« Joey va te
faire un prix »
Événement presque
passé sous le radar à
Sorel-Tarcy (le mien du moins) :
Jacob fêtait ses 35 ans.
En fait, c’est le
hasard
qui m’a informé de cet
anniversaire. À Sorel-Tracy,
nous qui cherchons à renouer
avec une certaine fierté
collective, avons-nous raté une
occasion de souligner un succès
ayant des origines locales?
Toujours est-il
que
Jacob,
c’est l’un des fleurons du
commerce de détail au Québec et
au Canada, dont le
premier magasin a été ouvert ici
à Sorel-Tracy
vers 1960. C’est « plus
de 100 magasins et 1 500
employés à travers le Canada.
»
Les quelques
difficultés financières et
commerciales
en 2009 et 2010 de ce
détaillant, ne doivent en rien
assombrir ce moment clé dans la
vie de ce « success story »,
qui va maintenant de nouveau
vers l’avant.
Le modèle
d’affaires actuel de Jacob et
son rayonnement trouvent leur
origine parmi nous en 1977, sous
la gouverne de Joey Basmaji et
de sa conjointe Odette Bolduc,
des gens d’ici. J’avais alors 18
ans et j’entrais au
CEGEP de St-Hyacinthe, campus
Bourgchemin situé à Sorel.
Voici donc, basé
sur de lointains souvenirs, le
récit de ma seule
rencontre avec
Joey Basmaji,
vers 1974-1975.
15-16 ans, c’est
ma période fin ado-gars mal
dégrossi, un peu « tocson »,
quelques boutons, assaillit par
un trop-plein constant
d’hormones, tiraillé entre les
« sports », mais en
pleine migration vers les « filles »,
ma première copine sérieuse et
les « événements liquides ».
Une époque d’innocence où je
n’avais aucune question, que des
réponses… monosyllabiques.
Étudiant moyen à Bernard-Gariépy,
peu intéressé par les études,
j’y fonctionnais sur mon talent
naturel, effort minimum selon
deux critères : « Ça passe
t’su? Chu t’su dans la moyenne
des notes de ma gang? ». Mon
univers, c’était Tracy, entre
l’aréna Aussant et le Centre
culturel. Sorel, de l’autre côté
du Richelieu,
c’était un autre monde que l’on
fréquentait peu.
1974-75, c’est
l’arrivée des « jeans »
dans ma vie; devenu un vêtement
mythique. C’est l’époque où son
achat était comme un rite de
passage. À ce titre, la salle
des étudiants de Bernard-Gariépy,
là où l’on « vèdgeait »
dans l’attente de la Cloche,
était le lieu de toutes les
observations vestimentaires.
Chaque nouveau « jeans »
était l’objet de regards plein
de convoitise, d’envie et de
jalousie, surtout entre filles.
C’est là pour la
première fois, que j’ai entendu
parler de « Joey » et de
« Jacob ». D’ailleurs,
tout le monde semblait connaître
ce magasin de l’élite
vestimentaire et adolescente,
sauf les « tarlas boutonneux »
dans mon genre.
Là vous me
reconnaîtrez immédiatement. Oui
pour être à la mode, mais
j’étais surtout préoccupé par le
prix de la chose : « Combien
ça coûte un jeans? » Et là,
les réponses étaient opaques.
Personne ne donnait la même,
comme un secret d’alcôve d’une
connivence mystérieuse avec le
Saint-Graal
de Sorel. Tous répétaient
presque en murmurant, comme si
c’était le « deal » du
siècle pour privilégiés : « Joey
m’a fait un prix ». En bout
de piste, tous avaient la même
conclusion, comme s’il
s’agissait d’un mot de passe
secret : « Joey va te faire
un prix ».
Me voilà donc
chez Jacob un samedi après-midi,
magasin d’origine, surchargé de
vêtements, achalandage
soviétique un jour d’arrivage,
localisé à l’époque sur la rue
Augusta, à la hauteur de
l’actuel Pedro Bar. Les filles
qui y travaillaient, les plus
belles du monde, des êtres
inaccessibles de mon âge, « full »
conscientes de leur statut
social privilégié au-dessus du
commun des mortels, lié au fait
de travailler chez « Jacob ».
Moi, petit gros frisé
rondouillet devant ces déesses,
je me sentais encore plus petit,
plus frisé et plus gros, surtout
en arrivant là avec ma plus
belle paire de culottes en toile
usée. Je me souviens d’avoir
rapetissé en entrant chez « Jacob ».
Ça adonnait bien, la première
paire de « jeans »
essayée était trois points trop
petits.
« Elles te
font bien » de me dire la
divine jeune beauté blonde
vendeuse qui ne m’avait accordé
aucun regard. Une chance qu’il y
avait dans la place, une adulte
pour gérer l’ensemble, une dame
d’allure maternelle
réconfortante. Sinon, c’est le
GI Joe du fond de mon garde-robe
en aurait hérité. Finalement,
après quelques essais, je
portais la paire qui convenait.
J’étais devenu un « king ».
Mais pour ma reine du magasin,
la Vénus blonde à l’œil hautain,
je n’étais toujours qu’un idiot
de Bernard-Gariépy.
Le prix? Je ne
m’en souviens plus. 24 $, c’est
le montant que j’ai en tête. Une
fortune à l’époque pour une
paire « d’overall »
comme le disait ma mère. Mais je
me souviens surtout de ce moment
mystérieux, mystique de mon
expérience d’achat. Ma beauté
vendeuse de sa voix de miel
avait dit sans même me
regarder : « Joey va te faire
un prix ». Enfin, c’était
mon tour. Je serais initié. Ouf,
j’attendais et le cœur me
débattais. Si c’était trop cher,
je faisais quoi? Je ne voulais
pas me couvrir de honte. Si même
Joey ne voulait pas me vendre à
moi, un péquenot de Tracy? On a
attendu quelques minutes, moi et
la jeune déesse statuesque,
silencieuse et… aveugle.
Il était là,
Joey, sorti de nulle part, entre
deux « rack » comme s’il
m’espionnait, pour me faire un
prix, le Prix, mon Prix. Cheveux
noirs, l’œil noir, peut-être
habillé en noir, c’est floue, le
nez un peu effilé, il m’a
regardé. Il a vérifié le prix
sur l’étiquette comme si je lui
arrachais le cœur, technique de
négociateur devant l’amateur,
m’a de nouveau regardé comme si
je lui faisais perdre son temps
et sentencieux, il m’a dit : « 24 $,
mon dernier prix ».
Alléluia, le Nirvana, Joey
venait de me faire un Prix à
moi, humble ado. Prix qui une
fois prononcé, signifiait que ma
déesse vendeuse me « flushait »
automatiquement, toujours sans
un regard.
Mais moi, Jocelyn
Daneau, le lundi matin, je
pourrais dire comme tout le
monde : « Joey m’a fait un
prix ». Pour nous apercevoir
que finalement, nous avions
presque tous le même prix.
Merci Joey pour
ce prix réduit, bonifié de
circonstance sur l’étiquette.
Prix que la dame de la caisse
savait d’instinct, tant elle
connaissait Joey et sa technique
de vente.
Mais surtout,
merci Joey Basmaji pour cette
leçon de négociation.
BRAVO JACOB !!!
Jocelyn Daneau
Courriel :
jocelyndaneau@gmail.com
Blogue -
Sorel-Tracy dans l’univers :
http://wp.me/2JVSB
Saurel-O-Mètre
électoral 2013 - SOME 2013
Explications :
http://wp.me/P2JVSB-2S
Grille d’analyse
(résultats) du SOME 2013
– Version 5 (3 août
2013)
Voir :
http://wp.me/a2JVSB-9Q
Jacob : chic
défilé pour le 35e anniversaire
Source :
http://www.journaldemontreal.com/2013/08/01/jacob-chic-defile-pour-le-35e-anniversaire
Photos :
Jacob s'offre un
défilé chic
http://fr.canoe.ca/artdevivre/mode-beaute/galeries_photos/20130801234028_jacobfmd/fullscreen.html |