Au
nom de tous les nôtres
Beaucoup a déjà
été dit et écrit sur la tragédie
du Lac-Mégantic. Beaucoup reste
à dire et à écrire. Soyons sans
crainte, cela sera fait. On ira
politiquement et techniquement
au fonds des choses; mais est-ce
que les choses changeront? C’est
une autre histoire.
Nos villes ont
été bâties autour du chemin de
fer et de l’automobile. Elles le
resteront encore longtemps.
Certains professent l’abandon du
pétrole et le tout aux énergies
vertes. Peut-être. Mais en
attendant que l’Homme abandonne
son VUS consommateur d’ordinaire
super taxé, pour les puits de
dépenses sans fin que sont nos
gouvernements; son mode de vie à
base de pétroplastique design,
jetable, indémodable avant le
lendemain et quelques fois
récupérable; son gaspillage
indécent de nourriture nous
rendant obèse pour le bon
plaisir des conglomérats
agroalimentaires… la planète
continuera de se réchauffer avec
à leur tête, les Steven Harper
de ce monde et autre capitaliste
débridé, écumeurs nos vies. Les
hommes passent, mais l’Homme
reste.
Compatissons avec
les survivants. Ayons de la
compassion. Pour le reste de
leur jour, ils verront et se
souviendront de leur fils, de
leur fille, de leur copain et
amie pleins de vie … brûler
atrocement en quelques secondes.
Pour le restant de leur jour,
leurs nuits en témoigneront, ils
se sentiront impuissants,
inutiles. Impuissants devant cet
événement, impuissant devant ses
causes, impuissants devant ses
responsables.
Un être civilisé
dans une société de droit ne se
fait jamais justice lui-même. Il
attend après d’autres, dans un
système de justice qui favorise
les biens pensants, lesquels
auront toujours un penchant pour
la libération des Guy Turcotte
de ce monde. Dans le déni total,
le capitaliste PDG de
The Montreal, Maine & Atlantic
qui
dit avoir fait ce qu’il fallait
faire,
a commencé à vouloir imputer la
responsabilité de la catastrophe
à d’autres, notamment aux
pompiers de Nantes. Déjà, notre
Denis Lebel ministre fédéral des
Transports est lui aussi comme
les autres politiciens, en mode
« damage
control ».
Il ne manque que
National
ou autres agences de COM et les
couleuvres seront cuites, prêtes
à être avalées. Quand tu n’as
plus la faculté d’avoir honte,
ton âme, ton honneur et ton
humanité ont été vendus au
Diable. Il ne te reste plus
rien, peut-être seulement ton
argent. On ne meurt qu’une
fois : je ne veux pas mourir
dans le déshonneur, surtout pas
pour être riche.
Ce sont les
survivants qui m’interpellent
quand arrive un malheur comme la
catastrophe du Lac-Mégantic.
Peut-être parce que j’en suis
moi-même un, … un survivant.
N’en sommes-nous pas tous? Ce
sont toujours les survivants qui
ramassent les pots cassés par
d’autres. Ce sont les
survivants, des victimes
collatérales, qui affrontent
chaque jour le vide créé par
d’autres.
Le vide créé par
les siens, subitement partis
sans un bonjour, sans une ultime
accolade, sans le dernier regard
du souvenir. Sans l’empreinte du
dernier sourire. Sans ce dernier
touché, dont le goût manquera à
jamais, comme celui de la
première maîtresse, du premier
amant.
Je pense surtout
aux jeunes orphelins que la
tragédie laisse. Pour eux, le
vide n’est pas demain, ce sera
plus tard, bien plus tard. Ils
chercheront à comprendre sans
jamais pouvoir comprendre.
Je les comprends tellement.
Seul espoir, les réponses
pourraient venir encore plus
tard, après.
Avec la tragédie
du Lac-Mégantic, je me suis
souvenu d’un livre qui a
profondément marqué ma
jeunesse :
Au nom de tous les miens de
Martin Gray. Récit
autobiographique vendu à des
millions d’exemplaires. C'est un
livre sur la résilience d’un
homme qui sait. C’est l’histoire
d’un survivant de l’Holocauste
qui a perdu toute sa famille
dans le ghetto de Varsovie, aux
mains des nazis. C’est
l’histoire d’un survivant des
camps de concentration et de ces
fours crématoires, qui refait sa
vie dans le souvenir des siens.
C’est l’histoire d’un homme qui
perd encore sa famille, sa
conjointe et ses quatre enfants,
dans un banal incendie de
broussaille. C’est l’histoire
d’un homme qui brûle et brûlera
chaque jour, jusqu’au dernier.
C’est l’histoire d’un homme qui
survit pour témoigner au nom de
tous les siens.
Ayons une pensée
pour les morts,
recueillons-nous. Mais surtout,
prenons soin des survivants.
Comme Martin Gray, aidons-les à
poser des gestes au nom de tous
les leurs, de tous les nôtres.
Jocelyn Daneau,
jocelyndaneau@gmail.com
Au nom de tous les miens,
Martin Gray, Éditions Robert
Laffont, 1971
Pour faire un
DON : Soutien Lac-Mégantic
Croix-Rouge :
http://www.croixrouge.ca/faites-un-don/faites-un-don-en-ligne/donnez-au-fonds-en-cas-de-catastrophe-au-quebec
De plus, samedi à
l’hôtel de ville de Sorel-Tracy,
de 10 à 14h, la Croix-Rouge sera
sur place pour recevoir vos
dons.
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