jeudi 09 février 2012
Aller au-delà
des chiffres. Entrevoir
l’avenir.
C’est l’empereur romain
Vespasien (1er
siècle apr. J.-C.) qui prononça
la phrase célèbre : « L'argent
n'a pas d'odeur ». Homme à
l’imagination fertile, on lui
doit une taxe sur la collecte
des urines dans les urinoirs
publics. C’est à ce spécialiste
que je me suis adressé pour une
opinion sur le niveau des taxes
municipales à Sorel-Tracy, un
sujet complexe.
Pour réchauffer notre homme,
quand même froid depuis un
certain temps, je lui ai fait
parvenir une copie des lettres
ouvertes de 3 intervenants
récents sur le sujet, celle de
madame Dominique Ouellet,
conseillère municipale (Sorel-Tracy,
la Ville la plus taxée? Faux!)
et des citoyens Michel Piché (Sorel-Tracy
est la ville la plus taxée)
et Patrick Gauthier (Sorel-Tracy
est-elle vraiment la ville la
plus taxée?). J’ai joint à
mon envoi une simple question,
ouverte : « Qu’en
pensez-vous? »
Résumé des propos de Vespasien
Déterminer le bon niveau de
taxation est à la fois un
exercice technique et politique.
C’est a priori, la
responsabilité des comptables,
des économistes et des
fiscalistes. Mais à la fin, la
décision est toujours celle des
élus, qui selon les
circonstances, détermineront ce
qui sera imposé aux citoyens.
Pour déterminer le « bon »
niveau de taxation, les citoyens
doivent se poser 2 questions.
Premièrement, d’un point de
vue subjectif : « En
avons-nous pour notre argent ? »
Deuxièmement, d’un point
de vue plus objectif : « Avons-nous
une fiscalité municipale
compétitive? »
Pour être en mesure d’obtenir
des réponses, les citoyens
doivent disposer d’un état de la
situation c.-à-d. de données
fiscales de comparaison. C’est
ce que nous fournit le
Ministère des Affaires
municipales, des régions et de
l’occupation du territoire (MAMROT).
Les données sont disponibles,
mais encore faut-il les utiliser
de façon rigoureuse. Quelles
sont alors les conditions pour
obtenir un échantillon
représentatif de villes
québécoises de comparaison pour
déterminer la position fiscale
de Sorel-Tracy et ce, avec
confiance?
Il y a minimalement 3 conditions
et les données disponibles du
MAMROT les remplissent.
Premièrement,
il faut que les villes comparées
soient homogènes, c.-à-d.
qu’elles montrent au moins un
facteur de comparaison uniforme
et indépendant. Le seul qui
existe au Québec et dans le
monde, c’est la taille de la
population. C’est pourquoi le
MAMROT utilise la classe de
population de 25 à 99 999
personnes.
Deuxièmement,
il faut que le nombre de villes
de comparaison c.-à-d. la taille
de l’échantillon soit
statistiquement suffisante pour
tirer une conclusion. En
statistique, universellement, un
échantillon de 30 individus est
le minimum acceptable. Il y a 33
villes au Québec dans la classe
des villes de 25 à 99 999
personnes. Les deux premiers
critères se renforcent
mutuellement.
Troisièmement,
il faut que tous les individus
pouvant faire partie d’un
échantillon aient la même chance
d’être pigés. Autrement dit, on
ne peut ajouter ou enlever sans
raison valable, une ville d’un
tableau de comparaison fiscale.
Le tableau suivant est tiré des
données du
MAMROT. Il respecte les
règles précédemment mentionnées.
Il permet de comparer des
comparables et donc, d’obtenir
des éléments de réponses à nos
deux questions.
On y remarque immédiatement que
Sorel-Tracy avec 1,5585 $ du
100 $ d’évaluation se retrouve
en 30ième position
sur 33 villes, du point de vue
du
Taux de global de taxation
uniformisé (TGTU). Le TGTU
est l’un des principaux
indicateurs de comparaison
retenu par le MAMROT. Il est
aussi à l’origine du présent
débat.
Ceci étant, un unique indicateur
ne peut traduire à lui seul une
situation complexe comme les
finances d’une ville. Dans le
tableau, la « Charge nette
par habitant » montre ce que
Sorel-Tracy dépense par citoyen.
Sur la base de ce ratio, nous
sommes 9ième sur 33.
Analyse des lettres ouvertes
Monsieur Piché tire des
conclusions à partir d’un
tableau qui n’est pas conforme
aux conditions ci-haut. Son
argumentaire à saveur populiste
est basé sur un échantillon
incomplet de 17 villes dont 3
qui ne devrait pas y être :
Contrecoeur (pop. 6 131),
Verchères (pop. 5 519) et
Varennes (pop. 20 889). Non, du
point de vue du TGTU,
Sorel-Tracy n’est pas la ville
la plus taxée dans sa
catégorie.
Madame Ouellet dans un bref
texte coup-de-poing qui rate la
cible, utilise des données de la
ville de Victoriaville.
Celles-ci ne respectent pas les
règles de base en matière de
statistique comparative. On y
note la présence de seulement 18
villes dont 2 n’y ont pas leur
place : Trois-Rivières (pop.
130 363) et Sherbrooke (pop.
154 793).
Notons que l’indicateur « Charge
fiscale moyenne » à la
base de l’opinion de madame
Ouellet mériterait d’être étudié
plus en profondeur. Cet
indicateur, équivalent à celui
de « Charge nette par
habitant », n’est pas
privilégié par le MAMROT. Ce
n’est probablement pas un
indicateur de la charge fiscale
de premier rang. Il montre deux
défauts : plus il y a de
citoyens « à logement »,
plus le ratio diminue ET il ne
rend pas justice aux
propriétaires de maisons
au-dessus du prix moyen.
Dans un texte confus il faut le
dire, M. Patrick Gauthier y va
d’une série d’arguments où il
mêle l’âge vénérable de la ville
de Sorel-Tracy (note :
Boucherville a été fondé en
1635) avec son niveau de
taxation, les frais de condos,
le fonds de pension des
employées, les revenus de
Sorel-Tracy en 2001 (???), etc.
Ces causes (ex. : bibliothèques)
pourtant communes
à l’ensemble des villes du
Québec lui servent à justifier
notre niveau de taxation
différent et donc, plus
élevé. Il y va d’affirmations
sur le niveau de la dette
municipale en terme absolu sans
tenir compte de son poids
relatif dans le bilan de la
ville. Finalement, il conclut
sans présenter aucun fait que
Sorel-Tracy « n’est pas la
plus taxée ».
Par contre, indirectement,
monsieur Gauthier (réf.:
discussion sur le prix des
maisons Sorel-Tracy) a énoncé
une hypothèse intéressante.
Sorel-Tracy se paye depuis
plusieurs années, un niveau de
vie supérieur à sa richesse
collective. Si vous regardez le
tableau ci-haut, vous
remarquerez que notre richesse
foncière est relativement faible
(28ième sur 33). Ce
qui implique qu’un haut taux de
taxation signifie peut-être que
nous vivons au-dessus de nos
moyens. De là, le niveau de
surendettement de Sorel-Tracy.
Aller au-delà des chiffres
Réglons une chose immédiatement,
comme citoyen payeur de taxe, je
réponds « non »
aux deux questions du début
(voir entre autres :
Agrandir par en-dedans
et l’Ère
des illusions).
Réglons-en une autre, j’ai passé
l’âge de vouloir avoir raison.
Ce qui me préoccupe, c’est
l’avenir de ma ville. Celle
de mon enfance. Celle où je suis
revenu. Celle où je reviens
chaque jour avec bonheur. Celle
de mes vieux jours (à venir).
Ceci étant, le hasard fait bien
les choses. Le maire Dauplaise a
annoncé au conseil municipal du
6 février 2012, ce sur quoi je
voulais conclure cette
chronique*. À savoir,
l’intention de la ville de
Sorel-Tracy de faire valoir son
point de vue au sujet de notre
niveau de taxation.
Voici donc ce que j’attends
comme explication dans un
document qui pourrait avoir
comme titre : Taxation,
endettement et situation
financière de Sorel-Tracy :
Perspectives 2012 – 2016.
Ce document doit à la fois
adresser le présent et l’avenir.
Il doit être à la fois concret
et pédagogique sans tomber dans
le publi-reportage.
Considérant que
la taxation est une conséquence
plutôt qu'une cause, ce document
devrait s’articuler autour des
axes suivants, à l’horizon 2016:
1.
Répondre aux deux questions
mentionnées au début de cette
chronique concernant le niveau
de taxation.
2.
Présenter la situation de la
dette de Sorel-Tracy y incluant
sans s’y limiter, un plan de
gestion de celle-ci ainsi que
l’impact des différents
engagements de la ville.
3.
Présenter une synthèse de la
santé financière de la ville de
Sorel-Tracy incluant des cibles,
pour se positionner vis-à-vis
des ratios financiers moyens des
33 villes de comparaison.
4.
Présenter un plan de
rationalisation des opérations
de la ville de Sorel-Tracy avec
des cibles et des dates
concrètes. Sans s’y limiter,
celui-ci portera sur la
réduction des effectifs,
l’amélioration continue c.-à-d.
la rationalisation des
opérations et la mise en œuvre
des meilleures façons de faire,
le contrôle de dépenses en biens
et services, etc.
Ce qui précède, c’est ce que
font les meilleures entreprises
publiques. Il n’y a aucune
raison qu’une ville soit
différente. C’est le prix de
l’excellence. C’est le prix à
payer pour donner confiance aux
citoyens. C’est concret et c’est
un pas dans l’avenir.
Jocelyn Daneau
Saurelois, fier citoyen de
Sorel-Tracy!
Adresse courriel :
jocelyndaneau@gmail.com
Site internet :
www.jocelyndaneau.com
Sur TWITTER:
http://twitter.com/#!/JocelynDaneau
* Merci aussi à monsieur Patrick
Gauthier qui a introduit le
sujet lors de la période des
questions du conseil municipal
du 6 février 2012.
Matière à réflexion
(pour ceux et celles qui se
rendent à la fin de cette
chronique)
Considérant que notre Taux
global de taxation uniformisé (TGTU)
est élevé en terme absolu et
donc, qu’il pénalise les
propriétaires de maison dont le
prix est au-dessus de la
moyenne.
Considérant que Sorel-Tracy
depuis quelques années, affiches
une excellente performance en
matière de construction
résidentielle.
Considérant que
Statistique Canada (8 février
2012) dans son recensement 2011
montre que la population de la
ville de Sorel-Tracy est
stagnante. Celle-ci est passée
de 34 076 personnes en 2006 à
34 600 en 2011.
Je me pose la question
suivante : « Est-ce que le
programme « On construit » est
économiquement rentable? »
À suivre.
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