à peine de 60 %. Il
y avait des efforts à faire, une
sérieuse prise de conscience et
pas mal de rattrapage. Il y
avait surtout une bonne part
d’illusion. Une hirondelle ne
fait pas le printemps.
En matière économique,
l’illusion existe aussi et à
très haut niveau. Par exemple,
les économies hyper endettées
des États-Unis et de la
Grande-Bretagne sont au point
mort depuis
septembre 2008.
L’économie de l’Europe peine à
se maintenir, victime elle aussi
du cercle vicieux de
l’endettement. Selon plusieurs
analystes, l’Europe se relèvera
économiquement en premier, mais
difficilement. Pour certains de
ceux-ci,
les É.-U. pourraient même
imploser et se désagréger comme
pays,
un
scénario jadis considéré comme
impossible.
Pourquoi l’un survivrait-il et
l’autre pas? La réponse est
complexe et basée pour certains,
sur des illusions. Mais ces
illusions sont surtout celles du
bloc anglo-saxon qui imprime
littéralement de grandes
quantités d’argent pour se
sortir de la crise avec pour
l’instant, un succès mitigé
(voir « assouplissement
quantitatif »).
A contrario, le réalisme de
l’Europe sous le leadership des
disciplinés Allemands, impose la
rigueur budgétaire, quitte à
laisser pâtir les délinquants
(ex. : Grèce, Italie). Bref,
l’un vit dans l’illusion de
l’argent facile et l’autre se
discipline dans une vision à
long terme du retour au gros bon
sens.
Quel est le lien avec
Sorel-Tracy et son budget 2012
qui vient d’être déposé? Les
élus de Sorel-Tracy vivent eux
aussi dans un monde d’illusions.
En haussant les taxes année
après année même au niveau de
l’inflation, ils « impriment »
de l’argent avec le papier et
l’encre des citoyens.
Pendant ce temps, nous demeurons
des champions en termes de
niveau d’endettement collectif
et de taux de taxation.
N’en déplaise aux membres du
conseil municipal de
Sorel-Tracy, je suis en complet
désaccord avec le ton
triomphaliste affiché par
ceux-ci au terme de la
présentation budgétaire du 12
décembre 2011. Le « pourquoi »
en 2 volets.
Volet 1
Le 16 octobre 2011, je publiais
ce qui m’apparaissait être des
propositions d’orientations
budgétaires raisonnables,
considérant l’état de nos
finances publiques. J’avais
alors proposé un thème pour ces
orientations : « Agrandir
par en dedans ».
Je proposais un gel du budget
de 2012 au niveau de celui de
2011 pour un gain de
productivité équivalent au taux
d’inflation. Je ne veux pas
faire la « belle-mère »,
mais je constate qu’aucune des
recommandations présentées n’a
été suivie. C’est la vie. Je ne
suis pas un élu. De plus, je
vous dirais qu’avec les années,
j’ai appris à gérer mes
frustrations … mais il y a des
fois où …
Ceci étant, rappelons qu’en 2010
nous étions l’une des villes les
plus endettées au Québec dans la
classe de la trentaine de
municipalités dont la population
varie de 25 à 99 999 personnes.
Rappelons aussi que nous sommes
la 30e ville sur 33
en ce qui concerne le Taux
global de taxation. C’est
un piètre résultat et le budget
de 2012 ignore cette situation.
Au contraire, l’assiette fiscale
continue de grossir même si on
se glorifie de taux
d’augmentation au pourtour de la
valeur de l’inflation. Ce budget
est désincarné par rapport à
notre situation financière
réelle. On ne pourra
restaurer la grandeur de notre
ville en se bâtissant des
cathédrales à crédit.
Mais ce qui me déçoit le plus
dans ce budget, c’est le manque
de vision à long terme. Au-delà
du plan triennal
d’immobilisation, c’est le vide
absolu. Par exemple, la ville de
Sorel-Tracy ne dispose toujours
pas d’un plan de gestion de
notre immense dette municipale.
En l’absence de ce plan déjà
promis en séance du conseil le 2
mai 2011, je considère que
l’évolution de la dette est
toujours hors contrôle.
J’ai l’impression que ce budget
est celui des arbitrages entre
élus qui ne voulaient pas se
chicaner une fois de plus sur la
place publique. Ils ont nivelé
par le bas pour obtenir un
consensus de façade.
Ainsi en vue des élections de
novembre 2013, ils ont préféré
un électoralisme primaire au
détriment de la discipline d’une
vision d’avenir.
Sorel-Tracy ne retrouvera pas
des ratios financiers au minimum
dans la moyenne de ceux des
villes de comparaison, sans
effort.
Volet 2
Le 13 décembre 2012, la ville de
Sorel-Tracy publiait un
communiqué intitulé :
Un budget inspiré par un souci
d’équité.
Ouf! Pour ce qui est de
l’équité, on repassera. Ce
budget est presque TOTALEMENT
inéquitable. Il reporte sur les
générations futures, le fardeau
de l’absence de leadership
budgétaire des élus de notre
ville. Ne nous surprenons pas
si un jour, nos enfants et
d’autres, travaillent à
Sorel-Tracy mais habitent à
l’extérieur des limites de la
ville.
Le comble de l’ironie, c’est la
taxe forfaitaire de 50 $ par
logement. Elle est présentée
comme une « nouveauté »
??? Ce type de taxe s’applique à
tout un chacun, sans égard à la
valeur du logement ou du revenu
du propriétaire/locataire. En
matière d’iniquité, on ne fait
pas mieux. C’est
l’équivalent de la taxe « Santé »
du gouvernement Libéral. Les
locataires vont se faire refiler
directement cette taxe. Elle est
équivalente à 1 % en points de
pourcentage, des augmentations
de loyer pour 2012 (base :
417 $/mois). Avant de faire
cette ponction, est-ce que la
ville à regarder dans ses façons
de faire en terme d’optimisation
de ses processus de travail? En
termes de contrôle de ces
dépenses en biens et services?
En termes de …
Ce communiqué mentionne aussi :
« Légère augmentation du
compte de taxes ».
Qu’est-ce que « légère »
à part d’être un jugement de
valeur? Prenons l’Indice des
prix à la consommation (IPC)
pour déterminer la valeur de « légère ».
En novembre 2011, l’IPC sur une
base annualisée était de
2,9%
c.-à-d. pour les 12 derniers
mois. Ce qui permet à nos
élus de dire que les hausses de
taxe (2,8% dans le secteur Sorel
et 1,8% pour celui de Tracy)
sont en deçà de l’IPC. C’est
faux. Nous payerons nos
taxes dans les 12 mois qui
viennent et l’inflation
tendancielle selon la Banque du
Canada est actuellement estimée
(pour 12 mois jusqu’en novembre
2012)
entre 1,5 et 2,1%.
Bref, pour qu’un citoyen
s’enrichisse à Sorel-Tracy, il
faut au minimum
que ses revenus augmentent de l’IPC
de 2,9% sinon il s’appauvrit.
Dans le cas des retraités, la
Régie de rentes du Québec indexe
les rentes en 2012 au taux de
2,8%.
Autrement dit, une partie des
augmentations de rentes des
retraités pour 2012 sera
transférée directement de la RRQ
aux coffres de la ville de
Sorel-Tracy, en passant
électroniquement par leur compte
de banque.
En bout de piste, considérant
l’inflation naturelle des prix
inhérents à tout système
économique, c’est le concept
de « légère augmentation du
compte de taxes » que je
remets en question. C’est
une question de philosophie de
gestion des finances publiques.
En s’accotant continuellement
sur l’inflation pour justifier
des dépenses qui ont elles-mêmes
une propension naturelle à
augmenter, on ne résorbe pas la
dette de notre ville. Nous
continuons d’être les champions
de la taxation au bénéfice des
villes qui sont en compétition
avec nous pour les
investissements.
En décembre 2010, j’avais donné
un titre au budget 2011 : « L’ère
des désinvoltes ». Je lui
avais accordé une note de « D ».
Pour 2012, je donne un « C- ».
Ce budget n’est pas suffisant
pour commencer à résorber notre
dette municipale colossale et
nous positionner avec des taux
de taxation compétitifs.
C’est pourquoi ce budget est
celui de « L’ère des
illusions ». La campagne
électorale 2013 qui semble
s’amorcer immédiatement pour
certains élus, n’aidera pas les
choses pour le budget de l’année
prochaine. Nous pelletons par en
avant.
Un jour viendra où les finances
de la Sorel-Tracy seront à : « L’ère
de la souffrance ». Ce n’est
pas du sensationnalisme ou du
populisme pour faire peur. C’est
simplement de la mathématique
financière.
Jocelyn Daneau
Saurelois, fier citoyen de
Sorel-Tracy!
Adresse courriel :
jocelyndaneau@gmail.com
Site internet :
www.jocelyndaneau.com
Sur TWITTER:
http://twitter.com/#!/JocelynDaneau
Note :
Cette chronique aurait gagné en
crédibilité par l’utilisation
des données budgétaires réelles
au 31 décembre 2011. Celles-ci
seront disponibles en début de
2012. Nous y reviendrons. |