LE SORELTRACY MAGAZINE     *  Dernière mise à jour : mardi 26 août 2014 16:18

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NÉCROLOGIE

NOUS JOINDRE

L'ENVERS DE LA MÉDAILLE!
avec Daniel Lequin

mardi 26 août 2014

« Papa, tu es le meilleur, je t’aime ! »

En mai dernier à Ottawa, j’avais vu mon ami Brian Brochet vivre les derniers instants à l’approche de son premier marathon. L’expérience s’est répétée récemment au marathon de Québec où j’ai accompagné Yanick Lafleur qui est parvenu à relever le plus grand défi sportif de sa vie.

Mais, comme à chaque année dans la vieille capitale, se pointe sournoisement l’ennemi numéro un des adeptes de la course à pied, la chaleur. Ce que nous ignorions, c’est le record de température qui nous attendait.

Pour une 3e fois, j’allais initier un coureur pour son baptême à cet événement mémorable. Je connais très bien le marathon de Québec et je sais qu’il nous attend dans le dernier droit avec sa menace. On ne doit jamais le prendre à la légère.

Yanick avait bien dormi. Reposé, je le sentais prêt et d’attaque. Cet ex-joueur étoile au football bénéficiait d’une solide base sportive et je me disais que cet atout allait l’aider. Dans les jours précédents, il m’avait demandé le temps que j’anticipais pour lui. Je ne suis pas tombé dans le piège et je ne lui ai pas répondu.

Toutefois, je pouvais sentir qu’il aspirait fracasser la barre des quatre heures. À Québec, il faut oublier les objectifs car sur le boulevard Champlain, plus rien ne tient. Je lui avais rappelé l’importance de boire lors de la première moitié du trajet. Il fallait éviter la déshydratation.

Je constatais qu’il sautait des points de ravitaillement. Je me devais de le rappeler à l’ordre. Il s’est ravisé car plus on approchait du pont de Québec, plus il réalisait que boire devenait essentiel. Une fois installé dans le four du boulevard Champlain, il fredonnait la musique qui chatouillait son oreille depuis le début du parcours. « Je ne croyais jamais que j’allais te parler et chanter sur Champlain », m’a-t-il dit. Je n’ai pas répliqué. Nous étions au début du boulevard. Il restait encore dix kilos au compteur.

Quelques minutes plus tard, la fatigue l’a solidement envahi. Comme il se produit souvent, le souffle demeure intact mais les jambes s’alourdissent et le cerveau commence à lancer des signaux de découragement. C’est là que je devais jouer mon rôle d’accompagnateur. Alors que nous constations d’autres coureurs étendus sur le parterre avec des ennuis de déshydratation, des crampes, des vomissements, etc., je me suis installé devant lui pour le tirer.

« On arrête. Je ne suis plus capable », m’a-t-il dit, une phrase qu’il ne voulait pas prononcer. Mais quand on est au bout du rouleau !!!! Puis, le lapin de 4hres nous a dépassés. Je l’ai entendu bougonner. Je savais pourquoi. « J’ai juste hâte de voir les miens, ça va me remonter le moral », en parlant de sa femme, ses deux enfants et ses beaux parents.

Soudainement, ils sont apparus. Juliane et Mathieu l’ont accompagné pour quelques mètres. En nous quittant, Mathieu a dit : « Je suis fier de toi papa, tu es le meilleur, je t’aime ». Entendre un commentaire semblable vient nous chercher. Ça m’a ébranlé. Pour quelques secondes, j’ai égaré le rythme de ma respiration. Ouf !

Avec deux kilomètres à franchir, je lui ai dit de délaisser sa musique, qu’il se devait de vivre sa réalisation, l’appui des gens, les acclamations, le privilège de franchir la ligne d’arrivée.

Pendant que je m’occupais de faire crier les personnes regroupées le long des clôtures pour lui procurer une dose d’adrénaline, Yanick souffrait le martyr mais appréciait la réalisation d’un exploit qu’il n’avait jamais imaginé. « Je ne te remercierai jamais assez de m’avoir accompagné », m’a-t-il confié, visiblement exténué.

Quand nous sommes passés au fil d’arrivée, je n’ai même pas regardé le chrono. Je venais de recevoir ma récompense par cette simple petite phrase.

Notre temps : 4h08 (Impressionnant pour un premier marathon et avec une telle chaleur)



Daniel Lequin

danielmedaille@hotmail.com

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