Citoyens, l’ère
des Gaulois est terminée
« Il faut
toutefois continuer notre
travail en vendant notre région
puisque c’est les attirer à
venir s’installer ici qui reste
très difficile. » (Élaine
Zakaib, Enquête sur la pénurie
de médecins de famille, Les 2
Rives, 5 mars 2013).
« … la
perception négative de
Sorel-Tracy à l’extérieur, c’est
pas toujours rose-rose … »
(Yanick
Lévesque, Tournée des joueurs de
la LNH, On a des choses à dire,
FM 101,7, 18 octobre 2012,
partie 4).
Ne tirons pas sur
le messager. Deux de nos
ambassadeurs les plus illustres
nous disent implicitement
et explicitement que
Sorel-Tracy et sa région sont
difficiles à vendre.
En comptant mes
études universitaires, j'ai
quitté la région en 1980 pour y
revenir en 2010. Les vacheries
sur Sorel-Tracy, je les ai
toutes entendues.
Quotidiennement, je quitte pour
des raisons professionnelles et
régulièrement, je suis victime
d’un quolibet concernant notre
réputation, toujours dit avec un
sourire en coin.
Ne soyons pas
naïfs. Nous avons un problème
de réputation et d’image.
Que pensez-vous que le maire ou
la mairesse d’une ville
concurrente dit à un
investisseur potentiel ou à un
médecin tenté de venir s’établir
dans notre région? Si le « Québec
Bashing »
est une spécialité du Canada
anglais, le « Sorel-Tracy
Bashing » en est une du
reste du Québec. Autant, je suis
peu sensible envers l’opinion du
ROC (« Rest of Canada »),
autant je pompe de l’air avec
notre déficit de réputation.
Dans une
chronique précédente, j'ai
abordé la notion de réputation
(voir :
Gouvernance et réputation - un
maire sans repère).
Sans refaire la discussion,
rappelons que la réputation et
l'image sont d'une importance
capitale pour le développement
socio-économique d’une région.
Ceci est encore plus vrai
aujourd’hui, à l’époque des
réseaux sociaux et de
l’hyper-concurrence des chaînes
d’information continue. Selon la
réputée agence publicitaire
Sid Lee :
« Une réputation se bâtit sur
plusieurs années et se détruit
maintenant avec un seul CLIC de
souris ».
Disons les choses
comme elles sont. Depuis trop
longtemps, la réputation et
l’image de marque de la région
de Sorel-Tracy dérivent au gré
des événements, sans réel
leadership.
Comment en
sommes-nous arrivés là?
Le déterminisme
géographique et les hasards de
l'histoire nous ont forgé un
caractère et une personnalité
collective de nature
isolationniste. Une situation
propice au développement d’une
mentalité tribale de type
binaire: nous et les autres.
Concrètement, c’est le résultat
de plusieurs facteurs qui se
renforcent mutuellement : une
géographie enclavée avec le
St-Laurent comme frontière et
comme voie majeure pour les
échanges commerciaux,
l’émergence d’une industrie
lourde sous l’impulsion des
Simard, des entrepreneurs de
classe mondiale et finalement,
un contexte particulier,
l'avènement de la Seconde Guerre
mondiale. Le tout a contribué à
l'émergence d'une classe
d'ouvriers qui a rapidement pris
conscience de son importance et
de son caractère unique au
Québec.
Cependant, cette
bonne étoile a entraîné un
déficit en terme de réputation
et d’image que nous avons encore
aujourd’hui, énormément de
difficulté à maîtriser.
Des grèves de 1937
issues de l'émergence d’un
syndicalisme nécessaire en
passant par une réputation de
solides et rudes gaillards
maniant adroitement le "tire-bouchon",
nous habitons toujours dans
l'imaginaire populaire,
une ville où il y a une taverne
à chaque coin de rue.
Dans les années
70 et 80, aveuglées par une
supériorité autoproclamée et une
unicité que nous pensions
éternelle, qui excluait de facto
la nécessité de s’instruire,
notre réputation et notre image
ont encore décliné. Ce qui a
surtout marqué négativement
l'imaginaire québécois nous
concernant :
les pénibles grèves à Marine
Industrie
(1984-85), la
CECO et Marcel « Chinois »
Salvail,
l'arrivée médiatisée des
Hells Angels en 1977
et l’épisode des
sacs de couchage en 1985, les
frasques des turbulents
Éperviers de Sorel du flamboyant
feu Rodrigue Lemoine.
De 2000 à 2009,
sous l’administration de Marcel
Robert, diverses tentatives ont
été initiées pour améliorer
notre réputation comme
l’introduction d’une démarche de
type
Agenda 21 local.
À partir de 2009, la nouvelle
administration municipale n’a
jamais pris conscience de la
valeur stratégique de notre
réputation et de notre image de
marque.
Mais ce qui est
le plus grave. L’administration
Dauplaise en a rajouté une
couche épaisse pour favoriser le
« Sorel-Tracy Bashing ».
Qui ne se souvient pas du « freak
show »
des conseils municipaux qui ont
fait les choux gras d’Infoman.
Que l’on pense à l’entrevue
inappropriée et candide du maire
Dauplaise avec Jean-René Dufort
sans oublier l’improvisation
dans le dossier SDD/Conporec.
Mais ce n’est pas seulement les
« politiques » qui ne
nous aident pas. À preuve, la
saga de l’Hymme à l’amour
d’Édith Piaf qui a eu des
répercussions internationales.
Autre exemple : la pièce de
théâtre
Sorel-Tracy
sur le thème de la corruption
municipale.
Bref, la cour est pleine. Sauf
Montréal, nommez-moi une ville
qui s’automutile autant? La
gestion de notre réputation et
de notre image de marque frôle
la catastrophe. Il faut que cet
amateurisme cesse.
Une urgence :
faire le « branding »
de Sorel-Tracy et de sa région
Nous
avons des atouts indéniables
qui sont peu mis à l’avant-scène
: la Technopole en écologie
industrielle, Chalifoux et ses
fromages, notre CEGEP, Rio Tinto
avec ses usines de premier plan,
tout le secteur du mécano-soudé,
de l’usinage et l’excellence de
nos travailleurs,
l’environnement des
Île-de-Sorel, etc.
Il nous faut des
initiatives efficaces pour
améliorer notre image de marque.
Pour l’instant, celles en cours
semblent mal ciblées ou manquent
de « punch ». Est-ce que
quelqu’un a entendu parler de la
campagne de fierté régionale
Sorel-Tracy : la région sur
Facebook
du CLD Pierre-de-Saurel?
Probablement « personne »
sauf pour ses 588 adeptes. Pour
ce qui est de la campagne « On
construit »,
je me questionne énormément sur
l’efficacité socio-économique de
ce programme ** qui fait surtout
le bonheur des entrepreneurs en
construction. Passons vite sur
le site internet de la ville de
Sorel-Tracy totalement « drabe ».
D’un autre côté, il y a les
intéressants publie-reportages
Contact-Affaires sur Sorel-Tracy
qui donne une
image dynamique de notre
région.
Ceci étant, nous
citoyens, nous payons
actuellement pour une « tonne »
de conseillers, coordonnateurs
ou directeurs en communication
répartie au sein du CLD
Pierre-de-Saurel, de la SADC, de
la ville de Sorel-Tracy, de la
MRC Pierre-de-Saurel, etc. Y
aurait-il moyen de mettre tout
ce beau monde ensemble pour nous
imaginer et mettre en œuvre une
réelle stratégie de marketing de
notre ville et de notre région.
Il y a urgence d’agir. C’est
un chantier prioritaire pour les
élus du 3 novembre 2013.
Regardons les
choses en face, sans
complaisance, les principaux
responsables de notre réputation
et de notre image, c’est
nous-mêmes. Il nous faut changer
de mentalité. Sortir du « nous
et les autres » et s’ouvrir
sur le monde et ses changements.
Sortir de notre « village
gaulois » pour entrer dans
le « village global ».
Être fier de ce que nous sommes,
de ce que nous voulons être.
Si nous sommes
fiers de nous-mêmes, nous
transmettrons au Monde une image
positive de gagnant. Il n’y a
rien de mieux qu’une attitude de
gagnant pour attirer des
gagnants … et des médecins.
Jocelyn Daneau
jocelyndaneau@gmail.com
** Un projet de
chronique est en gestation sur
ce sujet. |