Écomonde :
du mythe à la vision à la
réalité
S’il y a un
projet qui fait l’unanimité à
Sorel-Tracy et dans la région,
c’est bien l’intéressant projet
Écomonde. Pour la
population, c’est un peu le
signal d’un second début pour
Sorel-Tracy. Il va s’en dire que
le maire Péloquin comme
ex-directeur artistique en est
toujours un farouche partisan,
lui qui est à l’origine du
concept en 1997. De même, madame
Élaine Zakaib députée sortante
de Richelieu en a fait un enjeu
local, dans le cadre de
l’actuelle campagne électorale.
Un mythe
est une représentation idéalisée
d’un passé réel ou construit. Il
transporte dans le présent une
charge émotionnelle sous forme
d’images, d’événements ou de
personnages qui font rêver. Une
vision est une projection
adaptée pour un futur probable,
de ces mêmes rêves. Lesquels
doivent nécessairement
s’accompagner en bout de piste,
de moyens concrets. C’est à ce
moment que l’on entre dans la
réalité des énoncés de
projets, des budgets… et des
critiques. Parce qu’il n’y a pas
de projet à Sorel-Tracy, au
Québec ou ailleurs sans son lot
d’opposants, de « critiqueux »
et de « questionneux ».
C’est démocratique et sain, mais
achalant pour les responsables.
Le
questionnement
public, c’est ce qui
dans une société
démocratique,
devrait normalement
empêcher les
autorités de faire
tout et n’importe
quoi, avec l’argent
des contribuables et
les libertés
individuelles. Mais
dans la réalité,
c’est autre chose. À
titre d’exemple,
l’actuel projet sans
légitimité
démocratique de
Parc éolien
Pierre-de Saurel
de 67 millions de $
(on vient d’y
additionner 1 M$
sans justification)
n’est pas un modèle
de transparence,
même s’il s’annonce
comme tel à coup de
communiquées et de
pages WEB. Il
soulève encore de
très nombreuses et
sérieuses questions
quant à sa
rentabilité
économique et la
seule réponse que
nous obtenons, « Faites-nous
confiance » du
maire de Sorel-Tracy
et membre du Conseil
d’administration de
Parc Éolien
Pierre-de Saurel,
est insuffisante. Ce
qui indique
simplement que les
questions et donc
les réponses ne sont
pas maîtrisées.
Qu’en est-il alors
de l’ensemble de ce
projet et de sa
rentabilité?
MYSTÈRE!
Un
mystère qui pourrait
être résolu au
bénéfice des
citoyens par une
vérification
diligente de
l’ensemble du
projet, par un tiers
indépendant. On
parle ici d’une
dépense de moins de
1% du coût total de
ce colossal projet
de 67 M$. |
Écomonde est le résultat d’un
mythe fondateur. Celui de la
grandeur industrielle passée et
toujours recherchée de la ville
de Sorel-Tracy. Écomonde est
donc un moyen dont l’ampleur du
concept et des promesses sont à
la mesure de ce mythe. C’est
essentiellement un élément d’une
vision d’avenir pour
Sorel-Tracy, laquelle n’est
toujours pas élaborée. C’est
comme une histoire de charrue et
de bœufs. On aime mieux faire
dans le béton, confondant
imagination et imaginaire.
Bref, comme
Écomonde est un sujet
d’actualité, permettons-nous
quelques questions légitimes
étant donné qu’il est financé en
partie, avec l’argent public de
nos taxes à hauteur de 5,9 M$ et
plus sur 21 M$, selon la
structure du montage financier à
finaliser.
Extrait (Agence
QMI, 7 mars 2014) : « …
estime que leur projet permettra
de créer 78 emplois et d'attirer
150 000 visiteurs dès la
première année. Ce qui
générerait des retombées
économiques directes de 6
millions $ par année. »
150 000 visiteurs
Chiffre
impressionnant! Mais est-il
crédible pour supporter ce
concept
Hôtel · Congrès ·
Spectacles · Gastronomie
en
fonction d’un
site géographique particulier,
celui du quai 2 localisé dans
une ville enclavée, située à
moins de 100 km d’un grand
centre?
150 000
visiteurs, c’est 411 personnes
par jour, chaque jour de
l’année. 100 familles de 4
personnes si vous aimez mieux,
tous les jours. Les comparaisons
extrêmes sont toujours les plus
parlantes, mais ensuite il faut
faire différents cas de figure.
À l’opposé par exemple, nous
obtenons une moyenne de 1 630
personnes par jour, si 100 % des
visiteurs se concentraient
pendant les 92 jours consécutifs
des mois de juin, juillet et
août. À titre de comparaison,
les
plages du Parc Jean-Drapeau,
une activité familiale
accessible par métro ont attiré
en 2011, 183 254 personnes.
Par ailleurs,
considérant le concept d’Écomonde,
il faut poser l’hypothèse
raisonnable que 80 % des usagers
et plus, seront de l’extérieur
de la région et de plus, ils
doivent être suffisamment
éloignés pour que certains
envisagent de faire dodo chez
nous. Est-ce crédible comme
hypothèse de rentabilité?
Par exemple,
posons l’hypothèse que l’Auberge
de la rive qui compte 96
chambres (75 employés) est
occupée actuellement à 50 % sur
une base annuelle. Qu’en
sera-t-il de la répartition de
la clientèle entre cet hôtel et
celui de l’Écomonde?
D’autres
questions surgissent. Par
exemple, comment assurer la
viabilité financière du point de
vue des salles de congrès
disponibles dans la région? L’Écomonde
offrira aussi un volet « gastronomique ».
Si intéressante soit l’idée,
qu’elle sera l’impact sur la
restauration locale sachant
qu’un restaurant dans ce
créneau, Philippe de Lyon est
maintenant disparu, probablement
pour des raisons de
fréquentation?
Retombées
économiques directes de
6
millions $ par année
Le 6 M$ de
retombées économiques annuelles
de l’Écomonde est équivalent à
des « Dépenses des visiteurs »
de 9,5 M$. Ce résultat est
obtenu en appliquant la
méthodologie utilisée par
l’étude : « Impact
des dépenses touristiques des
visiteurs dans la région de
Québec en 2010 ». Les
résultats de cette dernière sont
obtenus à l’aide de simulations
à partir du Modèle
intersectoriel de l’économie du
Québec de l’Institut de
la statistique du Québec (ISQ).
C’est la façon de faire
habituelle.
Est-ce que cette
méthodologie a été utilisée dans
le cas de l’Écomonde? J’ai posé
la question par courriel à
M. Benoit Théroux, responsable
du RIREST - Regroupement
des gens d'affaires qui
parraine Écomonde. Je n’ai pas
obtenu de réponse.
Est-ce que l’on
peut appliquer la méthodologie
« Québec » pour obtenir
le 9,5 M$ de l’Écomonde? OUI,
qu’il suffise de dire que le
modèle de calcul de l’ISQ,
techniquement linéaire, ne
produit pas de résultats
différentiables régionalement.
Donc, chaque jour
de l’année, hiver comme été,
enfants comme adultes
dépenseront chacun 63,33 $
c.-à-d. 253 $ par famille de 4
personnes en fréquentant l’Écomonde.
Est-ce crédible? En termes de
budget familial, me rappelant
mes années de jeunes parents,
les 253 $ de « lousse »
pour une journée étaient assez
rares. Pour ce qui est des
autres cas de figure, je les
laisse à votre imagination.
Notons qu’en termes de
concurrence pour Sorel-Tracy, le
prix d’un passeport estival pour
4 personnes en 2014 pour La
Ronde sera de 236 $ avant taxe.
Une scène de
spectacle pouvant accueillir
12 000 personnes et autres
Intéressant et
magnifique comme concept
scénique sur le bord du fleuve,
mais sauf pour quelques soirs de
juillet, avons-nous le climat
pour une telle scène?
Aurons-nous le programme
culturel pour rentabiliser un
tel équipement? Rappelons-nous
que Simple Plan, un
groupe musical de réputation
internationale n’a attiré que
8 000 personnes payantes, dans
le cadre du festival de la
Gibelotte 2013. Bref, avant la
première pelletée de terre, que
nous conseilleraient les
gestionnaires du site à ciel
ouvert du Festival de
Lanaudière? Ceux du Centre
multifonctionnel Richardson,
justement localisé chez nous?
Les mythes ont la
vie dure, mais la réalité est
souvent cruelle. Nous ne devons
pas nous empêcher de rêver. Mais
rêvons éveillé. Les résultats ne
seront que meilleurs.
En ce sens, la
question fondamentale est : «Avons-nous
les moyens de cet Écomonde?»
Jocelyn Daneau
jocelyndaneau@gmail.com
|