« Je ne
prends pas de drogue ! »
Quand on ne s’attend à rien, on
est surpris par tout. Un petit
marathon, d’apparence
tranquille, près de 300
participants seulement mais qui
proviennent d’aussi loin que le
Texas, le Colorado ou le
Tennessee. La chaleur humaine
émane d’un tel événement. On se
sent coude à coude. Cela nous
permet de faire la rencontre de
merveilleuses personnes.
Quelques minutes avant le
départ, j’ai croisé deux
coureurs. L’un deux m’a regardé
pour me dire : « Hey ! C’est
toi le gars de RDS qui écrit des
textes sur la course à pied. Tu
m’as inspiré à venir ici. »
J’ai littéralement figé. On
n’est jamais préparé à un tel
commentaire. Nous avons jasé
après l’épreuve. Je les ai
attendus afin de les saluer avec
les membres de leurs familles.
Éric Gervais et Hugo Charest ont
donné le ton à ma journée.
L’an dernier, j’avais réalisé un
temps de 4h16 sur ce trajet.
Sans le dire ouvertement,
j’espérais abaisser cette
marque. À l’image de mon
rendement à Providence il y a
deux mois, j’ai poussé la
machine sauf que cette fois-ci,
je me butais aux Montagnes
Vertes, des montagnes russes du
début à la fin !
Déterminé et pas question de
flancher, j’ai perdu
complètement la notion de la
distance parcourue après avoir
franchi la moitié du parcours.
Je dois préciser que je cours
sans montre au poignet.
Cette attitude était voulue.
Quand je me suis décidé à
regarder une borne qui indiquait
à quel mille je me situais, j’ai
aperçu, à ma grande
stupéfaction, le chiffre 25. Oh
my god ! J’avais solidement
réussi à entrer dans ma bulle.
Avec un peu plus d’un mille à
parcourir, je me sentais le cœur
joyeux car je savais que
j’allais battre mon temps de
l’an passé.
Ce n’est qu’à l’arrivée, à la
vue du chrono officiel que j’ai
sauté de joie. 3h57, vingt
minutes retranchées sur 2013.
Les gens vont croire que je
prends des substances illégales
! Ça n’a aucun sens. Même moi,
je n’arrive pas à comprendre.
Non, je ne me drogue pas !
Quelques instants plus tard,
j’ai fait la rencontre de
Bart Yasso (à droite),
une icône pour la course à pied
aux États-Unis. L’organisation
du marathon l’avait invité à
prononcer une conférence la
veille. Un chic type qui prenait
la peine de féliciter chaque
coureur au fil d’arrivée.
Il manquait une personne.
J’avais appris la veille que
Simon Pelletier était inscrit au
marathon. Simon, c’est le gars
courageux dont je vous avais
parlé il y a deux ans. Père de
quatre jeunes enfants, il avait
dû encaisser un choc terrible
avec la perte de son épouse
alors âgée au début de la
trentaine. Afin d’oublier ce
malheur, il avait opté pour la
course à pied comme moyen
d’évasion.
Au 5e mille, je l’ai salué et il
semblait déjà souffrir.
Conscient que ça pourrait être
pénible pour lui, je me devais
de l’accueillir. Il s’est pointé
vers les 5 heures, sourire aux
lèvres et heureux de son
triomphe. Tout en parlant, il
m’a confié que je constituais
son inspiration. Je ne pouvais
plus parler, la gorge nouée.
J’ai dû prendre une couple de
respirations et reprendre mon
souffle après quelques instants.
J’ai fini par le remercier, non
sans effort pour contrôler mes
émotions.
Dire que je ne m’attendais à
rien de très spécial pour cette
journée passée dans le cœur des
montagnes où la tranquillité
fait son œuvre du matin au soir.
Tout est arrivé comme ça, sans
avertissement. Il y a des
journées dans une vie où on
reçoit beaucoup d’amour sans
même l’avoir commandé.
Voilà ce qui fait que ça vaut la
peine d’y faire confiance.
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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