Perdu lors
d’un marathon !
« J’espère que tu seras
indulgent. Je ne suis pas un
organisateur professionnel ».
Alexandre Émond avait pris soin
de me prévenir lorsque je lui ai
annoncé que j’allais participer
à la distance du marathon au
Trans-Montréal. C’est sous
l’invitation d’un ami coureur
que j’ai finalement accepté ce
défi car j’ignorais totalement
l’existence de cette course.
Deux semaines après le marathon
de Magog, ça me donnait peu de
temps de récupération, d’autant
plus qu’à cause du parcours
accentué là-bas, j’étais sorti
avec un malaise à l’aine, qui
heureusement, s’est dissipé dans
les jours suivants.
Avec un coût d’inscription de
25$, je me disais que je ne
devais pas m’attendre à quelque
chose de grandiose.
Un petit kiosque aux grands
vents installé aux abords de la
rivière des Pairies accueille
les participants. Je vois
Alexandre, tout sourire. Il n’a
pourtant pas dormi de la nuit
car il faut dire que les
coureurs du 130km partaient vers
2h30 aux petites heures du
matin, de Montréal ! C’est la 3e
année d’existence de l’épreuve.
Il y a eu 8 coureurs pour la
1ière édition, 16 l’an dernier
et 118 cette année. Le marathon
se déroule pour la première
fois.
Quelques minutes avant le départ
pour les 10, 21 et 42km,
Alexandre invite les gens à se
rassembler autour de lui afin
d’écouter les recommandations.
Pour le marathon, il signale que
l’on doit suivre la piste
cyclable qui sillonne la rivière
et qu’au bout, on tourne par une
petite boucle pour rentrer au
bercail.
Bouf ! Je me dis que ça ne
semble pas très compliqué.
Aucun système de chronométrage
sur place car le temps est
calculé par une photo
(horodatée) prise au départ et
une autre à la fin. Original
comme système ! Pour le
marathon, nous sommes 11
coureurs.
Le premier point de
ravitaillement se retrouve au 5e
kilomètre, l’endroit où les
participants du 10km doivent
rebrousser chemin. Au loin,
j’aperçois toujours mon ami. Je
dois arrêter pour un petit pipi.
Je regarde devant et je me rends
compte qu’il a disparu. Je ne le
reverrai plus.
J’arrive au 2e poste de
ravitaillement…au 10e kilomètre,
là où on doit tourner pour le
demi-marathon. Je dois préciser
que je cours toujours sans
montre. Je n’ai aucune idée de
mon temps. Sur le parcours,
aucune balise n’indique les
kilomètres. Exceptionnellement,
j’écoute de la musique car
j’anticipais justement que
j’allais me retrouver isolé. Je
syntonise CHOM. Je n’ai apporté
aucune bouteille d’eau comme à
l’habitude.
C’est à partir de ce moment que
ça se gâte.
Je continue à suivre la piste
cyclable tel que recommandé. Je
suis toujours seul. Je me sens
comme lors d’un entraînement
dans mon patelin un samedi matin
! À un certain moment,
l’animatrice à la radio indique
qu’il est 11h50. Je fais le
calcul dans ma tête. Le départ a
été donné aux alentours de
10h00. Habituellement, je
complète ma première portion de
marathon approximativement en
2h00. Je m’arrête et regarde
autour de moi. Plusieurs choix
de direction me sont offerts. Je
prends lequel ?
Je croise un coureur du marathon
qui revient. Il me dit qu’il y a
une île, qu’il a fait le tour et
qu’il croit que c’est correct
ainsi. Je l’écoute et j’entame
le retour. À la radio,
l’animatrice ne mentionne plus
l’heure lors de ses
interventions. Je suis vraiment
écarté car je n’ai plus de
repaire.
Sur le chemin du retour, j’ai
soif. Je n’ai pas bu une goutte
d’eau depuis la station au 10e
kilomètre. Je ne peux ingurgiter
un gel. Je décide d’arrêter des
inconnus en vélo sur la piste
cyclable. Je n’ai pas le choix.
J’explique que je cours un
marathon et que je suis
assoiffé. Heureusement, ils
coopèrent et m’offrent le
contenu de leur bouteille.
Disons que ça remonte un moral !
Puis, je rencontre Stéphanie.
Elle participe au 130km. Son
réservoir d’eau qu’elle traîne
sur son dos est à sec. Elle
m’indique cependant que d’après
ses calculs, nous sommes à moins
de deux kilomètres du prochain
ravitaillement.
Elle avait raison. Je suis
sauvé. J’enfile le contenu d’une
bouteille d’eau dans un temps
record ! Je prends le temps de
manger un peu. Je demande
l’heure au bénévole. Il est
13h05 et il me reste en principe
10km à parcourir. Je suis
encouragé.
Je fais un petit bout avec
Stéphanie. Elle doit s’arrêter
pour marcher car elle est
vraiment épuisée. Je la quitte
et je poursuis. Je n’ai sûrement
pas suivi le bon chemin car à
l’arrivée, on me dit que j’ai
réalisé un temps de 4h24.
Assurément, je me suis perdu.
J’estime que j’ai dû courir de 2
à 3 kilomètres de plus.
J’accepte
la situation. Alexandre,
responsable du club Titane, qui
compte 30 marathons à son actif
et qui a participé à celui de
Montréal cette année pieds nus,
m’avait averti. Le parcours est
magnifique mais pour les
prochaines années, il devra se
soucier d’installer un plus
grand nombre de tables de
ravitaillement et surtout, mieux
orienter les coureurs pour
éviter qu’ils s’égarent.
Pour 25$, j’ai eu un beau lunch
à la fin, une médaille et même
un extra sur la distance de mon
marathon. Que demander de plus ?
Bravo Alexandre et n’oublie
surtout pas les recommandations
pour ta prochaine édition.
Statistiques de mon 63e marathon
Temps : 4h24 :05
Classement général : 4 sur 9
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
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