vendredi 02 septembre 2011
Des
chinoiseries et des illusions.
Lucien nous parle. Écoutons!
À un moment donné le 8 août
2008, face à mon téléviseur,
j’étais béat. J’étais subjugué
par le déroulement de la
cérémonie d’ouverture des jeux
de Pékin.
Imaginez, des centaines de
Chinois, tous de la même taille
et presque identiques, effectuer
à la perfection pendant 2
heures, une chorégraphie
magistrale, exigeante. Ceux qui
ont pensé que cette cérémonie
était un gentil spectacle
artistique de bienvenue se
trompent. Cet événement était en
fait, une démonstration de
puissance, de discipline et
d’abnégation. Par cette
cérémonie, les Chinois
annonçaient sans arme, sans
violence, sans discussion, sans
négociation et diplomatiquement,
qu’ils étaient les nouveaux
maîtres du monde.
C’est à cette cérémonie que je
pensais pour illustrer la
première des
5 forces identifiées par
McKinsey,
comme fondement de la
restructuration de l’économie
mondiale. Dans la
première partie de cette
chronique,
nous avions énuméré ces forces.
Je vous invite donc à faire un
très bref survol de celles-ci,
quelques fois en regard de notre
vie régionale.
Cette première force, c’est le
transfert du pouvoir
politico-économique vers les
pays émergents, surtout la
Chine. Vous me direz : « La
Chine c’est loin ». NON,
chaque jour qui passe, nous
achetons par manque de choix,
des milliers de produits « Made
in China ». Vous me direz :
« C’est bon pour le
portefeuille ». À court
terme, c’est de l’illusion
monétaire. À long terme, nous
exportons nos emplois en Chine
et les profits dans les poches
américaines des Walmart de ce
monde. Soyons conscients qu’à
chaque achat, nous nous
appauvrissons au rythme des « 1
cent » épargnés.
Vous pensez que les salaires
vont augmenter en Chine et que
le tout va s’équilibrer. C’est
vrai. Mais l’équilibre se fait
dans un Occident qui voit son
niveau de vie diminuer et un
Orient qui voit le sien
augmenter. Selon le
Brookings Institut aux É.-U.,
le nombre d’emplois offerts aux
hommes diminue tout comme les
salaires correspondants. Dans un
marché global inondé de produits
asiatiques (parfois
toxiques),
nous nivelons notre niveau de
vie vers le bas.
J’ai toujours cru en l’adage
: « Le pouvoir a horreur du
vide ». Prenez le plan Nord
et ces promesses d’immenses
richesses minérales. Prenez les
besoins colossaux des Asiatiques
en métaux. Mélangez le tout avec
notre vieillissement collectif,
spécialement à Sorel-Tracy
et les pénuries de main-d'œuvre
appréhendées notamment dans le
domaine minier, nos déficits
budgétaires perpétuels et leur
conséquence, l’endettement.
BRASSEZ! Des centaines de
ressortissants chinois
pourraient débarquer un matin
comme travailleurs miniers pour
occuper les emplois que nous ne
comblons pas. Vous pensez que
j’exagère.
Savez-vous que plusieurs des
légumes que vous mangez
actuellement ont été cueillis
par des travailleurs mexicains
temporaires, ici même dans la
vallée du Richelieu? Dites-vous
que la Chine a déjà commencé à
coloniser l’Afrique. Vous me
trouvez un brin raciste? Je
refuse cette étiquette et je
vous suggère 2 lectures :
« Made
in Italy à la chinoise »
et l’examen de cartes sur la
propagation de la sinosphère
(en anglais, mais les cartes
parlent d’elles-mêmes).
La seconde « force »
énoncée par McKinsey porte sur
la nécessité d’améliorer la
productivité du travail c.-à-d.
de produire plus par heure de
travail. C’est un sujet tabou au
Québec où nos faiblesses en ce
domaine sont régulièrement
identifiées et documentées.
Aussitôt qu’on en parle, les
esprits s’échauffent. Ceci
étant, discuter de productivité
sans chiffre est un exercice
abstrait souvent basé sur des
préjugés. Conscient de ce
risque, je vous ramène
Lucien Bouchard et les Lucides.
Essentiellement, les Lucides
n’ont pas dit de
travailler plus dans une
vision quantitative. Ils ont
simplement dit que nous avons
l’obligation de travailler
mieux parce que nous
étions menacés par la
concurrence mondiale. Bref, les
Lucides n’ont pas attendu
McKinsey pour flairer le danger.
Est-ce qu’il faut virer à
politiquement et économiquement
à droite pour travailler mieux?
De façon convaincue, je vous
dirais « NON ». Mais cela
nécessitera une remise à plat du
fameux modèle québécois hérité
de la Révolution tranquille,
n’en déplaise à la
gauche caviar
et aux autres BOBO de ce monde
(BOBO = Bourgeois bohèmes).
Si nous voulons distribuer de la
richesse, il faut en créer et
arrêter de l’emprunter.
Lors de l’avènement de la
Révolution tranquille, nous
avons refondé le Québec sur la
base d’un mythe qui est
rapidement devenu une illusion,
une autre : nous avons confondu
« état providence » avec
« divine providence ». Ce
qui fait qu’aujourd’hui, le
Québec comme Sorel-Tracy est
surendetté. Il me semble que je
ne suis qu’un bon père de
famille en écrivant cela et
S.V.P. lâchez-moi les étiquettes
de
fédéraliste/séparatiste/droite/gauche.
La 3e force identifiée par
McKinsey, c’est la mise en
réseau NUMÉRIQUE de l’économie
et donc, de nos vies. Vous
pensez résister à la vague
numérique? Oubliez ça! Par
exemple, les ordinateurs de
tables, nos bons vieux PC à
clavier, vont disparaître
graduellement de notre univers.
C’est maintenant l’ère des
tablettes électroniques et des
téléphones intelligents en 3 ou
4G.
Ceci étant, ce sont surtout les
comportements associés à ces
technologies qui sont en train
de modifier profondément nos
modes de vie. Quelle est la
dernière grande découverte qui a
modifié considérablement notre
structure sociale à partir de
1960, ici en Occident et à
Sorel-Tracy? Certains seront
surpris. C’est l’introduction de
la pilule contraceptive.
Pour la première fois dans
l’histoire de l’humanité, elle a
donné aux femmes la maîtrise de
leur corps. Ce faisant, elle les
a libérées, leur permettant par
exemple de faire des études et
d’entrer sur le marché du
travail.
Avec le numérique et les réseaux
comme Facebook, nous assistons
présentement à la vitesse de la
lumière, à une redéfinition des
rapports entre humains. Par
exemple, traditionnellement les
questions des enfants et des
adolescents trouvaient des
réponses par le biais de
l’éducation longue et patiente
des parents. Maintenant avec
Facebook, ces réponses peuvent
venir immédiatement de
Paris, Los Angeles ou du voisin.
Et elles ne sont pas
nécessairement celles voulues
par les parents.
En entreprise, si ce n’est déjà
fait, les hiérarchies sont sur
le point d’être bousculées.
Actuellement, nous sommes encore
pour beaucoup, surtout dans les
administrations publiques, dans
des modèles organisationnels de
type vertical
hérités de la tradition
militaire. Vous avez le général
(ou le PDG) qui dit au colonel
qui dit au capitaine qui dit au
lieutenant qui dit au caporal
qui dit au soldat : « Tire ».
Mais bientôt ça ne marchera
plus. La nouvelle génération
s’habitue rapidement aux
relations en réseaux. Celles-ci
sont horizontales
par définition. C’est donc 2
forces qui s’affronteront. L’une
qui tirera vers le haut (Oui « boss »),
confrontée à une autre, éclatée,
sans hiérarchie particulière,
aux alliances éphémères, aux
frontières floues et à la
recherche de la meilleure
solution (Pourquoi « boss »?).
Prenons un autre exemple, des
ados dans une classe de type
magistral. Le professeur en
avant, donne sa matière sur un
mode traditionnel, c.-à-d. qu’il
la déverse de façon verticale et
linéaire. L’étudiant comme un
oiselet, dois l’avaler. Mais
avec la réalité qui s’annonce,
l’oiselet avec son téléphone
intelligent ou sa tablette
électronique pourra être
ailleurs. Les modes
d’apprentissage deviendront
éclatés et l’ubiquité, la règle.
Habituons-nous! Qu’est-ce qui
empêcherait un étudiant de faire
ses 5 « secondaires » en
mathématique, la première année
de son secondaire. Bref, je n’ai
aucune compétence en pédagogie.
Mais l’important, c’est la
formation, pas la salle de
classe ou la craie et le tableau
(cliquez :
Quand Facebook favorise la
réussite).
La 4e force identifiée par
McKinsey, c’est l’accélération
des collisions i.e. des conflits
entre la protection de
l’environnement et l’utilisation
des ressources de la Terre.
L’émergence d’une industrie
verte est aussi identifiée comme
une tendance de fond. Un premier
exemple de collision, une
frontale. C’est l’opposition
justifiée des citoyens à
l’exploitation des gaz de
schiste.
Dans notre région, le dossier
des matières résiduelles est un
autre exemple de collision.
Essentiellement parce que les
élus qui sont assis dans le
siège du conducteur, avec les 2
mains sur le volant, ne font que
regarder dans le rétroviseur.
Cette collision n’aurait jamais
dû avoir lieu.
La dernière force identifiée par
McKinsey est la confrontation
entre les exigences de la
globalisation de l’économie et
les prérogatives et
responsabilités des états.
Prenons l’exemple récent de la
fermeture sauvage d’IQT
Solutions,
spécialisée dans les centres
d’appels. IQT laisse sur le
carreau plus de 1 000
travailleurs, dont 590 au
Québec. IQT aurait perdu un gros
contrat de Bell Canada mais
envisagerait d’ouvrir un nouveau
centre d’appels au Tennessee.
Ceci étant, il y a un coût
collectif et social énorme à
récupérer nos 590 compatriotes
sans compter les drames humains.
Cette globalisation de
l’économie ne doit pas être un
modèle de développement où les
coûts sont de la
responsabilité des contribuables
et les profits, celle des
entreprises … qui se sauvent.
Heureusement, de plus en plus
d’entreprises sont engagées
socialement dans les
collectivités où elles sont
présentent. C’est le cas par
exemple dans notre région de
Rio Tinto (QIT).
Comme nous l’avons vu dans la
première partie de cette
chronique, QIT est soumis aux
aléas de la mondialisation. Mais
sa fermeture de 2009 a été gérée
avec un grand souci de
responsabilité sociale. C’est un
exemple à suivre.
En conclusion de cette très
longue chronique, les 5 forces
de McKinsey nous affectent
depuis plusieurs années et elles
seront présentes encore
longtemps, avant d’être
remplacées par d’autres. Il est
important pour nous tous,
jeunes et vieux, surtout ces
derniers, d’être conscients
que notre niveau de vie dépendra
de la façon dont nous
anticiperons et réagirons à ces
forces de changement. Les
ignorer serait une très grave
erreur.
Jocelyn Daneau
Fier citoyen de Sorel-Tracy!
Nouvelle adresse courriel :
jocelyndaneau@gmail.com
Site internet :
www.jocelyndaneau.com |