Courir
après que les bombes eurent
tombé….
Je perçois mon
rythme cardiaque à l’oreille, la
tête sur l’oreiller. Je
n’arriverai jamais à m’endormir.
Je panique de plus en plus. Je
ne cesse de me répéter que je
cours un marathon demain. Ça
devient un cercle vicieux.
Une question de nervosité ou
l’effet du décalage horaire, je
m’explique mal cet état
d’esprit. J’ai pourtant
l’habitude de ce genre de
situation. Je me demande
finalement si j’ai réussi à
dormir trois heures !
Au
réveil, je suis confus. Je peine
à sortir du lit.
Hey bonhomme, tu es à Berlin.
Réveille !
Envahi par l’inquiétude, je me
dirige vers les portes de
Brandebourg, sans vraiment
réaliser. C’est noir de
coureurs. Ils proviennent de
tous les pays. Le monde
m’entoure. J’entends maintes
langues étrangères. Je m’éveille
lentement.
Avant d’atteindre la ligne de
départ sur le gigantesque
boulevard Strass, l’artère
principale de la ville, là où
les armées d’Hitler ont défilé à
plusieurs reprises, il faut
traverser trois contrôles. La
sécurité est omniprésente mais
tout se déroule en douceur.
Sous une musique rythmée, les
coureurs amorcent leur voyage.
Je réalise à ce moment combien
je suis privilégié de vivre ma
passion aussi intensément. Je
dois me pincer.
Les Berlinois s’alignent
massivement tout le long du
parcours, ils animent
l’événement par leurs
encouragements et leurs
implications. Ils vibrent
intensément cette journée. Je
vois les sourires, on sent leur
bonheur. Ils apprécient.
Je cours sur l’adrénaline et
tout se déroule étonnamment
bien. Je lève la tête car je ne
veux rien rater. Contrairement à
d’autres marathons majeurs, on
ne s’éloigne jamais trop loin du
centre-ville, gravitant autour,
telle une abeille près de son
essaim ! De ce fait, nous
découvrons de nombreux
quartiers.
Les coureurs monopolisent la
ville et on ne sent même pas de
frustration chez les
automobilistes. Un séjour à
Berlin nous permet de constater
la prise de conscience de cette
population qui a dû temps à
rattraper. Après tout, la chute
du mur ne date que de 26 ans !
L’économie roule bien. Les grues
géantes inondent le paysage.
Berlin, l’une des villes les
plus imposantes de l’Europe,
prend les moyens pour se refaire
une beauté. L’architecture
ultramoderne contraste avec les
bâtiments historiques qui ne
furent pas détruits par les
bombardements. Les traces
psychologiques imprégnées par le
mur de Berlin resteront gravées
à jamais dans leur mémoire. Or,
ils arrivent à passer outre,
même s’ils n’oublieront jamais.
Courir
à Berlin rappelle des moments
forts de l’histoire de
l’humanité. Les derniers tours
m’accaparent par les émotions.
Traverser les portes de
Brandebourg sous une musique
endiablée, entouré de milliers
de personnes, projette une image
surréaliste, euphorique dans mon
esprit, contrastante de tout ce
que j’ai pu voir de cet endroit
dans les livres, les revues, les
documentaires, les films, etc.
Certes le moment le plus
puissant de cette expérience
hors de l’ordinaire. Malgré mon
grand stress, je suis fier
d’avoir pu passer au travers
sans problème. Pasquale m’attend
non loin des portes où on y
retrouve différents kiosques
d’alimentation.
Quoi de mieux que de célébrer
cette réalisation avec une
pointe de pizza et une bonne
bière Erdinger sous un ciel
radieux, entouré de coureurs
ravis, tout comme je le suis !
Pourtant, un simple clic dans ma
tête et je revois la ville
assommée par les bombardements
et les portes ébranlées. Comment
vraiment vous décrire ? Malade
comme disent si bien les jeunes
!
Je suis reconnaissant pour cette
faveur de la vie que je souhaite
à tous les mordus de la course à
pied. J’ai rédigé ce texte de ma
chambre d’hôtel à Berlin, une
ville qui vit pour le futur, qui
a traversé le pire et qui sait
maintenant ce que représente la
paix, le bonheur et l’amour.
Je pense que les Berlinois
veulent profiter de la vie et ne
regardent plus derrière.
Imprégné et affecté par les
bombardements encaissés par
cette ville, impossible de
rester de glace et d’admirer le
redressement de cette
population.
Ce marathon m’a permis de
reconnaître combien la vie est
belle chez-nous.
Merci Berlin ! Merci la vie !
Daniel Lequin
danielmedaille@hotmail.com
|