jeudi 23 février 2012
Pour en finir
avec le mythe du pont libérateur
« Dieu nous donne des mains,
mais ne bâtit pas les ponts. »
Proverbe anglais
Pourquoi n’y a-t-il jamais eu
d’étude de faisabilité sérieuse
concernant le projet de pont
Sorel-Tracy sur le fleuve et
qu’il ne devrait
vraisemblablement pas y en
avoir? Simplement parce qu’à
sa face même, c’est un projet
politiquement et économiquement
non rentable. (NOTE : Pour
un point de vue opposé à ce qui
suit, voir le
Comité CALA de monsieur
Jean-Yves Landreville.)
Mais persistons. Pour ce faire,
estimons au « pifomètre »
le coût de notre pont à
500 millions de $,
minimalement. Le
pont Laviolette (30 000
véhicules/jour) à Trois-Rivières
a coûté 50 M$ en 1967. Sur la
base de l’inflation, on parle de
340 M$ au 31 décembre 2012. Mais
comme les contraintes de 2012 ne
sont pas celles de 1967 (ex. :
études environnementales),
500 M$ est une estimation
minimale raisonnable.
D’ailleurs, pour reconstruire le
pont Champlain, on parle d’une
facture de plus de 3 milliards
$.
Maintenant pour se réchauffer,
mettez-vous 30 secondes dans la
peau du décideur qui doit
maximiser tant économiquement
que politiquement, un
investissement public de 500 M$.
Est-ce qu’il choisit le vieux
pont de Québec ou celui de l’île
d’Orléans, tous les deux à
reconstruire, en plus de
Champlain. Il y a aussi
l’échangeur Turcot, le tunnel
Louis-H., les investissements
dans le transport en commun, les
écoles primaires et secondaires
délabrées, le manque criant de
CHSLD, le sous-financement des
universités, le manque de places
en garderie, etc. Ha! Vos
priorités se bousculent?
Combien coûterait notre pont à
sa première journée de
fonctionnement, disons le 1er
janvier 2013? Au « pifomètre » :
104 000 $, dont 86 274 $* en
intérêt. À ce dernier montant,
il faut additionner les frais
d’exploitation. Disons
200 M$ pour 30 ans c.-à-d.
18 000 par jour en moyenne.
Quels seraient les revenus
quotidiens potentiels
si on
appliquait les tarifs
du traversier
Sorel-Tracy-St-Ignace
(moyenne de
1 353 véhicules par jour)?
Selon le
Rapport annuel de la société des
traversiers du Québec, 2010-2011,
le « résultat par traverse
avant participation
gouvernemental » est de 4,7
M$ par année c.-à-d.
12 900 $/jour.
Les usagers ne couvriraient
que 12,4 % du coût de la
première journée d’opération du
pont. Il faut donc combler
ce déficit. Trois possibilités
s’offrent.
Premièrement,
nous pourrions multiplier les
tarifs du traversier de
7 $/véhicule à 67,33 $/véhicule
(91 100 $ divisés par 1 353
véhicules). Ce tarif est « supérieur »
à celui de
2$ du passage envisagé par le
maire Dauplaise. D’ailleurs,
pour emprunter le pont de la
Confédération, il en coûte
44,25 $ pour un aller-retour
du Nouveau-Brunswick à l’Île du
prince Édouard.
Il ne faut pas perdre de vue que
l’I.P.E. est un milieu fermé et
donc, il n’y a pas d’alternative
pour traverser et revenir.
Contrairement à notre pont, plus
la destination de
l’automobiliste est proche du
pont Laviolette ou du tunnel
Louis-H., plus il sera tenté de
faire le détour pour éviter un
péage de 67,33 $ l’unité.
Si l’exploitant du pont
qu’il soit public ou privé
veut maintenir l’achalandage,
les tarifs doivent diminuer.
Mais la rentabilité économique
du projet de pont diminuera. Que
font alors les gouvernements
pour offrir des équipements
publics (ex. : un pont) en
sachant que le principe de
l’utilisateur payeur n’est pas
applicable? C’est la seconde
possibilité.
Il faut recourir à titre
compensatoire, à des activités
économiques qui induiront dans
les coffres de l’état, sous
forme de taxes et d’impôts, plus
de 91 100 $ quotidiennement
(incluant les activités
ponctuelles de construction).
C’est équivalent par exemple, à
créer 1,583 NOUVEAUX
emplois permanents rémunérés à
50 000 $ par années au taux
d’imposition combinée
fédéral-provincial de 42%.
De plus et c’est une condition
sine qua non, il faut que
la création de ces emplois soit
uniquement due à la présence du
pont.
Oubliez les retombées
économiques issues de
l’agrandissement potentiel de
QIT. Ce projet n’est pas induit
par le pont. Il se fera ou non,
sans celui-ci.
Si l’activité économique ne peut
compenser le déficit
d’exploitation, alors comme 3ième
possibilité, le gouvernement
peut tout simplement combler le
déficit. Il peut le faire par
exemple, au titre de
l’amélioration de la fluidité de
la circulation (Ex. :
pont de la 25 au tarif moyen de
2,10$). Malheureusement, le
cas de notre pont est différent
ne serait-ce qu’en terme
d’achalandage et de
positionnement
économico-géographique. D’un
point de vue de l’acceptabilité
sociale, il serait difficile de
faire admettre à l’ensemble des
contribuables, la nécessité d’un
pont pour relier une petite
ville de banlieue éloignée
vers nulle part, de l’autre
côté du fleuve.
Certains pensent au mode de
gestion en PPP (Partenariat
Public-Privé). Impossible. Les
projets privés exigent un
rendement supérieur sur
le capital à celui des projets
publics (voir note « 1 » à la
fin).
De tout temps, les axes
économiques ont été nord-sud.
Par exemple, examinez une carte
géographique. Pourquoi le pont
Laviolette est-il là où il est?
Plusieurs raisons : pour sortir
le bois en provenance de La
Tuque à destination du marché
américain, comme lien de
permutation à mi-chemin entre
Montréal et Québec, etc.
Pourquoi la 30? Pour sortir les
produits de l’acier de
Sorel-Tracy à destination du
marché du nord-est de
l’Amérique. Il n’y a aucun
avantage à mettre en place un
lien au-dessus du fleuve, les
produits de la Rive-Nord
transitent vers Montréal par la
40. Avec le bouclage de la 30,
un lien vers la Rive-Sud
deviendra encore plus
économiquement non rentable.
D’un point de vue
environnemental, un ouvrage
comme un pont a nécessairement
un impact sur la vie marine,
celle des sédiments du lit du
fleuve, celle des berges. À mon
avis, ces aspects se gèrent.
C’est au niveau de la pollution
visuelle que cela risque de
déraper. C’est que l’on appelle,
le droit au paysage. Il y a fort
à parier que les riverains qui
se retrouveront avec le pont
comme voisin seront tentés par
des actions en justice ou
autres, pour faire modifier ou
arrêter les travaux.
Souvenez-vous de la saga des
citoyens de Grondines-Lotbinières
en 1984-85 contre le projet
d’Hydro-Québec qui voulait
installer des pylônes géants
pour faire traverser une ligne à
haute tension au-dessus du
fleuve. Finalement, la ligne est
passée, mais sous le fleuve à
plus de 10 fois le prix.
Ce qui précède ne règle pas le
problème de la traverse et du
camionnage au centre-ville de
Sorel-Tracy, ni celui de la
route industrielle. Ce n’était
pas le but. Ceci étant, il est
anormal que l’idée d’un pont
ressurgisse régulièrement. Je
trouve inconcevable que
certains de nos élus en fassent
la promotion. Avoir de
la vision, c’est prôner un futur
réalisable, concrètement
réfléchi et articulé. Ce
n’est pas de professer des
illusions même pour des motifs
électoralistes.
Il est grandement temps à
Sorel-Tracy, de s’affranchir du
mythe du pont libérateur.
C’est comme mettre à chaque
fois, la faute sur quelqu’un
d’autre pour justifier notre
incapacité à trouver des
solutions. Nous devons arrêter
de brailler sur le déterminisme
de notre géographie enclavée et
ses conséquences historiques.
L’avenir de Sorel-Tracy et de sa
région passe essentiellement par
l’axe nord-sud et donc, par
l’utilisation et l’amélioration
de la 30 et de la 132 en
direction de la Rive-Sud de
Montréal. C’est dans cet axe que
ce fait actuellement et dans un
avenir prévisible, la croissance
démographique et donc, le
développement économique. C’est
du concret et c’est à notre
portée immédiate.
Jocelyn Daneau
Saurelois, fier citoyen de
Sorel-Tracy!
Adresse courriel :
jocelyndaneau@gmail.com
Site internet :
www.jocelyndaneau.com
Sur TWITTER:
http://twitter.com/#!/JocelynDaneau
* Calculé quotidiennement aux
taux d’actualisation de 6,5%
pour une dette de 500 M$.
Équivalent au taux du CHUM de
Montréal, aussi appliqué au
projet de la nouvelle gare du
CIT de Sorel-Tracy, voir
Égarements à la gare.
Note « 1 » : Calcul de la
valeur présente nette
Est-ce que sur le long terme, le
projet deviendrait rentable?
NON.
Selon
la prévision d’achalandage des
traversiers 2010-2025 du
groupe Roche (p. 79) la
croissance pour la traverse
Sorel-Tracy –
St-Ignace-de-Loyola sera de 32%
à l’horizon 2015, le plus fort
taux au Québec.
Sur cette base et en considérant
uniquement du
principe de l’utilisateur
payeur, avec un taux d’inflation
de 2% annualisé, notre 12 900 $
de revenus quotidiens du 1ier
janvier 2013 vaudrait 22 000 $
en 2025. Ce montant ne couvre
même pas les dépenses du premier
jour d’opération, en 2013.
Quelle serait la situation
financière du pont, avec cette
projection de revenus, disons le
jour Noël 2025? Avec le jeu des
intérêts composés, notre coût
de départ de 500 M$ serait de
1 010 000 000 $.
Un déficit astronomique de plus
de 500 M$ en 13 ans.
Pour s’amuser
(cliquez sur le lien)
2 photos d’équipe qui me
montrent avec Jean-Yves
Landreville comme instructeur de
hockey (vers 1971-1972,
aréna Aussant). C’est évident
qu’à la prochaine « game »,
mon temps de glace va être
réduit!!!
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