Éperviers, le
meilleur usage alternatif de 2,4
millions de $ ?
Mettons les
choses au clair, je suis un
partisan du retour des Éperviers
à Sorel-Tracy. Mais nature
oblige, j’en suis un partisan
lucide aux questions multiples.
La première porte
sur la rentabilité financière
(privée) d’un tel
investissement. D’une part, dans
« Un
Épervier à la recherche
d’altitude »,
je concluais que « Selon les
critères formels du Conference
Board du Canada, sous réserve de
la structure de notre
population, les Éperviers de
Sorel-Tracy seraient
financièrement rentables. »
D’autre part, il faut conclure
par un acte de foi que l’étude
de marché confidentielle des
actuels promoteurs du projet « Éperviers »
est crédible. Suffisamment pour
inciter des bailleurs de fonds
privés à se commettre
formellement et pour susciter
l’intérêt de la Ligue de Hockey
Junior Majeur du Québec (LHJMQ).
Ce qui a comme
conséquence que
Sorel-Tracy, endettée plus que
la moyenne des villes de
comparaison,
a
subitement sorti de son chapeau
2,4 millions de dollars
en vue de rendre
conforme le Colisée Cardin aux
exigences de la LHJMQ.
Cette façon de
faire et les événements
l’entourant soulèvent cependant
plusieurs interrogations qui
trouvent leur fondement dans la
célèbre « Théorie
des choix publics ».
Essentiellement
pour cette dernière, il s’agit
de « … conjuguer la théorie
économique à la science
politique. Les politiciens et
les fonctionnaires se conduisent
comme le feraient les
consommateurs et producteurs
dans un contexte institutionnel
différent : entre autres
différences, l'argent en
cause n'est généralement pas le
leur. Les motivations des
politiciens sont de maximiser
leur propre intérêt, ce qui
inclut l'intérêt collectif, du
moins, tel qu’ils peuvent le
concevoir. Ainsi, les
politiciens souhaitent maximiser
leurs chances d'être élus ou
réélus, et les
fonctionnaires souhaitent
maximiser leur
utilité.
Par ailleurs, les biais
cognitifs et émotionnels propres
à l'économie
comportementale
se retrouvent aussi au niveau
des décisions publiques. »
Si nous voulons
traduire le tout en langage « Sorel-Tracy »,
il faut a priori remonter à l’un
des mythes fondateurs de notre
ville, l’industrialisation du
début du siècle passé et son
corollaire, le niveau de vie
avantageux qui en découlait.
Lequel a favorisé dans notre
communauté, l’émergence d’un âge
d’or où il faisait bon vivre
dans un environnement
autosuffisant à l’avenir
radieux. À ce titre, le succès
des
Éperviers de l’époque
principalement pendant la saison
1973-74 est une illustration
éloquente de cette période. Il
est resté gravé dans notre
mémoire collective.
Ceci étant, 1973,
c’est aussi le moment
du premier choc pétrolier
qui marque le
début de la désindustrialisation
de Sorel-Tracy selon le modèle
de développement de
l’après-guerre. Ce phénomène et
des taux d’inflation moyens de
8% sont en partie, une des
causes du départ des Éperviers
en 1977.
En 2013, ce rêve
légitime du retour à la grandeur
de Sorel-Tracy est toujours
présent dans notre imaginaire
collectif. Malheureusement, on
ne peut refaire l’histoire en
s’accrochant aux mirages du
passé. Mais nous pouvons forger
le présent et le futur avec les
outils et les moyens qui sont
maintenant les nôtres.
Concrètement, il
nous faut dans le dossier
Éperviers, gardez la tête
froide, surtout avec l’argent
des contribuables. En ce sens,
l’enthousiasme aux relents
nostalgiques de type « groupie »
que j’ai perçu chez certains de
nos décideurs m’incite à les
inciter à la prudence
décisionnelle. Même si nous
avons en terme absolu, la
population requise pour
supporter une équipe de la LHJMQ,
celle-ci est composée en grande
partie de retraités aux revenus
de pension soumis aux aléas des
marchés financiers. Autrement
dit,
la moyenne de 2 300 à 2 500
spectateurs envisagée pour les
Éperviers
comme seuil de
rentabilité est très ambitieuse.
Ne perdons jamais de vue que le
« dollar loisir »
disponible est très sollicité.
Par ailleurs, la
ville de
Sorel-Tracy montre une situation
financière difficile.
Sa performance financière et de
gestion est inférieure à celle
des villes de comparaison.
En ce sens, en cette année
électorale, est-ce que notre
conseil municipal agit avec le
projet Éperviers dans les
meilleurs intérêts des citoyens
ou pour des motifs purement
électoralistes? Autrement dit,
le présent conseil municipal
a-t-il la crédibilité et la
légitimité requises à la veille
des élections de novembre 2013,
pour nous embarquer dans un
investissement de 2,4 M$? Ne
serait-on pas mieux d’investir
ce montant dans la réduction de
la notre colossale dette
municipale? Ou faire un
investissement dans la réfection
de nos infrastructures?
D’autant plus que
ce conseil municipal chicanier
depuis 2009, nous présente
subitement cette décision RAPIDE
sous l’angle d’une unanimité de
bon aloi. Le tout ressemble plus
à de l’unanimité électoraliste
où personne ne veut être en
rupture d’une décision présentée
comme étant un consensus social,
mais qui a surtout l’allure d’un
« Crois ou meurs » sous
pression. Cette unanimité subite
est surtout questionnable de la
part des conseillers du NON
d’octobre 2012. Eux qui nous ont
habitués avec les années, à
avoir une position rétrograde
sur une multitude de dossiers,
notamment lors de la rénovation
du Marché Richelieu, un
équipement culturel. Bref, la
façade des bons sentiments
électoralistes est installée.
Soyons réalistes
sans être impolis, mais qui peut
accorder la moindre
crédibilité
au maire Dauplaise quand
il déclare que le plan
d’affaires du groupe de Yanick
Lévesque est de qualité ?
Le maire refuse d’expliquer
publiquement tant sur ce 2,4 M$
que sur ce plan d’affaires ou
sur la signification de la « saine
gestion ».
D’ailleurs, QUI
du conseil municipal de
Sorel-Tracy a lu au complet ce
plan d’affaires et son étude de
marché ? QUI de nos élus peut se
vanter d’avoir une compréhension
maîtrisée et d’adhésion aux
hypothèses qui supportent ces
documents?
Par ailleurs, on
envisage d’avoir une équipe ici
à Sorel-Tracy par transfert
d’une franchise aussitôt que
pour septembre prochain. C’est
très rapide. Surtout quand l’on
comprend que dans le monde
complexe d’aujourd’hui, le
Diable est dans les détails.
D’autant plus qu’en terme
d’opérations au jour le jour, il
n’y a actuellement personne ni
structure pour organiser les
opérations de la future équipe.
Bref, la précipitation est
toujours un signe précurseur de
dépassement de coûts,
particulièrement avec l’argent
public. Autrement dit, le mode
« fast
track »
de gestion de projet pour
aménager le Colisée Cardin
pourrait être coûteux pour les
contribuables. Les
soumissionnaires pour ce genre
d’appels d’offres savent affûter
leurs crayons.
NOTE :
Selon
Gilles Courteau, aucun club ne
serait actuellement disponible
pour un transfert.
Ainsi, les opérations hockey
pourraient débuter en 2014-2015
ou plus tard. Donc, le 2,4 M$
promis sera gelé en
partie ou en totalité. Ce qui
hypothèque la capacité de
réalisation de Sorel-Tracy pour
d’autres projets.
Globalement, il
faut comprendre que c’est
maintenant que l’opportunité
Éperviers se présente. Il faut
aussi comprendre que les
promoteurs et le « cash »
sont au rendez-vous. Il faut
comprendre que Sorel-Tracy est à
la recherche de projets
stimulants comme la rénovation
du marché Richelieu pour se
hisser au rang de ville
attrayante et dynamique. Il y a
aussi l’attrait des « sacro-saintes »
retombées économiques pour
lesquelles il ne faut pas
confondre intérêt personnel et
collectif.
D’un autre côté,
il ne faut pas se laisser
aveugler parce ce que l’on
pourrait appeler, le « Veau
d’or du junior » et
réfléchir a ce que nous avons
réellement besoin à
Sorel-Tracy.
Ceci étant, il
convient de se poser la question
suivante, que personne ne semble
s’être posée au conseil
municipal et qui est la seule
valable : « S’agit-il du
meilleur usage alternatif de
2,4 M$ au plan socio-économique,
au bénéfice de l’ensemble des
citoyens de Sorel-Tracy? ».
C’est la question classique et
fondamentale dans un contexte
d’évaluation des choix publics.
Cette question,
par souci de transparence et de
« saine gestion », Réjean
Dauplaise et le conseil
municipal de Sorel-Tracy doivent
y répondre immédiatement et
publiquement, sans
les prometteurs
ou l’intéressée
Chambre de commerce de
Sorel-Tracy
pour leur tenir la main.
Jocelyn Daneau
jocelyndaneau@gmail.com
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